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Crime

Éradiquer tous les moustiques de la surface de la Terre serait une très mauvaise idée

Le moustique est l’insecte le plus mortel au monde pour les humains, car il transporte des virus comme la malaria, Zika, la dengue, et d’autres maladies graves.
Photo d'Ahmad Yusni/EPA

Ces jours-ci, difficile de trouver un insecte plus détesté que le moustique. Cette vermine qui suce le sang est considérée comme étant plus mortelle, pour les humains, que n'importe quel animal dans le monde. Depuis longtemps, le moustique est accusé de transmettre la malaria — qui tue 500 000 personnes chaque année — et il se cache désormais derrière le virus Zika, qui a plongé l'Amérique du sud et l'Amérique centrale dans la panique.

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Face aux dangers de plus en plus manifestes que fait peser Zika sur les nouveau-nés, les appels demandant l'éradication des moustiques se multiplient. Internet est rempli d'articles titrant « Tuons tous les moustiques » ou « Cela serait vraiment si terrible de tuer tous les moustiques ? ».

À lire : Le monde se met en alerte face au virus Zika

Mais exterminer les quelque 3 500 espèces connues de cet insecte présent aux quatre coins du globe ne serait pas une tâche facile. La plupart des experts estiment que cela reviendrait trop cher et serait irréalisable. De plus, cela représenterait un potentiel risque pour l'environnement — comme du temps où l'épandage du pesticide DDT polluait les cours d'eau et ravageait la faune et la flore.

« Je ne pense pas que cela soit réaliste, car il n'existe aucune balle magique qui va tous les éradiquer », a indiqué Joseph M. Conlon, conseiller technique à l'Association américaine de contrôle des moustiques, et entomologiste travaillant avec la Marine américaine depuis 20 ans.

« Je pense qu'en essayant d'éradiquer les moustiques, nous causerions probablement trop de dommages environnementaux, et des dommages collatéraux », a-t-il ajouté. « Je ne suis pas en train de dire que si nous éradiquions les moustiques, alors tous leurs prédateurs viendraient à mourir, car il n'y a pas de prédateur sur cette planète dont la seule source de nourriture, ni même la source de nourriture primaire, est le moustique. Mais il y aurait des dommages environnementaux imprévisibles. »

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Cette opinion est certes partagée par Rich Merritt, qui est professeur émérite à la Michigan State University et travaille sur les moustiques depuis 25 ans, mais pour des raisons très différentes. Il estime notamment qu'éliminer les moustiques pourrait priver de nombreux poissons, oiseaux et reptiles d'une source de nourriture et même priver certaines plantes d'un important pollinisateur.

« Il n'y a pas un organisme que l'on peut éliminer sans que cela n'ait pour conséquence l'élimination de la quantité de proies disponibles pour les milieux aquatiques — étangs, marais, arbres creux », a expliqué Merritt, en soulignant que certains poissons se nourrissent exclusivement de larves de moustiques, alors que les araignées attrapent les adultes dans leurs toiles, et les chauves-souris gobent des nuées de moustiques la nuit.

« Ils représentent une nourriture importante, surtout sous les tropiques », a-t-il ajouté. « Mon sentiment, c'est qu'ils jouent bel et bien un rôle important dans l'écosystème, dans la manière dont ils ne nourrissent, comme des filtres. En d'autres termes, ils ont des sortes de petites brosses à l'intérieur de leur bouche et rassemblent les particules. Dans certains habitats, ils gardent l'eau propre. »

Même le professeur Omar S. Akbari, de l'université de Californie à Riverside, — qui avait décrit les moustiques comme les animaux les plus dangereux du monde — estime que l'extermination va trop loin.

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« Je crois que l'extermination de tous les moustiques aurait des conséquences écologiques graves, car les moustiques compte pour une part importante de la biomasse dans les écosystèmes aquatiques du monde entier », a-t-il dit. « Éliminer les moustiques pourrait laisser des prédateurs sans proie. »

Akbari, Conlon et d'autres ont appelé à une « approche ciblée » qui se focalise sur certaines espèces de moustique, comme les Aedes aegypti et les Aedes albopictus, qui répandent la dengue, le chikungunya, Zika, la fièvre jaune. De plus, 40 des quelque 430 espèces de moustiques Anapheles sont accusés de transmettre la malaria.

« Une petite minorité des espèces de moustiques joue un rôle sérieux dans la transmission des agents pathogènes qui causent des maladies pour les humains, donc cela fait parfaitement sens d'un point de vue sanitaire de concevoir des moyens d'empêcher ces moustiques de piquer les gens », a déclaré Dan Strickman, responsable de programme pour la fondation Bill et Melinda Gates.

« Nous croyons pouvoir contrôler intelligemment les moustiques en ciblant les foyers de maladies et en utilisant la surveillance pour déterminer où nous avons besoin de faire un meilleur travail. Si l'on parvient à contrôler efficacement les moustiques pour réduire la façon dont la malaria se diffuse entre les gens, et si l'on arrive à soigner les gens qui portent les parasites de malaria, il sera alors possible de créer un monde sans malaria — tout ça, sans éradiquer les différentes espèces de moustiques. »

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Cette approche a gagné d'importants soutiens récemment, en partie grâce au succès de plusieurs méthodes innovantes de contrôle. Oxytec, une entreprise britannique, a créé des moustiques génétiquement modifiés en changeant l'ADN des mâles pour les rendre stériles. Cela a pour conséquence d'empêcher leur progéniture d'atteindre l'âge adulte. Des essais sur le terrain, en Malaisie et au Brésil, ont montré que ces moustiques OGM ont réduit de 90 pour cent la population locale des Aedes aegypti.

Cette semaine, dans le journal PLOS Pathogens , une équipe de scientifiques a fait état des résultats prometteurs d'une autre méthode de contrôle — qui utilise la Wolbachia, une bactérie qui infecte naturellement de nombreuses espèces d'insectes mais pas les Aedes aegypti. En introduisant cette bactérie au sein de la population des Aedes aegypti, cette méthode empêche ces moustiques d'attraper la dengue, Zika, et d'autres virus — et donc de se diffuser parmi les humains.

« Avec l'amélioration rapide des connaissances en matière de biologie et de physiologie des moustiques, et avec le développement de nouveaux outils génétiques, comme les "thérapies géniques", éliminer certaines espèces de moustiques sera peut-être possible un jour », a indiqué Akbari.

« Étant donné que seule une centaine d'espèces de moustiques piquent les humains sur Terre — sur les 3 500 espèces de moustiques connues — et que chez ceux-là environ 50 espèces transportent des maladies humaines, je pense qu'il sera sûrement possible de cibler et éradiquer ces seules espèces vecteurs de maladie, et donc de laisser intactes les populations qui ne transmettent aucune maladie. »

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