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FRANCE

Doubs : le score du Front National est-il lié aux attentats ?

L’arrivée du parti en tête de ce premier scrutin depuis les attaques du début de l’année semble indiquer, du moins à une échelle locale, qu’il n’y a pas d’avant/après Charlie dans les urnes.
VICE News / Etienne Rouillon

La candidate du Front National (FN) est arrivée en tête au premier tour de l'élection législative partielle dans la quatrième circonscription du Doubs, où un scrutin était organisé ce dimanche pour remplacer l'ancien député Pierre Moscovici (nommé commissaire européen en novembre 2014) à l'Assemblée nationale. Sophie Montel, du FN, a obtenu 32,60 % des suffrages ; au second tour elle affrontera le candidat du Parti Socialiste (PS) Frédéric Barbier, arrivé en deuxième position, avec 28,85 % des voix. Les regards politiques et médiatiques étaient rivés sur cette circonscription de Franche-Comté, à l'est de la France, la première à appeler des électeurs aux urnes (une municipale avait également lieu en corse ce week-end) depuis les attentats en région parisienne du début de l'année 2015, et l'immense mobilisation citoyenne qui a suivi.

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Pascal Perrineau est professeur à Sciences Po Paris. Ses recherches portent sur la sociologie électorale et l'analyse de l'extrême droite. Il analyse ce scrutin pour VICE News, en précisant qu'il faut être prudent dans l'analyse des scrutins partiels, car en plus des enjeux locaux, les différentes circonscriptions françaises ont aussi des caractéristiques spécifiques liées à leur histoire.

« La 4e circonscription, c'est un territoire populaire, dans lequel le pourcentage d'ouvriers est le double de la moyenne nationale. La Franche-Comté a connu un processus de désindustrialisation, et une crise de l'industrie automobile » explique le chercheur. « Mais c'est la première fois depuis l'épisode terroriste que des électeurs sont consultés et ont leur mot à dire […] On observe que l'effet « 11 janvier » [du nom de la marche républicaine qui a rassemblé plus de 4 millions de personnes à travers la France] est beaucoup plus faible dans les urnes que ce qu'on a voulu dire, » analyse Pascal Perrineau.

Le parti socialiste est en net recul dans ce scrutin, et l'abstention a dépassé les 60 %. Le FN a progressé de 8 à 9 points par rapport à 2012.

Plusieurs polémiques ont agité le FN après les attentats des 7, 8 et 9 janvier dernier. Aymeric Chauprade, député européen du FN et ex-conseiller aux affaires internationales de la présidente du parti, Marine Le Pen a été déchu après avoir revendiqué l'existence d'une « cinquième colonne » islamiste qui menacerait la France. Une semaine plus tard, dans un tout autre registre, c'est un autre proche de Marine Le Pen, Fréderic Chatillon qui a été mis en examen, soupçonné d'avoir participé à une escroquerie de grande envergure visant à détourner des fonds via différents intermédiaires pour financer les campagnes frontistes de 2012. Le Monde avance la somme de 10 millions d'euros qui auraient été détournés.

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Pour Pascal Perrineau, ces affaires n'ont pas eu d'impact sur le choix des électeurs : « Les électeurs se fichent de ces problèmes d'appareil partisan, […] ça ne les intéresse pas du tout, ils ont voté beaucoup plus pour des raisons de malaise économique et social, d'inquiétude. Ce qui se passe dans les partis n'est pas une variable essentielle de leur choix. On a l'impression que les tendances profondes qui étaient là avant le 11 janvier continuent de travailler l'électorat, » conclut-il.

Sophie Montel est membre du Parlement européen depuis 2014 ; elle est membre du bureau national du Front National depuis 2003 et se présente dans cette région — historiquement de gauche — depuis 2002. En 1996, alors conseillère municipale de Besançon, celle qui pourrait être la troisième députée FN à l'Assemblée nationale avait affirmé : « Constater l'inégalité des civilisations comme celle des individus merveilleusement différenciés, ce n'est pas nier l'évidence d'une nature humaine. »

Comme à chaque élection depuis les élections régionales de 1998, lorsque le FN se qualifie à un second tour, l'UMP, le parti d'opposition, est divisé quant à la stratégie à adopter : appeler à voter pour le candidat du PS, dans un « front républicain » pour faire barrage au parti frontiste, ou appeler à l'abstention, souvent critiquée comme la stratégie du « ni - ni ». Après l'union républicaine qui a suivi les attentats, les membres de l'UMP sont divisés. Bruno Le Maire, candidat malheureux à la présidence de l'UMP en 2014, s'est prononcé contre le front républicain, comme Henri Guaino, l'ancienne plume de Nicolas Sarkozy, qui estime qu'un « front républicain » reviendrait à exclure les électeurs FN : « Après le 11 janvier on a pu croire que nous vivions dans un autre monde. Eh bien non, la situation de la société française est inquiétante, la colère de nos concitoyens n'est pas retombée. »

Le journal Le Monde affirme que Nicolas Sarkozy est partisan du « ni-ni », mais la vice-présidente déléguée de l'UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet a quant à elle déclaré que si elle était une électrice de la 4e circonscription du Doubs, elle voterait pour le PS. Le bureau politique du parti de l'ancien président de la République française se réunira mardi pour décider de la ligne à suivre.

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter @meloboucho