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Crime

En photos : La vie dans les ruines, la bande de Gaza un an après la guerre

VICE News s’est rendu à Gaza un an après le conflit qui a tué plus de 2 200 Palestiniens. Aucune des maisons détruites n’a depuis été reconstruite et les locaux peinent toujours à reprendre leur vie en main.
Photo par Harriet Salem

Une jeune femme passe devant une maison quasiment détruite à Shejalya — un quartier de Gaza qui a été sévèrement touché pendant la guerre. Si la maison est presque en ruines, une famille — avec des enfants en bas âge — a emménagé de nouveau au rez-de-chaussée. 

Les Nations Unies estiment que 18 000 maisons de Gaza ont été détruites ou sérieusement endommagées pendant la guerre de l'été 2014. Plus de 120 000 habitations ont aussi subi des dommages matériels plus légers. La guerre s'est achevée il y a désormais un an, mais 108 000 personnes — plus de 5 pour cent de la population de la bande de Gaza — sont toujours sans-abri et aucune des maisons détruites n'a été reconstruite.

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Un accord négocié par l'intermédiaire de l'ONU — le Gaza Reconstruction Mechanism — doit permettre de faire passer d'Israël à Gaza des matériaux nécessaires pour la reconstruction. Celui-ci a permis d'augmenter la quantité de matériaux de construction à Gaza. Mais en réalité, ceux-ci ont été affectés pour des projets qataris de constructions de route. De plus, la quantité de matériel envoyé ne correspond qu'à 5 pour cent des besoins. Si la communauté internationale s'est engagée à donner 3,5 milliards de dollars pour reconstruire Gaza, seulement 27 pour cent de la somme était parvenue dans la bande de Gaza à la mi-avril, selon le Fonds monétaire international (FMI).

D'après l'Oxfam, si les travaux de reconstructions continuent au même rythme, il faudrait « plus d'un siècle » pour réparer les maisons, écoles et hôpitaux gazaouis.

Sept membres d'une famille partagent un conteneur métallique, installé à quelques centaines de mètres de leur ancienne maison, qui avait été détruite pendant la guerre de l'été passé. Le mari de la femme photographiée à gauche a été tué quand la famille tentait de fuir les bombardements. Le fils de 19 ans de la dame installée à droite sur la photo, a été tué après avoir décidé de « soutenir » les combattants du Hamas suite à la mort du mari de la femme de droite. Dans le coin de la pièce, un poster honore le jeune homme comme un martyt-r. La pièce n'a pas l'eau courante, ni électricité et la famille dépend uniquement de l'aide internationale après la destruction de leur bétail lors de la guerre. (Photo par Harriet Salem)

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Un an après la guerre, des centaines d'habitants parmi les plus pauvres de Gaza vivent toujours dans des logements de fortune. À Kuzaa, une ville qui se trouve près de la frontière entre Gaza et Israël, et théâtre de féroces combats, nombre de familles habitent encore dans des conteneurs métalliques sans eau, ni électricité. Pendant l'hiver, les températures chutent au-dessous de zéro degré et en été le mercure peut atteindre les 38 degrés — ce qui pose un risque certains pour les plus jeunes et les plus vieux. L'hiver dernier, un bébé de 4 mois est mort après des complications dues au froid et aux conditions de vie extrêmes dans les caravanes de fortune. Beaucoup de familles qui vivent ici dépendent uniquement de l'aide internationale et des dons d'organisations caritatives. On y fait la cuisine dehors, sur des poêles au fioul.

Des enfants font des tours de roue dans une rue de Gaza. Un drapeau du Islamic Jihad — un groupe palestinien qui s'est battu aux côtés du Hamas contre Israël l'été 2014 — a été peint sur le mur. De nombreux enfants sont encore traumatisés psychologiquement par la guerre. (Photo par Harriet Salem)

Un rapport publié ce lundi par l'ONG, Save the Children, note que 12 mois après la fin de la guerre, 70 pour cent des enfants de la bande de Gaza font des cauchemars régulièrement et que trois quarts d'entre eux souffrent d'incontinence nocturne. Presque 90 pour cent des parents interrogés ont confié que leurs enfants « avaient constamment peur ».

