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Guinée

Émeutes en Guinée : interview du leader de l'opposition

Alors que la mobilisation était toujours forte dans les rues de Conakry ce mardi après-midi, VICE News a joint par téléphone Cellou Dalein Diallo — en direct de la capitale guinéenne.
Image via Wikimedia Commons / Maarten van der Bent

Conakry, la capitale de la Guinée, est entrée ce mardi dans une deuxième journée de heurts entre manifestants et forces de l'ordre. Les médias locaux et l'AFP font état de plusieurs interpellations mais aucun blessé n'a été signalé ce mardi à l'heure où nous publions cet article.

Ce lundi en revanche, les premiers affrontements entre manifestants et forces de l'ordre avaient fait plusieurs blessés par balles chez les manifestants. Le professeur d'une clinique de Conakry, cité par l'AFP, a déclaré qu'un « jeune homme du nom de Souleymane Bah, atteint d'une balle dans le thorax, a succombé à ses blessures en début de soirée dans [s]a clinique ». Aucun bilan officiel n'a pour l'instant confirmé cette première victime. À la fin de cette première journée de lundi, le gouvernement a dénombré dix blessés ,dont six par balles. L'opposition de son côté affirme que 30 personnes ont été blessées dont sept par balles.

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À lire : La police a ouvert le feu sur des manifestants et fait au moins huit blessés à Conakry

Le gouvernement « dément formellement » l'existence de tirs à balles réelles par la police dans un communiqué, et « rappelle que les différents foyers de violence ont été gérés sans utiliser d'armes à feu ». Les autorités ont affirmé vouloir inviter « l'ensemble des acteurs politiques à la retenue » et « réunir toutes les parties autour de la table ». Dans le même temps, le gouvernement « condamne les propos réitérés aujourd'hui par des leaders de l'opposition qui continuent à appeler à la violence et à l'insurrection ».

Cette opposition est composée principalement de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG). Dans un communiqué, elle se félicite du « respect du mot d'ordre de marche pacifique de l'Opposition » et « appelle à maintenir cette pression jusqu'à la satisfaction totale de ses revendications destinées à empêcher l'instauration en Guinée d'un régime autocratique ».

Alors que la mobilisation était toujours forte dans les rues de Conakry ce mardi après-midi, VICE News a joint par téléphone Cellou Dalein Diallo — en direct de la capitale guinéenne — le chef de l'UFDG et principale figure de l'opposition.

VICE News : Qui sont les gens qui descendent dans la rue ?

Cellou Dalein Diallo : Ce sont d'abord des militants et sympathisants de l'opposition mais on a vu beaucoup de citoyens lambda venus pour exprimer leur ras-le-bol. L'UFDC [NDLR, Union des Forces Démocratiques de Guinée, le parti de Cellou Diallo] est le premier parti d'opposition. Ceci dit, toute l'opposition s'est retrouvée pour décider d'organiser ces manifestations et exiger le respect de la Constitution et des lois de la République.

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Quelles sont les revendications des manifestants ?

Ils veulent plus de liberté, plus de démocratie, que leurs conditions de vie soient meilleures. Depuis l'avènement de M. Condé, les droits humains ne sont pas respectés, il y a une insécurité totale. Par ailleurs, M. Alpha Condé a systématiquement refusé d'organiser les élections communales, après son installation au pouvoir, alors que le mandat des élus locaux était arrivé à échéance dès décembre 2010. En lieu et place d'élections démocratiques, il a nommé des cadres de son parti sur l'ensemble du territoire national. C'est contraire aux dispositions du code des collectivités et de la Constitution de la République. On s'est battus deux ans et demi pour finalement obtenir l'organisation d'élections législatives en 2013. Il n'en voulait pas, car il sait qu'il ne peut pas gagner.

Dans un communiqué, le Ministère de la Sécurité et de la Protection civile dément avoir fait l'usage d'armes à feu pour réprimer ces manifestations. Qu'en est-il selon vous ?

Ce n'est pas vrai. Vos confrères journalistes en ont été témoins. Moi-même, j'étais dehors tout à l'heure et j'ai vu un policier qui tirait en l'air à la kalachnikov. J'étais sorti pour encourager les manifestants et les policiers nous ont gazés, avant de sortir leurs armes et tirer en l'air. Douze personnes ont été blessées par balles hier.

Appelez-vous à poursuivre les manifestations ?

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Bien entendu. On va continuer à sortir dans la rue jusqu'à la satisfaction de nos revendications.

La Guinée est encore particulièrement touchée par l'épidémie de fièvre Ebola. Récemment, le gouvernement s'est opposé à la tenue des manifestations de l'opposition car elles comportaient selon lui un risque sanitaire. Qu'en est-il selon vous ?

Le gouvernement continue d'organiser ses manifestations pour la réélection du président sortant. Il y a des meetings qui s'organisent à Conakry, des réceptions organisées pour le président… Mais dès que l'opposition bouge, on dit « non, il y a Ebola ». Ebola constitue une excellente excuse pour justifier le bilan du Gouvernement sortant. En 2013, c'est-à-dire avant l'épidémie, notre croissance atteignait seulement 2,3% alors que la Côte d'Ivoire a fait 9%, le Liberia autour de 7%, la Sierra Leone, 14, 8 %. Aujourd'hui, le gouvernement attribue ces mauvais chiffres à Ebola alors qu'ils sont juste le résultat de sa politique et de son incompétence.

Suivez Pierre Mareczko sur Twitter @MareczkoP

Pierre est reporter de l'émission de VICE et France 4, « Le Point Quotidien », retrouvez ses reportages ici.

Matthieu Jublin a participé à la rédaction de cet article @MatthieuJublin

Image via Wikimedia Commons / Maarten van der Bent