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NIGERIA

Flambée d’attentats dans la région du lac Tchad : au moins 140 morts en une semaine

Certaines attaques ont été revendiquées par l’organisation terroriste nigériane Boko Haram. Le Nigeria, le Niger, le Cameroun et le Tchad, tous engagés dans la lutte contre Boko Haram, ont été touchés.
Pierre Longeray
Paris, FR
L'armée nigériane en patrouille il y a plusieurs mois. Image via VICE News

Au moins 140 personnes ont été victimes d'attaques depuis samedi dernier dans la région du Lac Tchad. Certaines ont été revendiquées par « L'État islamique - Wilaya d'Afrique de l'Ouest, » nouveau nom de Boko Haram depuis mars et son allégeance à l'organisation terroriste État islamique. Le groupe multiplie les attaques sanglantes au Nigeria et ses pays voisins depuis près d'une semaine.

L'organisation nigériane semble lancée dans une contre-offensive contre les armées de la région du lac Tchad (celles du Niger, du Cameroun et du Tchad) qui étaient parvenues à faire reculer les djihadistes ces derniers mois.

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Ce vendredi matin, 9 personnes ont été tuées dans une attaque à la bombe menée par deux femmes — dont une jeune fille de 10 ans, d'après un colonel nigérian cité par la BBC. L'attaque a touché des personnes qui célébraient la fin du ramadan dans la ville de Damaturu (État de Yobe, nord-est du Nigeria). L'attaque n'a pas encore été revendiquée mais le mode opératoire correspond aux méthodes de Boko Haram.

Emplacement de la ville de Damaturu au Nigeria. En haut à droite, le lac Tchad asséché. (Capture d'écran Google Maps)

La veille, jeudi, le marché de Gombe (nord-est du Nigeria) a été la cible d'une double attaque suicide — faisant 48 morts et 58 blessés, d'après un officiel de la Croix Rouge. Cette attaque n'a pas non plus encore été revendiquée. En début de semaine, ce lundi, le Nigeria avait déjà été la cible d'une attaque suicide, contre un barrage militaire, dans le nord-est du pays, qui a fait 4 morts. La journée de mardi a aussi été sanglante avec 3 attaques dans l'État de Borno qui ont fait au moins 40 morts.

Le Nigeria n'est pas le seul pays touché par ces attaques, les pays situés autour du lac Tchad — le Niger, le Cameroun et le Tchad — sont aussi visés. Ces trois pays participent depuis début 2015 à la lutte contre Boko Haram (avec l'armée nigériane), et représentent autant de terrains d'expansion privilégiés par la nouvelle Wilaya (qui désigne une entité géographique) de l'EI qui souhaite constituer — à la manière de l'organisation d'Abou-Bakr Al-Baghdadi en Irak et en Syrie — un califat islamique en Afrique de l'Ouest.

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Des assaillants de la secte nigériane sont suspectés d'avoir tué, ce mercredi, au moins une dizaine de villageois lors d'une attaque dans la localité de Gamgara, située au sud-est du Niger, à 1 500 kilomètres à l'est de Niamey, la capitale du pays. Une source sécuritaire citée par l'agence Reuters, explique que les assaillants de la localité de Gamgara ont garé leurs véhicules dans les alentours du village et ont ensuite continué à pied.

Depuis février dernier, le Niger est impliqué dans la lutte contre Boko Haram — principalement parce que la secte menaçait la région nigérienne de Bosso, limitrophe du nord-est nigérian. Suite à des incursions et attaques de Boko Haram au Niger, le Parlement nigérien avait voté le 9 février l'envoi de troupes au sol dans le nord-est du Nigeria, pour combattre Boko Haram et briser leur progression. Le pays est une cible de choix, comme tous les pays engagés dans la lutte contre l'organisation terroriste.

Àvoir : La guerre contre Boko Haram

Ce samedi, 14 personnes ont été tuées dans un attentat suicide revendiqué par Boko Haram dans un marché de la capitale du Tchad, N'Djamena — déjà la cible de plusieurs attentats attribués à Boko Haram fin juin. Dimanche, c'est au tour du Cameroun d'être touché à Fotokol dans le nord du pays. 12 personnes sont tuées dans deux attaques suicides (revendiquées) quasi-simultanées dans un quartier festif de la ville et devant un camp des BIR (pour Bataillon d'Intervention Rapide de l'armée camerounaise, engagés dans la lutte contre Boko Haram). Dans la même journée, la prison de Diffa, dans le sud de Niger à quelques kilomètres de Gamgara, avait été la cible d'une attaque, Boko Haram est là aussi suspecté. Trois assaillants et un policier ont été tués au cours de l'assaut.

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À lire : Au moins 23 morts au Tchad après des attaques de kamikazes à moto

Contre-offensive de Boko Haram

Cette profusion d'attaques signe une sorte de contre-offensive de l'organisation terroriste nigériane, alors que la coalition régionale avait réussi depuis février à bousculer la progression de Boko Haram et de la déloger des villes du nord-est nigérian. Ce mardi, des membres de Boko Haram ont attaqué la ville de Damasak (nord-est du Nigeria, proche de la frontière avec le Niger), tuant 12 personnes, et sont parvenus à reprendre le contrôle de la localité — contrôle qu'ils avaient perdu en mars au profit des forces armées tchadiennes et nigériennes. Les troupes tchadiennes et nigériennes établies dans l'État du Borno au Nigeria se retirent dans certaines villes, ce qui laisse la possibilité à l'organisation terroriste d'en reprendre le contrôle, d'après l'agence Reuters.

Si le Tchad, le Niger, le Cameroun et le Nigeria sont unis pour combattre Boko Haram, la formation d'une véritable force régionale organisée et coordonnée tarde à se mettre en place. Depuis février, les 4 pays (plus le Bénin) discutent de la potentialité de créer une MNJTF (Multinational Joint Task Force) composée de 8 700 hommes pour lutter contre Boko Haram. Le 11 juin dernier, les 5 pays se sont mis d'accord sur le principe, mais la nouvelle force — dont le quartier général sera installé à N'Djamena — ne sera opérationnelle que vers le 30 juillet.

Le Nigeria a changé de président en mai (élu fin mars) — Muhammadu Buhari remplaçant Goodluck Jonathan, qui avait parfois été critiqué pour son laxisme dans la lutte contre Boko Haram, notamment par ses homologues de la région. Buhari a remercié, ce lundi, 4 généraux de l'armée nigériane qu'il a immédiatement remplacés en donnant un objectif aux nouveaux arrivants : la lutte contre Boko Haram. Le président nigérian doit aussi rencontrer le président Obama, lundi 20 juillet à Washington, DC, pour notamment évoquer le combat contre Boko Haram. Les États-Unis devraient augmenter leur soutien logistique au Nigeria dans cette lutte, comme le révèle le magazine Foreign Policy.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray

L'armée nigériane en patrouille il y a plusieurs mois. Image via VICE News