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Au total, 551 enfants ont été tués pendant les bombardements sur la bande de Gaza, et près de 1 500 enfants seraient aujourd'hui orphelins. 3 436 enfants ont été blessés, dont 10 pour cent souffrent d'un handicap permanent.

« De nombreux enfants gazaouis ont désormais vécu 3 guerres ces 7 dernières années, dont la dernière aura été la plus brutale. Ils sont émotionnellement, et parfois physiquement, brisés, » déclarait Justin Forsyth, le directeur de Save the Children.

Avant de prendre la mer, des pécheurs mangent un petit-déjeuner frugal composé de sardines qu'ils ont pêché dans le port de Gaza. (Photo : Harriet Salem) 

Être un pécheur était autrefois une des professions les plus lucratives dans la bande Gaza, mais aujourd'hui ils peinent à faire le moindre profit. Depuis que le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza en 2006, Israël a limité la distance à laquelle les pécheurs peuvent s'éloigner de la côte. Cette distance est aujourd'hui réduite à 6 miles nautiques (environ 11 kilomètres), ce qui les empêche d'accéder aux eaux profondes. C'est là-bas que nagent les poissons qui sont les plus chers à la revente comme les thons et les daurades. Les pécheurs qui dépassent les limites fixées par Israël sont vus comme une menace pour la sécurité — les garde-côtes israéliens n'hésitent pas à tirer en leur direction. En mars, Tawfiq Abu Riyala, 32 ans, a été abattu alors qu'il construisait un récif artificiel qui permettait d'attirer de plus gros poissons près du rivage.

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Les hommes qui apparaissent sur le cliché expliquent que leur situation financière est pire depuis la guerre, après que les frappes israéliennes ont détruit les hangars du port, où une grande partie de leur matériel était stockée. Ils ont alors dû emprunter de l'argent pour le remplacer.

Mahmoud Barawi pose avant son mariage. Sa future femme a perdu 22 membres de sa famille pendant la guerre et la maison de Barawi a été détruite. Le mariage du couple est l'un des 200 mariages financés par une organisation caritative des Émirats arabes unis — qui offre un soutien aux Gazouis sévèrement touchés par la guerre. « On n'avait rien — pas d'argent, pas d'espoir. Donc quand on a appris qu'on pouvait se marier, c'était comme un rêve. Enfin, quelque chose de positif arrivait dans nos vies, » explique Barawi à VICE News.

En mars, la Banque mondiale a déclaré que l'économie de la bande de Gaza était « sur le point de s'effondrer ». Depuis la fin de la guerre, le chômage a augmenté de 11 points pour atteindre un niveau de 43 pour cent de chômeurs — le plus haut taux du monde. Le taux de chômage chez les jeunes est encore plus inquiétant — il a atteint les 60 pour cent. À cause du manque de financements et des désaccords entre le Hamas et l'Autorité palestinienne dans la bande de Gaza, de nombreux fonctionnaires ne sont plus payés depuis des mois. D'après un rapport de la Banque mondiale, la reprise économique d'après-guerre a aussi été empêchée par la destruction des infrastructures, par la reconstruction hésitante et par l'augmentation des restrictions imposées par l'Égypte et Israël — pour le passage de biens à travers leurs frontières.

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« L'économie ne peut pas survivre sans être connectée au monde extérieur, » a déclaré Steen Lau Jorgensen, le responsable de la bande Gaza pour la Banque mondiale.

Une femme qui s'appelle Nour fait cuire du pain Taboon, un plat simple composé de farine, d'eau et de sel, pour ses trois enfants et son mari. Depuis l'hiver, la famille vit dans un abri de fortune qu'ils ont construit à côté des ruines de leur maison. Les 30 moutons de la famille ont été tués dans les bombardements. Nour explique que les conditions de vie sont particulièrement difficiles pour sa petite fille, née juste après la guerre. « Elle a été malade à de maintes reprises, c'est épuisant pour un enfant de vivre comme ça, sans nourriture adaptée ni maison digne de ce nom, » confie-t-elle à VICE News. (Photo par Harriet Salem) 

