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Un artiste nigérian photographie Lagos tandis qu’elle sombre sous les flots

Les habitants de Lagos, la plus grande ville d'Afrique, doivent composer avec les coulées de pétrole, l'arrivée des bulldozers et les inondations.
Lagos. Image: George Osodi

Quand George Osodi se rend dans les bidonvilles du Nigéria pour prendre des photos, on le prend parfois pour un agent du gouvernement.

« Mon travail est très dangereux, » explique-t-il lors du vernissage de l'une de ses expositions, à Lyon. « Ici, personne n'apprécie un intrus qui se balade avec un appareil photo. »

Osodi, ancien journaliste reconverti dans l'art, est un spécialiste des reportages photo au Nigéria. Des marées noires aux inondations des bidonvilles de Lagos, une ville construite sur un ensemble d'îles, il s'est donné pour mission de documenter la ville, ses habitants et leurs activités.

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Osodi a travaillé comme reporter photo pour un journal de Lagos, The Comet, avant de rejoindre l'agence Associated Press en 2001. Cependant, il a toujours rêvé d'être un artiste. En 2003, il a commencé à photographier les coulées de pétrole dans le delta du fleuve Niger, une zone tristement célèbre pour ses conflits armés et sa corruption. Son travail a été exposé dans des expositions internationales et au musée Smithsonian.

Lagos. Image: George Osodi

À Lagos, la plus grande ville d'Afrique du haut de ses 20 millions d'habitants, les deux tiers de la population vit dans des bidonvilles ou des zones extrêmement pauvres où les ressources de base comme l'eau et l'électricité se font rares. Il faut alors acheter des câbles, des tuyaux de fortune, et bricoler des installations précaires pour survivre.

Ces quartiers ne sont pas seulement la proie de l'insécurité financière, ils sont aussi vulnérables à la montée des eaux. Les bidonvilles sont construits sur des marais et des zones humides, de sorte 70% cent des maisons sont sujettes à de fortes inondations. En conséquence, les résidents utilisent des couches de détritus pour solidifier le sol.

Dans la série de Osodi « On the Waterfront, » une photo montre des vaches couchées au milieu d'une mer de sacs plastique, de bouteilles, morceaux de bois et de cartons ; elle illustre la manière dont l'élevage des animaux en liberté interfère avec les problèmes d'hygiène et d'eau courante.

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Série "On the Waterfront". Image: George Osodi

On pourrait presque oublier qu'il s'agit d'un quartier résidentiel, et non d'une décharge. « Il s'agissait d'espaces marécageux, complètement vides. Les nigérians les ont rendus stables, et donc habitables, en enfouissant ce qu'ils avaient à disposition : des déchets, » explique l'artiste.

Avec la hausse des loyers et les îles réservées aux condos de luxe, de nombreux habitants de Lagos ont été repoussés en marge de la ville, où la survie est encore plus difficile. Il n'est pas rare que les bulldozers et la police anti-émeute soient mobilisés pour les expulser. Les maisons des bidonvilles d'Okobaba et d'Ijora-Badia sont construites sur pilotis pour lutter contre la montée des eaux, mais elles sont régulièrement rasées par des promoteurs immobiliers qui vendent les terrains pour construire de nouveaux logements.

« La zone est attractive pour les riches, et pour le gouvernement qui construit des logements à tour de bras, » explique Osodi en regardant une photo des bidonvilles de bois du quartier Okobaba à la nuit tombée. « Les habitations qui seront rasées ont été marquées. Elles seront remplacées par des immeubles destinés aux classes moyennes. »

Le gouvernement nigérian a reçu de l'argent de la Banque Mondiale afin de développer l'immobilier, et vend également des terrains à des promoteurs privés. Les résidents refusent de se laisser faire.

George Osodi. Image: Courtesy of George Osodi

« L'urbanisation ne me pose pas de problème en soi, » explique Osodi. « Ma question est : qu'adviendra-t-il de tous ces gens ? Le gouvernement s'en moque. »

Sur une autre photographie, une femme élégante flâne, pieds nus, au milieu des bidonvilles vides dans une tenue couleur pêche. Elle ressemble à un mannequin dans un défilé de mode. À travers ce cliché, le photographe suggère que la vie à Lagos pourrait être plus douce pour les habitants. C'est cet espoir qui pousse Osodi à revenir ici, année après année.

« La catastrophe de la gestion des ressources naturelles, la corruption des politiciens, tout cela peut prendre fin, » affirme Osodi. « Une nouvelle génération va prendre le relais. Elle est très différente de celles qui l'ont précédée. Quand elle aura pris le pouvoir, tout sera possible. »