Des forces de l'ordre prennent position devant les Invalides à Paris (Etienne Rouillon / VICE News)
Deux jours après l'annonce du recours au 49.3 pour faire passer la loi Travail, des milliers de personnes ont manifesté ce jeudi en régions et à Paris contre cette réforme controversée du code du Travail. Au même moment, à l'Assemblée nationale, la motion de censure contre ce que certains estiment être un « passage en force » du gouvernement n'a pas été votée. Le projet de loi est donc adopté en première lecture à l'Assemblée nationale et va donc pouvoir aller au Sénat.Pour cette cinquième journée de mobilisation intersyndicale, ils étaient 50 000 à défiler dans toute la France, selon les chiffres de la police — dont 12 000 personnes à Paris (50 000 selon les syndicats). Il s'agit de la mobilisation parisienne la moins importante depuis le début des manifestations contre la loi Travail, le 9 mars dernier, si l'on suit les chiffres de la police.À l'appel de plusieurs syndicats, les opposants à la loi Travail s'étaient donné rendez-vous place Denfert-Rochereau (XIVe arrondissement) à 14 heures pour rejoindre la place Vauban, derrière les Invalides. Avant le départ du cortège parisien, les stands de merguez et brochettes font le plein et l'ambiance paraît festive, mais rapidement le climat va se tendre.Dans la matinée, la Préfecture de Police avait diffusé un communiqué dans lequel il était précisé que le service d'ordre des syndicats ouvrirait le cortège et que les forces de l'ordre seraient positionnées en amont du cortège. Personne ne pouvant se positionner entre ces deux groupes.Un dispositif qui n'est pas du goût des manifestants non-syndiqués — principalement des jeunes, étudiants, lycéens, jeunes travailleurs — qui ont pour habitude de mener les cortèges. Le cortège est parti de Denfert depuis à peine 5 minutes que les premiers « S.O. collabos ! » fusent. Le cortège se scinde en deux — les jeunes laissant un espace d'une vingtaine de mètres avec le service d'ordre et eux.« On a l'impression que les syndicats se désolidarisent de nous, » nous explique Balthazar (son prénom a été changé à sa demande), un jeune manifestant d'une vingtaine d'années, présent en tête du cortège des non-syndiqués. « Il faudrait pourtant rester unis, mais les cadres de syndicats choisissent de s'associer aux autorités. »Alors que le cortège défile presque silencieusement, Balthazar estime que le recours au 49-3 est « une erreur politique ». « Plein de gens autour de moi ont la rage, ça les motive à ne pas lâcher. Le mouvement aurait pu s'essouffler s'ils avaient fait traîner, » pose le jeune manifestant.Une fois arrivé devant la Tour Montparnasse, la partie du cortège qui scandait « S.O. collabos ! » marque l'arrêt, faisant grandir l'espace entre eux et le service d'ordre des syndicats. Trois banderoles habillent désormais le cortège des non-syndiqués, brandies par des jeunes manifestants encapuchonnés, les yeux derrière des masques de ski ou des lunettes de piscine.« La vie est une manif'/ La France est une vitre / Et moi un pavé », peut-on lire sur l'une d'entre elles. Sur une autre, il est écrit « Nous sommes tout.e.s des casseurs ». Et comme souvent, la banderole principale du cortège des jeunes reprend des paroles du duo de rappeurs des Tarterêts, PNL : « Les larmes de la misère ont le goût de ma haine ».Au son de « Paris debout / Soulève-toi, » le cortège repart lentement sur le boulevard du Montparnasse, alors qu'un fossé d'une centaine de mètres s'est créé entre le service d'ordre et eux. Un journaliste qui demande à filmer la tête du cortège se fait bousculer par un homme masqué qui tient un bouclier de plexiglas et semble imposer le rythme.