Un habitant du bidonville du Samaritain quitte l'endroit, bloqué par un cordon de police (VICE News / Étienne Rouillon)
La police est arrivée ce jeudi en fin de matinée, devant le bidonville dit du "Samaritain", où des Roms habitent depuis 2009, ce qui vaut à l'endroit d'être appelé "le plus vieux bidonville de France" par la presse et les associatifs. L'expulsion d'un peu moins de 200 personnes, selon le chiffre qui nous a été donné par les autorités, avait lieu dans le calme en ce milieu de journée. C'est sous la pluie que des familles traversaient au compte-gouttes le cordon de policiers, sacs et chiens dans les bras, tirant des poussettes ou des cabas chargés de ce qu'elles pouvaient emporter.Coincé entre une usine et une voie ferrée, le bidonville du Samaritain est un terrain triangulaire de la Courneuve, une ville dans le nord immédiat de Paris. Nous nous y étions rendus il y a une dizaine de jours et avions marché dans les "rues" du bidonville, c'est-à-dire des chemins recouverts de tapis et de carrés de lino, traversant des rangées d'abris de fortune, tenus avec soin par environ 300 habitants et 80 familles. Au fond du bidonville, des rats énormes marchaient sur un immense tas de déchets.À lire : Jozsef a 17 ans et il ne veut pas être expulsé du plus vieux bidonville de FranceDepuis le 15 août et une décision de justice, ces familles pouvaient être expulsées à tout moment. La mairie nous expliquait ne pas vouloir pérenniser un bidonville insalubre. De leur côté les habitants du Samaritain avaient lancé une pétition pour soutenir une proposition d'assainissement du bidonville par leurs soins, financée et organisée avec le soutien d'associations. Cette solution n'aura pas permis d'empêcher l'expulsion du bidonville.De nombreux habitants du bidonville négocient avec la police pour avoir le droit d'aller chercher leurs affaires. Mehdi Bouteghmes, un élu du conseil municipal nous dit qu'il n'y a pas eu de préavis donné par les forces de l'ordre avant l'expulsion du camp. Ce que conteste la Préfecture qui nous indique qu'un "diagnostic social" a été conduit la veille et l'avant-veille de l'expulsion, permettant d'identifier une dizaine de familles les plus vulnérables (des familles avec des nourrissons ou des personnes handicapés), afin de leur fournir une solution de relogement. Pour les autres, qui ne sont pas identifiées comme les plus fragiles, le représentant de la préfecture conseille "d'appeler le 115", le numéro français d'urgence pour les hébergements.Selon les associations qui suivent les habitants du bidonville, sur les 300 personnes qui vivaient ici, plus d'une centaine est partie depuis le 15 août et la décision de justice rendant leur expulsion imminente. Le secrétaire général de la préfecture, Hughes Besancenot explique aux journalistes que l'expulsion d'un peu moins de 200 personnes a commencé ce matin, dans le calme. La presse n'est cependant pas autorisée à se rapprocher de l'entrée du bidonville. Le secrétaire général explique que l'expulsion a été motivée par l'insalubrité des lieux, le manque d'eau, la proximité d'une ligne de RER dangereuse, ainsi que le passage de camions.Trempé, dans sa chemise à carreaux, Jozsef Farkas, un habitant du bidonville, nous explique n'avoir rien su de l'expulsion, il travaillait ce jeudi matin. "J'ai laissé mes papiers à l'intérieur," dit-t-il à un agent. À 17 ans, ce jeune chanteur venu de Roumanie, qui fait un service civique en France pour venir en aide aux sans-abri, était devenu le porte-parole des Roms du Samaritain. D'habitude jovial, il est abattu et en colère quand les journalistes l'interrogent. "C'est dégueulasse. Il y a des bébés, des gens handicapés ici," explique-t-il.La plupart des personnes que nous interrogeons nous expliquent qu'elles ne savent pas ou dormir ce soir. Au-delà de ce problème urgent, les associatifs dénoncent aussi le fait que l'expulsion a aussi pour effet de casser des emplois, l'intégration dans le tissu social local. Les autorités opposent à cela le fait que les habitants ont eu six mois pour préparer leur départ. Des bulldozers entrent dans le bidonville, une habitante lance aux autres : "Moi, je vais dormir à la mairie ce soir. "Alors que les habitants du bidonville du Samaritain continuaient de quitter les lieux par petits groupes en milieu d'après-midi, certains nous expliquaient qu'ils allaient effectivement se rendre devant la mairie pour manifester, et y rester tant qu'on ne leur donnerait pas d'autre solution.Suivez Étienne Rouillon sur Twitter @rouillonetienne
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