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FRANCE

En 2014, la France a expulsé un bidonville rom tous les trois jours

Des associations de défense des droits de l’homme dénoncent l’expulsion de près de 13 500 Roms de leurs lieux de vie l’année dernière.
VICE News / Etienne Rouillon

Un rapport publié ce mardi par la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) et l'European Roma Rights Center (ERRC) relève que 13 483 Roms ont été expulsés de 138 bidonvilles l'an dernier : « Cette politique illégale et coûteuse viole le droit international et le droit de l'Union européenne réglementant les évacuations forcées, » dénoncent les associations, qui estiment que cette politique contribue à marginaliser toujours plus les Roms en France en préférant une logique d'évacuation plutôt que d'intégration.

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La — LDH France (@LDH_Fr)3 Février 2015

Le nombre d'expulsions est toutefois en baisse par rapport à 2013, où l'on recensait 19 380 personnes évacuées. Pour Manon Fillonneau, chargée de mission Droits de l'Homme à l'ERRC, le chiffre de 2013 s'explique par la campagne électorale des municipales de début 2014, qui aurait conduit à une hausse des expulsions. « C'est une baisse qui ne veut pas dire grand-chose, » explique-t-elle à VICE News, « 80 pour cent des personnes vivant en bidonville en France ont été expulsées [en 2014], c'est un nombre énorme en termes de quantité de personnes. Cette baisse de quelques milliers, on ne peut pas vraiment considérer que c'est une amélioration. »

Elle explique en outre, que comme les travaux de recherche des associations se sont basés sur des données recueillies dans les médias et auprès des associations, certaines expulsions de « petits bidonvilles en Seine-Saint-Denis » ont pu échapper à leur recensement.

Parmi les expulsions relevées, on compte 98 évacuations forcées à la suite de la décision d'un tribunal, après une assignation par les propriétaires des terrains devant la justice. 35 étaient liées à un arrêté d'insalubrité ou de péril pris par la mairie ou le préfet.

Le rapport établit qu'une solution partielle de relogement n'a été proposée que dans 59 cas d'évacuations de bidonvilles, soit dans seulement 43 pour cent des expulsions. VICE News, qui était présent en octobre dernier à l'expulsion du bidonville des Coquetiers, à Bobigny, en région parisienne, a pu constater que toutes les familles n'avaient pas bénéficié de solutions d'hébergement alternatives au moment de l'expulsion. Aujourd'hui, certaines familles vivent dans des voitures garées sur des parkings, notamment pour pouvoir continuer à envoyer leurs enfants à l'école.

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Manon Fillonneau fait remarquer à VICE News qu'une telle politique d'expulsion n'aide certainement pas les populations roms à s'intégrer en France : « Il faut une sortie par le haut des bidonvilles. C'est très compliqué de trouver un emploi, de s'engager auprès d'un patron quand on est sous le coup d'une expulsion permanente. Ça ne règle aucunement l'intégration, c'est pourquoi on demande l'arrêt immédiat des expulsions parce qu'elles ne règlent aucun problème. »

Un constat partagé par le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Nils Muiznieks, qui avait déclaré en septembre qu'il fallait « mettre un terme aux évacuations forcées de bidonvilles non accompagnées de solutions durables d'hébergement [car] ces évacuations ne font que déplacer et amplifier les problèmes. »

Parmi les bidonvilles expulsés, beaucoup, comme celui des Coquetiers, où un incendie en février 2014 avait couté la vie à une petite fille, sont insalubres. En 2014, 966 personnes ont été évacuées de 17 sites à la suite d'un incendie. Manon Fillonneau demande ainsi que dans les cas où l'on ne peut pas proposer de solution de relogement aux habitants des bidonvilles, on « stabilise ces endroits, qu'on les rende moins dangereux en y apportant de l'eau, de l'électricité, en ramassant les déchets. »

Le rapport cite une étude du centre de recherche américain, le « Pew research center », datée de mai 2014 qui montre qu'en Europe, le rejet des Roms est beaucoup plus élevé que celui des autres minorités. En France, 66 pour cent des sondés ont déclaré avoir des opinions défavorables sur les Roms.

Récemment, l'inhumation d'un bébé rom avait été refusée par la mairie de Champlan, une petite ville d'Île-de-France (région où 67 pour cent des expulsions ont eu lieu en 2014), créant l'émoi dans la classe politique, et entraînant la condamnation du Défenseur des droits Jacques Toubon qui avait jugé cette décision « illégale » et discriminatoire.

Contactés ce mercredi par VICE News, le ministère de l'Intérieur et l'association des maires de France n'étaient pas disponibles pour réagir à ce rapport.

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter @meloboucho