« Ils dégagent tous les journalistes depuis qu'un texte appelant à casser les caméras a été publié, » nous explique le journaliste. La veille, le site Paris-Luttes. Info diffusait un texte qui a circulé sur les médias anarchistes étrangers intitulé « En défense du fracassage de caméras ».Peu après 15 heures, le cortège s'apprête à croiser la rue de Vaugirard, gardée par quelques policiers. La tête de la manifestation marque une pause, et certains se mettent à crier « On tourne ». Plusieurs de dizaines de manifestants se ruent alors dans la rue adjacente en direction des policiers. Ils jettent quelques projectiles, mais doivent reculer devant les grenades assourdissantes et les gaz lacrymogènes lancés par les forces de l'ordre.Après deux autres salves de bouteilles, pierres et cocktails Molotov lancés sur les policiers, une compagnie de CRS intervient en soutien et le cortège repart. Un bref affrontement éclate de la même manière au croisement de la rue du Cherche-Midi, qui coupe aussi le boulevard emprunté par les manifestants.Une fois arrivés près de la station de métro Duroc, les manifestants masqués et les forces de l'ordre (qui ont dressé une palissade en plexiglas dans une rue adjacente) s'affrontent à nouveau. Un cocktail Molotov s'écrase sur la palissade. Quelques policiers foncent alors dans la foule. Un homme est interpellé de manière musclée.Un homme qui porte un bodyboard en mousse en guise de bouclier et un drapeau Rastafari demande que les manifestants arrêtent de balancer des pavés sur les policiers. Une jeune fille masquée s'approche. « C'est pas le moment de débattre du mode d'action — ça, on en parle en réunion. Là il faut rester unis et qu'on soit tous solidaires, » lance la jeune fille au manifestant pacifiste.Le cortège repart pour enfin arriver à la place Vauban sur les coups de 15 heures 45. Des affrontements entre service d'ordre syndical et manifestants à visage couvert sont rapportés. Certains manifestants tentent alors s'introduire dans le musée de l'ordre de la libération, mais se font refouler par des gardes et des militaires présents dans l'enceinte du musée.La dispersion de la manifestation va s'effectuer, du côté de la station de métro Saint-François-Xavier, à quelques mètres de la place Vauban. Plusieurs échauffourées vont avoir lieu entre manifestants et forces de l'ordre présentes en masse. Elles n'hésitent pas à faire usage de gaz lacrymogène et grenades assourdissantes, alors que les manifestants lancent des pots de fleurs sur les CRS.Avant de sortir de la place, des policiers en civils fouillent les sacs des manifestants. Vers 17 heures 30, la dispersion est quasiment effective, alors que l'hélicoptère de la sécurité civile survole encore la petite place.Sur l'ensemble du territoire français, 82 personnes ont été interpellées pour la journée de jeudi, a indiqué dans la soirée le ministère de l'Intérieur.Deux nouvelles journées de mobilisation sont déjà prévues pour la semaine prochaine, les 17 et 19 mai, tandis que du côté législatif, la loi travail est « considérée comme adoptée » en première lecture par l'Assemblée nationale suite à l'échec de la motion de censure déposée par les Républicains et l'UDI. C'est désormais à la commission des Affaires sociales du Sénat d'examiner la loi avant de la renvoyer à l'Assemblée nationale, où le 49-3 pourra à nouveau être utilisé.
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En régions, le mouvement a été suivi à Nantes, où le périphérique a été bloqué et la gare dégradée, mais aussi à Rennes, où des manifestants ont bloqué un dépôt de bus. À Toulouse, ils étaient 12 000 selon les syndicats — 3 000 pour la préfecture — à avoir défilé dans le centre-ville, où neuf personnes ont été interpellées en fin de manifestation. Au Havre, c'est le siège du parti Socialiste (PS) qui a été pris pour cible et tagué.À Paris aussi, la mobilisation a donné lieu à quelques débordements et plusieurs échauffourées entre certains manifestants et la police.Toutes les photos sont d'Étienne Rouillon.
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