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Grâce à la Russie, le tank est de retour au top de la tendance

Après un quart de siècle passé dans l’ombre, les chars de combat reviennent au goût du jour, alors que la tension continue de monter entre la Russie et l’Occident.
Photo par Vitaly Kuzmin

La tension continue de monter entre la Russie et l'Occident — les États-Unis ont annoncé, mardi dernier, qu'ils allaient déployer des tanks et de l'artillerie lourde dans des positions stratégiques situées en Europe de l'est. Cette décision survient quelques semaines après le lancement par la Russie d'une nouvelle gamme de véhicules blindés, dont le char de combat principal, baptisé T-14 Armata, qui était attendu de longue date. Le T-14 Armata représente une véritable évolution par rapport aux restes des MBT (pour « main battle tank, » ou char de combat principal en français). Ces deux informations semblent montrer que les armures lourdes reviennent à la mode, après avoir été boudées pendant des décennies dans le contexte de la Guerre froide.

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Les États-Unis et leurs alliés ont dépensé des milliards pour développer des véhicules comme le MRAP, qui a été utilisé en Irak et en Afghanistan. Il s'agit de l'équivalent, pour les théâtres de combat, du camion blindé qui vient ravitailler votre banque en petites coupures. Ce type de véhicule est suffisamment blindé pour résister à des tirs d'armes légères et aux IEDs (« Improvised explosive device » ou engin explosif improvisé en VF). Par contre, vous ne voudrez pas vous retrouver à son bord si un tank vous fait face. Les tanks et ses déclinaisons — qu'on range sous l'appellation « armored fighting vehicles » (véhicules blindés de combat) — sont développés justement pour se mesurer à d'autres véhicules lourdement armés et solidement blindés.

Le T-14 Armata, le nouveau tank russe de pointe, a été présenté le 9 mai dernier, lors de la Victory Parade de Moscou. Le Armata arbore un design révolutionnaire — en 20 ans on n'avait rien vu de pareil.

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Le changement radical c'est l'introduction d'une tourelle qui fonctionne à distance — un homme n'a pas besoin de s'y trouver. Cette fonction permet au soldat de rester à couvert dans le tank, plutôt que d'être exposé aux tirs ennemis — comme c'est le cas pour les autres tanks. Autre nouveauté, un système de protection actif, qui permet de voir à 360 degrés autour du tank et qui permet à l'équipe à bord d'éliminer les missiles ou les tirs de tanks qui se dirigent vers l'Armata.

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Vous avez besoin de gros machins, de trucs lourds, de machines bien protégées.

Si les nouveautés présentées sur l'Armata n'ont pas tellement surpris les spécialistes de l'industrie de l'armement, Jon Hawkes de IHS Jane's (une compagnie spécialisée dans les problématiques de défense), explique que la nouvelle arme russe risque tout de même de faire réagir les autres pays, qui seront obligés d'agir en conséquence pour renouveler leurs flottes vieillissantes.

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« Le nouveau véhicule russe ne comporte pas de surprises majeures. L'attente était grande depuis deux, trois ans, » explique Hawkes à VICE News. « La configuration et le design exacts n'étaient pas connus, mais les capacités et spécificités révélées correspondent à nos prévisions. »

L'Allemagne sera le premier pays, fabriquant de tanks, à s'opposer aux Russes — du moins sur le plan du design — puisqu'ils ont annoncé leur projet de mettre au goût du jour leur MBT (« main battle tank »), le Leopard 2 — seulement trois semaines après la présentation de l'Armata. Les Allemands conduiront des études de capacité avec la France, qui devraient débuter en 2018, avant de se mettre d'accord sur le design.

Mais les nouveaux tanks ne sont pas les seuls que veut l'Allemagne. Le pays a annoncé en avril, vouloir remettre la main sur 100 Leopard 2 avec pour objectif de moderniser ces anciens tanks — une manière de gagner en puissance en attendant de recevoir de nouveaux véhicules.

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Si on estime que le timing de l'annonce allemande est une simple coïncidence, on oublierait un bout de l'histoire d'après Siemon Wezeman, un chercheur pour le Arms and Military Expenditure Program au Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI). Après la Guerre froide, on a observé une baisse significative du nombre de véhicules blindés lourds. La plupart des pays s'attendaient à principalement participer à des missions de maintien de la paix ou des combats hors zone, pour lesquelles des véhicules plus légers (comme le MRAP) sont parfaits. Mais les tensions entre la Russie et l'Occident ont grandi, tout comme le désir d'avoir des véhicules blindés lourds.

