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Belgique

Le ministre des Affaires étrangères belge grimé en Noir pour la marche des « noirauds »

La participation de Didier Reynders à cette marche caritative fait débat. Depuis 139 ans une association maquille le visage de ses membres en noir et parcourt les rues de Bruxelles pour récolter des fonds en faveur des enfants défavorisés.
Image via Wikimedia Commons / Michel Wal

Tous les deuxièmes week-ends de mars depuis 1876, pendant le carnaval, les membres de l'association des noirauds, rejoints par des bénévoles pour l'occasion, se retrouvent dans les rues de la capitale belge, Bruxelles, pour récolter de l'argent destiné à une ?"uvre caritative qui vient en aide aux enfants défavorisés. Les noirauds se maquillent le visage en noir, enfilent un pantalon bouffant de couleur vive et un chapeau haut de forme. Ils sont accompagnés d'une fanfare nommée « le Conservatoire africain ».

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Ce week-end, le correspondant de la chaîne de télévision France 2, François Beaudonnet a remarqué que le ministre des Affaires étrangères belge Didier Reynders (membre du MR, un parti de droite) se trouvait parmi les noirauds. Le journaliste demande dans son reportage si la participation d'un ministre des Affaires étrangères à ce folklore aux relents a priori colonialistes est bienvenue. Partie du journaliste français mercredi matin, la question trouve une résonance sur le web. Ce jeudi matin la presse belge s'est fait l'écho de la même interrogation.

Le ministre — François Beaudonnet (@beaudonnet)18 Mars 2015

! — mia farrow (@MiaFarrow)18 Mars 2015

La tradition des noirauds remonte à l'hiver 1876, quand des notables bruxellois se mettent en quête d'argent pour financer une crèche. Ils décident d'aller demander de l'argent dans les restaurants de la capitale, et se griment pour ne pas être reconnus. « On se maquille comme ça pour être remarqué, mais dans l'anonymat, » explique à France 2 un des noirauds présents ce week-end.

Jean-François Simon, le président de l'association des noirauds explique ce jeudi à VICE News que la couleur noire est choisie « parce qu'ils [les notables] ont été inspirés par l'Afrique. » Il explique que cette influence peut tirer ses origines dans une conférence de géographie consacrée à l'Afrique organisée par le roi belge Léopold II, quelques mois avant la première quête.

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Depuis, la tradition est ancrée dans le folklore belge, et, comme le souligne le journaliste François Beaudonnet, hormis quelques blogueurs et quelques défenseurs des minorités, peu de gens s'émeuvent de cette tradition en Belgique. Le maire de la ville de Bruxelles, Yvan Mayeur, a lui aussi participé à la même quête, le visage grimé de noir.

Le ministre des Affaires étrangères belge avait assumé sa participation à l'?"uvre caritative, dans un post sur son blog, publié ce mardi, dans lequel il écrit : « La devise des Noirauds est « Plaisir et Charité ». Les deux volets ont été pleinement rencontrés cette année encore et c'est avec bonheur et bonne humeur que j'y ai participé. »

les noirauds en ballade — didier reynders (@dreynders)14 Mars 2015

Le président de l'association des noirauds s'étonne d'être taxé de racisme. « Ça nous a surpris tout le "tintouin" que le journaliste a fait sur France 2, » explique à VICE News Jean-François Simon, qui se défend : « Notre mouvement n'est pas raciste, on a des collecteurs noirs qui doivent eux aussi se maquiller en noir parce que leur peau est brune, pas noire, et on aide tous les enfants, sans distinction de race. »

En Belgique comme en France, le fait de se maquiller le visage en noir, le « blackface », ne suscite pas des réactions aussi vives qu'aux États-Unis. Il n'y a d'ailleurs pas d'équivalent pour ce concept en langue française. Outre-Atlantique, cette question renvoie à l'époque de l'esclavage, et le « blackface » est condamné à la fin des années 1960 à la suite du mouvement des droits civiques.

En 2013, une journaliste de la version française du magazine ELLE avait déclenché une polémique aux États-Unis après avoir publié une photo d'elle sur Instagram où, déguisée en Solange Knowles pour une soirée, elle apparaissait grimée en noir. Dans les excuses publiques qu'elle avait alors présentées, elle affirmait ne pas avoir « conscience de la gravité de [son] acte. »

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter : @meloboucho

Image via Wikimedia Commons / Michel Wal