Conflits politiques en Haïti et histoires d'amour saoudiennes

FYI.

This story is over 5 years old.

Le Numéro Photo 2017

Conflits politiques en Haïti et histoires d'amour saoudiennes

Une brève présentation des portfolios de Tasneem Asultan et Maggie Steber, publiés dans notre dernier numéro photo.

Pour notre numéro Photo annuel, on a contacté des jeunes photographes talentueux afin de savoir quelle personne les avait inspirés à poursuivre dans cette voie. On a ensuite approché leurs « idoles » afin de les convaincre de publier également leurs portfolios dans nos pages. Les lignes suivantes présentent le travail de Tasneem Alsultan et de son idole, Maggie Steber.

Tasneem Alsultan, née aux États-Unis et élevée en Angleterre, s'est rendue en Arabie saoudite pour son mémoire de maîtrise. Après avoir obtenu son diplôme à l'université de Portland, elle s'est lancée dans la photo. Une fois établie en tant que photographe de mariage, elle s'est plongée dans les questions sociales de la région, utilisant ses images pour explorer le fossé entre le livre saint de sa religion et la vie menée par les femmes comme elle.

Publicité

Elle a entamé son premier projet important, Saudi Tales of Love, avec sa propre histoire. Mariée à 17 ans, elle a enduré une union malheureuse pendant dix années – passant six d'entre elles à élever son enfant seule. Lorsqu'elle a demandé le divorce, les membres de sa famille ont jugé cela « ridicule ». Elle a réalisé, avec le temps, qu'elle n'était pas la seule à être considérée comme « ridicule ». Contrairement à ce qu'elle attendait des épouses saoudiennes de base, la plupart d'entre elles, comme elle l'a découvert via son travail, partagent la même insatisfaction. Certaines sont satisfaites de leur partenaire, mais étouffées par le rôle assigné à leur genre ; d'autres, comme elle, se sont battues pour embrasser à nouveau le célibat.

Alsultan met à jour des histoires de veuves, de divorcées et d'épouses heureuses. Elle détourne de vieilles photos prises dans des mariages. Elle fait des portraits de sa fille et de sa grand-mère. Ce qu'elle recherche, c'est l'amour sous toutes ses formes.

Photo : Tasneem Alsultan


Dans les années 1980, Maggie Steber s'est rendue en Haïti pour couvrir les bouleversements politiques intervenus à la chute de la dictature de Jean-Claude Duvalier, longue de trente ans.

Ancienne photographe de Newsweek, elle y documenta la première tentative de vote démocratique, qui conduisit à des massacres et à l'annulation des élections. (Elle fut presque tuée.) En 1988, elle fut témoin d'une attaque contre l'église de Jean-Bertrand Aristide, un prêtre qui deviendrait le premier président démocratiquement élu du pays. (Elle fut presque décapitée, mais parvint à s'échapper.) Des années plus tard, en 1994, elle vit Bill Clinton aider à remettre Aristide au pouvoir, après le coup d'État militaire de 1991.

Publicité

Avec le temps, cependant, Steber eut le sentiment de ne narrer qu'une partie de l'histoire. « L'actualité se répétait constamment. »

« C'était un drame dont seuls les acteurs changeaient », dit-elle. Elle choisit de se concentrer sur les aspects ordinaires de la vie, ceux qui se perpétuent durant les périodes de troubles, et commença aussi « à aller, à des moments plus paisibles et calmes, dans les campagnes où vit le vrai Haïti, pour trouver la beauté, la magie, la force, l'endurance, le cœur et l'âme de personnes extraordinaires ».

Au cours de ses plus de 80 séjours dans le pays, Steber est allée partout, des taudis de Port-au-Prince à Port-Haïtien – le « Paris des Antilles » – et la lointaine vallée d'Artibonite. Son site web, « the Audacity of Beauty », présente 25 années de son travail sur place. Ses photos, comme celles que l'on présente ici, montrent que si les Haïtiens vivent dans la pauvreté et la violence, ce n'est pas ce qui les définit : des femmes prient au sommet d'une montagne ; un jeune garçon en recherche de nourriture s'accroupit sous une porte en fer tandis que des soldats – des ombres sur un mur – s'approchent avec leurs armes ; une procession funéraire s'avance, remplie de larmes et de désespoir.

« On ne prend pas le temps de voir ces choses-là, dit-elle, principalement parce que cela n'intéresse pas les gens. »

Avec son projet, elle s'attelle à changer cela.

Photo : Maggie Steber