« En Europe, dans le climat de tension avec la Russie, il y a la peur grandissante que, pour faire face, il faille des véhicules blindés de grande qualité. Et vous voyez les Allemands réagir à ça en rachetant des blindés qu'ils avaient vendu, en développant de nouveaux tanks, mais encore en achetant de nouveaux véhicules de combat pour l'artillerie lourde, » explique Wezeman à VICE News. « Vous ne pouvez pas aller là-bas avec un blindé léger ou un hélicoptère léger. Il vous faut de grosses machines, des machines lourdes, des machines bien protégées. »

Les États-Unis ne seront pas en reste ajoute Wezeman. « Des véhicules blindés lourds, des tanks, un successeur au M1 [un tank conçu par Chrysler Defense], et probablement des investissements dans de nouveaux véhicules de combat d'infanterie vont être lancés. Ce que nous avons pour le moment n'est pas assez bon pour combattre un ennemi lourdement armé — du moins, très avancé en termes d'armement de tanks, » dit Wezeman.

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Malgré tout, les États-Unis ne comptent pas pour autant lancer un nouveau MBT. La version améliorée du tank, M1A3, qui devait être prête pour 2017, a été reportée à 2020 ou plus tard. À la place, l'armée américaine travaille depuis des années pour remplacer le M2 Bradley (un véhicule de combat d'infanterie (IFV) développé par BAE), qui est en service depuis le début des années 1980. Les plans pour le nouveau véhicule — dont l'actuelle incarnation est appelée Future Fighting Vehicle (FFV) — arrivent deux ans après l'arrêt du programme de Ground Combat Vehicle (GCV ou véhicule de combat de terrain) de l'armée, dernière tentative de création d'un nouveau véhicule de combat d'infanterie.

Un porte-parole du gouvernement américain, qui a répondu à VICE News sous couvert d'anonymat, a rapidement expliqué que ces récents développements ne révélaient pas une résurgence des blindés — puisque les blindés n'ont jamais été abandonnés aux États-Unis. Contrairement aux pays européens, les États-Unis ont toujours maintenu leur flotte de véhicules blindés. « Aux États-Unis, l'idée de garder ces forces lourdes blindées n'a jamais vraiment disparu, » explique Wezeman. « Les États-Unis n'ont pas oublié ce qu'il s'est passé pendant la guerre du Golfe en 1990 et 1991, quand ils effectuaient le gros du combat. Ils n'ont pas non plus oublié ce qu'il s'est passé en 2003 en Irak ou en Afghanistan, deux terrains où l'équipement lourd était nécessaire. »

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Si seulement le FFV est en développement — les 28 millions de dollars ont été confiés à BAE Systems et à General Dynamics Land Systems pour concevoir le design — 3 autres hypothétiques véhicules à développer sont dans les tuyaux, notamment un tank léger qui pourrait être transporté par voie aérienne.

La soudaine résurgence des commandes de véhicules blindés pourrait dénoter un intérêt relancé pour le secteur qui a longtemps été apathique. En réalité, du côté de l'industrie, on ne voit rien de bien nouveau à ça. Les entreprises derrière les plus grands projets de blindés — Kraus-Maffei Wegmann en Allemagne, UralVagonZavod en Russie et General Dynamics Land Systems aux États-Unis — n'ont pas répondu à nos demandes d'entretien. BAE Systems a aussi refusé de nous répondre, expliquant à VICE News qu'ils ne pouvaient pas spéculer sur le futur du programme de blindés de l'armée américaine, ou ce que cela pouvait signifier pour l'industrie.

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Le Secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, promet que cela n'est pas le début d'une nouvelle course à l'armement. C'est simplement le moment pour tout le monde de mettre à jour la flotte de véhicules militaires pour répondre aux nouvelles menaces, a expliqué Stoltenberg à des journalistes, mercredi dernier. Apparemment, ceci coincide — comme par pur hasard — avec la présentation d'un nouveau tank russe.

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Si les firmes occidentales voulaient garder le silence sur la question, le fabriquant chinois de tanks, Norinco, n'a pas pu s'empêcher de révéler ses nouveaux progrès. L'entreprise chinoise s'est moquée de l'armée russe, sur les réseaux sociaux, après la grande parade de Moscou de mai dernier. Norinco s'est invité sur WeChat (une application de networking chinoise) pour vanter son VT-4, leur nouveau tank — qui est en réalité plutôt classique.

« La transmission du T-14 n'est pas si bien développée. Nous avons pu observer un mauvais fonctionnement de l'engin lors de la répétition avant la parade du 9 mai, » a posté Norinco, en chinois, sur son profil WeChat officiel. « Le VT-4 n'a jamais rencontré de tels problèmes jusqu'ici. Nos tanks sont aussi équipés de systèmes de conduite de tirs de classe mondiale, ce que les Russes essayent encore de faire. »

Si les États-Unis discutent depuis un moment d'une stratégie permettant un déploiement rapide et stratégique de forces mobiles — un peu comme les MRAPs utilisés en Irak et en Afghanistan — Hawkes a confié à VICE News que les nouveaux développements américains semblent plus en ligne avec un contexte est-européen.

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Photo par Vitaly V. Kuzmin