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Crime

FranceLeaks : comment les États-Unis espionnaient l’économie française

Le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande profitaient aussi de l’espionnage américain, dans le cadre d’une alliance des services de renseignement anglo-saxons, les Five Eyes.
Justin Ling
Montreal, CA
Photo par Ian Langsdone/EPA

Les documents diffusés sont des rapports détaillés produits par la NSA qui révèlent les forces et faiblesses de l'économie française. Ceux-ci rapportent aussi des conversations interceptées sur les lignes téléphoniques de ministres français, selon WikiLeaks.

Le Canada, l'Australie, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande étaient apparemment de grands bénéficiaires de l'espionnage économique de la France par les États-Unis, selon de nouvelles publications de WikiLeaks.

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Ces rapports des services de renseignement américains constituent la deuxième partie de révélations qui ont déjà secoué les relations entre Paris et Washington — et ont notamment obligé le président américain à s'expliquer auprès de son homologue français, la semaine dernière.

« Le président [Barack Obama] a assuré à son homologue que nous respectons les engagements que nous avons pris fin 2013 [suite aux révélations d'Edward Snowden sur la NSA] à savoir que nous n'espionnons pas et que nous n'espionnerons pas le président français, » selon un transcript de la conversation téléphonique entre les deux présidents.

Les documents de ce lundi — dont un est intitulé « France: Développements économiques » et un autre « Contrats étrangers / Études de faisabilité / Négociations » — montrent que l'agence d'espionnage américaine récupérait des informations sur les pratiques commerciales françaises, sur les exigences relatives aux appels d'offres en France, et sur les projets de développement à l'international. Les États-Unis partageaient ensuite ces informations avec ses partenaires de l'alliance anglo-saxonne des Five Eyes (Canada, Australie, Royaume-Uni et Nouvelle-Zélande).

WikiLeaks affirme — ce que VICE News ne peut vérifier directement pour le moment — que la NSA donnait les ordres d'interception des informations sur l'économie française et des politiques commerciales du pays, pour aider les entreprises américaines à s'implanter sur le marché hexagonal.

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« Les États-Unis espionnent l'économie française depuis plus d'une décennie, » a déclaré le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, dans un communiqué. « Les États-Unis ne font pas qu'utiliser ces informations pour eux, mais partagent ces renseignements avec le Royaume-Uni. Est-ce que les Français ont le droit de savoir que leur pays se fait flouer par des espions de pays supposément alliés ? Mais oui ! [NDLR, En français dans le texte] »

Certains des rapports étaient marqués « U/FOUO » (pour « unclassified, for official use only, » en VF « non-classifié, pour usage officiel seulement ») ce qui signifie qu'ils étaient adressés uniquement aux services de renseignement américains. D'autres rapports portaient la mention « S/REL TO USA, AUS, CAN, GBR, NZL, » pour « secret, but releasable to the members of the Five Eyes partnership » (Secret, mais peut être diffusé aux membres du partenariat des Five Eyes).

Le détail des pratiques commerciales françaises, le développement de la politique macroéconomique du pays, et des informations plus « générales » sur la France pouvaient être diffusées aux 4 autres pays de l'alliance de renseignement.

La NSA a indiqué qu'elle avait pour projet de communiquer des informations concernant des accords ou projets commerciaux français — mais, seulement ceux « d'un intérêt significatif pour le pays d'accueil [la France] ou qui s'élèvent à plus de 200 millions de dollars ou plus en ventes et/ou services ». La NSA était notamment intéressée par des « informations liées au financement » et ciblait principalement certaines industries — les télécommunications, la technologie, l'énergie, les transports, la santé et les infrastructures.

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Ce type de renseignements serait d'une haute importance stratégique pour toute entreprise qui souhaite faire des affaires en France. L'entreprise canadienne Bombardier, par exemple, a remporté de massifs contrats pour des lignes de TGV en France. L'industrie ferroviaire — et notamment du TGV — est spécifiquement notée comme d'intérêt dans les documents diffusés par WikiLeaks.

Les informations comme les « rapports avec les institutions financières internationales, » « les contraintes budgétaires/contributions à l'OTAN, » et « les activités commerciales douteuses » étaient censées être uniquement disponibles pour les Américains — et pas leurs alliés.

Les rapports remontent à 2002 et auraient subi des centaines de mise à jour depuis. WikiLeaks note que les documents qu'ils ont obtenus courent jusqu'à 2012.

« Les documents révélés montrent que la NSA a été chargée de collecter des renseignements sur tous les aspects de l'économie française — la politique gouvernementale, les aspects diplomatiques et bancaires, la participation du pays dans les organisations internationales, le développement des infrastructures, les pratiques et politiques commerciales, » énumère un communiqué de presse de WikiLeaks, publié ce lundi.

WikiLeaks continue en notant que toute l'alliance des Five Eyes a « elle aussi bénéficié de l'espionnage économique des États-Unis contre la France. »

Si les rapports sur les politiques économiques de la France n'ont pas été publiés dans leur entièreté par WikiLeaks, l'organisation a tout de même diffusé des mémos de la NSA qui seraient des interceptions de conversations entre des officiels français et européens.

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Un des rapports serait basé sur une conversation entre Jean-Francois Boittin, du ministère de l'Économie française et Hiddo Houben, un responsable du Commerce à l'Union européenne. D'autres écoutes concernent l'accord de partenariat transpacifique ou le programme pétrole-contre-nourriture de l'ONU en Irak.

Si la NSA a réussi à intercepter cette conversation, cela en dit beaucoup sur la taille, la portée et la cible du mandat de l'agence de renseignement.

WikiLeaks avait publié la semaine dernière un document sur lesquels des numéros de téléphone d'officiels français étaient renseignés — notamment le président — et listés par ordre de priorité. Le portable du président était de niveau 2 — sur l'échelle de priorité — alors que la ligne du ministère de l'Économie était de niveau 3.

La note explicative à côté des numéros téléphones était parsemée d'expressions comme « développements financiers internationaux » et « développements économiques ».

Ces révélations sont simplement les dernières exhumées du trésor de WikiLeaks. D'autres devraient suivre.

Suivez Justin Ling sur Twitter @justin_ling