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FRANCE

Fusillade à Grande-Synthe : le bidonville de migrants aurait été le lieu d’un règlement de compte entre passeurs

D’après les autorités, un violent règlement de comptes entre passeurs aurait éclaté ce mardi en fin d’après-midi dans le camp de Grande-Synthe. Les quatre blessés légers ont tous été placés en garde à vue ce mercredi matin.
Pierre-Louis Caron / VICE News

Quatre personnes ont été placées en garde à vue ce mercredi matin, après une fusillade survenue la veille en fin d'après-midi, dans la « Jungle » de Grande-Synthe — un camp informel où près de 2 500 migrants, dont de nombreuses familles, survivent actuellement dans des conditions très difficiles que des ONG sur place désignent comme pires que celles de la Jungle de Calais.

« Il s'agit des quatre blessés pris en charge par les secours hier soir », nous a indiqué ce mercredi matin Eric Fouard, le procureur de la République de Dunkerque, en charge de cette affaire.

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Dans un entretien téléphonique qu'il nous a accordé, Eric Fouard nous a précisé que ces quatre personnes sont des Kurdes originaires d'Irak. « Ils ont été dénoncés dans la soirée, comme ayant participé directement à la fusillade », nous a-t-il indiqué, évoquant la thèse d'un « règlement de comptes » entre passeurs, pour un motif encore inconnu des enquêteurs.

De nombreux coups de feu en rafale entendus ce mardi en fin d'après-midi dans le camp de Grande-Synthe avaient alerté les forces de l'ordre qui sont rapidement intervenues, avec l'aide d'une brigade du RAID, l'unité d'élite de la police nationale chargée des interventions à risque.

« Ce [mercredi] matin, la situation était redevenue calme », a indiqué à VICE News par téléphone un porte-parole de Médecins sans Frontières (MSF). C'est l'une des seules ONG à intervenir dans ce bidonville, fait de tentes et d'abris rudimentaires plantés dans une zone inondable, juste en face d'un lotissement d'habitation et à quelques centaines de mètres seulement de l'autoroute A16 qui court le long de la côte, entre Calais et Dunkerque.

« Nos équipes étaient présentes sur place tôt ce matin, et elles vont travailler comme d'habitude aujourd'hui », a précisé ce porte-parole de MSF, avant de nous confirmer le renforcement des brigades de CRS déployées autour du camp.

La très grande majorité des migrants habitant ce camp sont des Kurdes ayant fui l'Irak et la Syrie pour se rendre en Angleterre, dont de nombreuses familles avec enfants qui vivent dans la promiscuité, la boue et le dénuement presque total.

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Au début du mois de janvier 2016, VICE News avait rencontré des migrants et des bénévoles oeuvrant dans ce bidonville, alors qu'un déménagement et la construction d'un nouveau camp officiel étaient sur le point d'être annoncés.

Lisez notre reportage dans le bidonville : Dans la boue et le froid, l'espoir d'un camp humanitaire à Grande-Synthe

Aux alentours de 16h30 ce mardi, de nombreux coups de feu ont été entendus dans le camp de Grande-Synthe, provoquant rapidement le bouclage de la zone.

Le quartier qui jouxte ce camp de migrants a progressivement été fermé à la circulation par de nombreux agents de police et de gendarmerie — une centaine d'hommes au total — alors que les riverains avaient pour ordre de rester confinés chez eux.

Les forces de l'ordre ont pénétré dans ce camp vers 18h30, avec à leur tête des agents du RAID. Alors que la nuit tombait, le bidonville a été ratissé dans le but de retrouver les auteurs de ces violences, ainsi que d'éventuelles armes. « Les agents n'ont retrouvé que des douilles de 9 millimètres, cinq au total, correspondant à des armes de poing », nous a indiqué le procureur Éric Fouard.

Contactée par VICE News ce mercredi matin, la mairie de Grande-Synthe a simplement évoqué un incident « entre passeurs », se refusant à d'autres commentaires pour le moment.

Cette fusillade vient s'ajouter à une série d'incidents violents autour du camp de Grande-Synthe. En juin 2014, un migrant avait été touché aux jambes par un tireur en voiture. En septembre dernier, plusieurs course-poursuites et la recrudescence des tensions au sein de ce camp avaient poussé les forces de l'ordre à y effectuer des opérations de comptage et de surveillance.

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Un nouveau camp prévu pour la fin février

L'actuel camp informel de Grande-Synthe est situé à quelques centaines de mètres seulement d'une station-service de l'autoroute A16 où opèrent de nombreux trafiquants d'êtres humains. Non loin de là, le port de Dunkerque — qui est moins surveillé que celui de Calais — attire depuis plusieurs mois les migrants désirant se rendre clandestinement en Angleterre.

Entre les mois d'août et de novembre 2015, la population du camp de Grande-Synthe a été multipliée par 30, débordant les services de cette ville ainsi que les ONG humanitaires présentes sur place.

[En photos] Dans le camp de Grande-Synthe, les migrants face à l'hiver

Officiellement validée par l'État français le 20 janvier dernier, la construction d'un nouveau camp à plus d'un kilomètre du bidonville serait en « bonne voie » d'après MSF. « La préparation du terrain prend du temps, mais nous pensons pouvoir installer les premières tentes prochainement », nous a indiqué le porte-parole de cette ONG.

D'ici la fin du mois de février, ce sont 500 tentes chauffées et plusieurs blocs sanitaires qui devraient donc être installés sur un terrain situé entre l'autoroute A16 et une voie de chemin de fer, avec une capacité d'accueil estimée à 2 500 personnes.

Dans un communiqué publié mercredi dernier, la mairie de Grande-Synthe a déclaré que ce projet officiel impliquera le déménagement puis la « disparition du camp actuel », tout en assurant que le futur camp n'aura « en aucun cas vocation à perdurer ; les places libérées par les départs n'étant pas renouvelées. »


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