Des recherches menées par la Banque mondiale révèlent que sur 1,8 million de gens, 40 pour cent vivent dans la pauvreté. 80 pour cent des Gazaouis dépendent de l'aide humanitaire. 95 000 personnes peinent à se nourrir à leur faim et éprouvent des difficultés pour atteindre le niveau nécessaire de nutriments pour vivre de manière saine, selon le Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU. Le Bureau dédié à la Coordination des Affaires Humanitaires du PAM a annoncé que les femmes enceintes et les jeunes enfants risquent des complications de santé à cause du manque de diversification de leur alimentation.

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Saad al-Jamal porte un des deux lionceaux achetés peu après la fin de la guerre de l'été dernier. Le propriétaire du Zoo de Rafah explique qu'il a été obligé de vendre les animaux parce qu'il n'avait plus les moyens de les nourrir. (Photo par Harriet Salem)

Les zoos de la bande de Gaza sont dans une situation financière quasi-désespérée — n'ayant plus les moyens de payer leurs employés ou la nourriture. Des centaines d'animaux exotiques comme des tigres, des tortues, des émeus et des porcs-épics ont été tués au cours des trois offensives israéliennes qui ont visé la bande de Gaza ces 7 dernières années. D'autres animaux sont morts traumatisés, à cause de maladies ou encore de famine — pendant et après les combats. Au cours du dernier conflit, le fils du propriétaire du zoo a été sévèrement blessé. Sa jambe a été touchée par des éclats d'obus, alors qu'il essayait de nourrir les animaux malgré les bombardements. Le lionceau qui apparaît sur la photo a été pris en charge et amené en Jordanie par Four Paws, un groupe de défense des animaux. L'organisation déclare vouloir continuer à aider la bande de Gaza pour améliorer les conditions terribles des zoos de la zone. La plupart des animaux sont confinés dans des enclos exigus. Four Paws a offert à Saad al-Jamal, le fils de 19 ans du propriétaire du zoo, un cours pour apprendre à s'occuper des gros félins dans l'un de leurs centres — une manière de le remercier pour l'attention portée aux deux lionceaux.

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Une famille attend avec ses bagages pour la quatrième fois à la frontière avec l'Égypte, espérant quitter Rafah et rejoindre le sol égyptien. Cette année, la frontière a seulement été ouverte pour ceux qui voulaient quitter la bande de Gaza pendant seulement 5 jours. (Photo par Harriet Salem)

Pendant les cinq premiers mois de l'année, la frontière de Rafah a été seulement ouverte pendant 5 jours — permettant à 2 500 Palestiniens de quitter la bande de Gaza. Les relations entre le Hamas et le gouvernement égyptien, soutenu par l'armée, se sont améliorées, ce qui a permis d'ouvrir la frontière pendant 8 jours en juin. Mais après les attaques d'un groupe affilié à l'organisation terroriste État islamique dans le Sinaï la semaine dernière, la frontière a été à nouveau fermée. Difficile de savoir pour le moment, si elle sera rouverte. Plus de 15 000 Palestiniens se sont inscrits pour quitter la bande de Gaza via la frontière égyptienne.

Une peinture murale de Banksy montre des enfants se balancer depuis un mirador israélien — comme s'il s'agissait d'un carrousel. (Photo par Harriet Salem)

En février, Banksy est arrivé à Gaza avec ses bombes de peinture pour réaliser trois fresques murales au coeur de la ville en ruines : un chaton qui joue avec une boule de fils barbelés, une déesse grecque qui pleure devant une porte bombardée, et des enfants qui se balancent depuis un mirador israélien.

Dans une vidéo postée en ligne sur son travail, Banksy a demandé aux Internautes de « faire de cette année, l'année où vous découvrez une nouvelle destination… Bien loin des circuits touristiques » où « les locaux ne partent jamais… Parce qu'ils n'en ont pas le droit. » Pour expliquer la peinture du chat, l'artiste a déclaré, « Je voulais montrer la destruction de la bande de Gaza, mais sur Internet les gens ne s'intéressent qu'aux chats. »