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Mon petit ami a tenté d'arrêter Tony Blair

Le récit d’une tentative d’arrestation citoyenne ratée sur l’ancien Premier ministre britannique

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Faites-vous partie de ce pourcentage de citoyens britanniques qui pensent que Tony Blair et George W. Bush devraient, un jour ou l'autre, répondre devant la justice de leur responsabilité dans la guerre en Irak ? Avez-vous déjà envisagé de les arrêter par vous-même ? Jusqu'à maintenant, cinq personnes ont tenté de procéder à une arrestation citoyenne sur Tony Blair [en Grande Bretagne, il existe une loi permettant à de simples citoyens de procéder à une arrestation sans mandat]. Parmi ces personnes figurait mon copain, Twiggy.

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VICE : Tu viens d'utiliser ton droit d'arrestation citoyenne sur la personne de Tony Blair – comment te sens-tu ?
Twiggy Garcia : Très bien. Beaucoup de gens m'ont contacté pour me féliciter. Je n'arrive toujours pas à me dire que j'étais à deux doigts d’arrêter l'ancien Premier ministre.

Quel était ton plan ? Tu t’es réveillé un matin et tu t’es dit que vous t’allais arrêter Tony Blair ?
Ce n'était pas planifié, mais c'est une chose que j'avais envie de faire depuis des années. J'ai attendu d'en avoir l'opportunité, après être allé sur le site arrestblair.org, et il s'est avéré que nous étions tous deux au même endroit, au même moment. Je pense que Tony Blair est responsable de la mort de beaucoup de civils irakiens, tués au cours d’une guerre illégale, violant ainsi les articles 31 et 51 de la charte des Nations-Unies – que le Royaume-Uni a signée et ratifiée.

Où l'as-tu chopé ?
Dans un restaurant, le Tramshed, à Shoreditch – je travaillais au bar. Mon cœur s'est accéléré lorsque j'ai vu qu'il était là. J’ai ressenti comme une présence sinistre, que les autres membres du restaurant avaient également remarquée. Ça ne ressemblait pas aux soirs de d’habitude. Je n'arrivais pas à croire qu'il était là. Ses gardes du corps étaient assis au bar, juste en face de moi, et j'étais très stressé ; j'avais l'impression qu'ils m'entendaient dire : « dois-je vraiment procéder à une arrestation citoyenne ? »

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As-tu agi de manière impulsive ou bien as-tu longuement réfléchi à ce que tu t’apprêtais à faire ?
J'y ai beaucoup pensé. Je suis allé sur le site arrestblair pour voir comment procéder à une arrestation citoyenne. Ensuite, j'en ai parlé à d'autres membres du staff au bar, et ils m'ont dit que je ne devrais pas le faire. J'ai appelé mon ami Callum pour lui parler de mon plan. Il m'a répondu « vas-y, lance-toi » – c'est tout ce que j'avais besoin d'entendre.

Twiggy Garcia

Que faisait Blair lorsque tu l’as arrêté ?
Il était assis en bout de table, à l'étage. Il dînait avec huit autres personnes. Je crois qu'il était avec sa famille et quelques amis. Je suis allé vers lui, j'ai posé ma main sur son épaule et lui ai dit : « M. Blair, j'applique mon droit de procéder à une arrestation citoyenne sur votre personne, pour crime contre la paix – via le fait d'avoir mené une guerre injustifiée contre l’Irak. Je vous invite à me suivre au poste de police pour répondre de cette accusation. »

Et quelle a été sa réaction ?
Il a répondu : « Non. Ne devriez-vous pas plutôt vous inquiéter du sort de la Syrie ? » J'ai répondu que je pouvais seulement faire face à des choses à ma portée. Il m'a ensuite demandé : « vous n'êtes pas d'accord pour dire que Saddam était indiscutablement un dictateur et qu'il fallait le destituer ? » J'ai rétorqué : « pas avec une guerre illégale. » Il a ensuite parlé de tous les gens que Saddam avait fait assassiner dans les années 1980. J'ai paraphrasé quelques passages du discours de démission de Robin Cook, puis ai demandé pourquoi il était si nécessaire d'entrer en guerre en vue de renverser un pouvoir que nous-même avions mis en place. Aussi, j’ai demandé si je ne faisais pas d’erreur en affirmant que le gouvernement britannique et les États-Unis avaient fourni des armes à Saddam.

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Qu'avait-il à répondre à ça ?
Il a changé de sujet pour parler de la Syrie. Il m'a tenu tête : « je pense que vous devriez plus vous préoccuper de la Syrie, en toute honnêteté. » Je lui ai répété une nouvelle fois que je procédais à une arrestation pour crime de guerre, et je l'ai invité à me suivre au poste de police pour qu'il réponde de cette accusation.

Je suppose qu'il a poliment refusé. Que s'est-il passé ensuite ?
Un de ses enfants s'est levé, est descendu pour aller chercher les mecs de la sécurité en civil. J'ai décidé de me tirer de là au plus vite. J'ai eu quelques soucis par le passé avec la police et ça ne s'est jamais bien fini. Ils ne respectent aucunement les lois qu'ils sont censés faire respecter. J'ai démissionné du bar – de toute façon j'avais déjà prévu de me casser. Je n'ai plus parlé à mes patrons depuis. Je me sens un peu mal… Ils étaient très gentils.

Tony Blair a-t-il eu la réaction que tu escomptais ?
Tout s'est plus ou moins passé comme je m’y attendais – à part le fait qu'il accepte de débattre avec moi. Je pense qu'il croit réellement en ses mensonges. Nous savons tous que l’argumentaire humanitaire de cette guerre a été créé de toutes pièces après l’entrée en guerre du Royaume-Uni et des États-Unis, au moment où Blair et Bush n'avaient pas encore reçu l'aval du Conseil de sécurité de l’ONU.

T’attends-tu à quelque nouveauté sur la situation de Blair après cette tentative d'arrestation ?
J'espère que les gens n’oublieront pas qu'il s'agit d'un criminel de guerre. J'espère qu'un jour il devra répondre de ses actes devant le tribunal de La Haye. Les gens ont tendance à croire que ces lois ne s'appliquent qu'aux nazis et aux seigneurs de guerre africains.

Si jamais tu le recroises, tu penses agir différemment ?
Je pense que j’appellerais un ami pour filmer la scène. Là, je n’ai pas osé sortir mon téléphone, de peur que les gardes du corps me le confisquent. La police a déjà conservé mon téléphone pendant cinq mois alors que je n'avais rien fait d'illégal. Ce sont des cons.

Merci, Twiggy.

Suivez Georgia sur Twitter : @GeorgiaBronte