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Histoires de présidentielles — #1 : Comment annoncer sa candidature à la présidence

Tout au long de cette année de campagne présidentielle en France, VICE News et l’INA se penchent sur les archives vidéos marquantes des élections présidentielles de la Cinquième République.
Image via INA

Tout au long de cette année de campagne présidentielle en France, VICE News et l'INA se penchent sur les archives vidéos marquantes des élections présidentielles de la Cinquième République. Ça s'appelle « Histoires de présidentielles » et vous pouvez retrouver tous nos articles en cliquant sur cette page.

Pour ce premier épisode, nous nous revenons sur l'exercice périlleux mais fondateur de l'annonce de candidature. Laurent Rossini, spécialiste en communication politique et dirigeant du cabinet de conseil Plebiscit, nous apporte son éclairage sur les ficelles et les intentions de mises en scènes de quelques annonces de candidatures parmi les plus singulières.

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1965 : La méthode Charles de Gaulle — Expliquer qu'on a pas le choix, puisqu'on est le meilleur.

En novembre 1965, la Vème République a sept ans, et la France s'apprête à élire pour la première fois son président au suffrage universel direct. Le général Charles de Gaulle annonce sa candidature à la télévision — un médium qui jouera son premier grand rôle dans la vie politique française — et évoque plusieurs fois le « devoir » de se présenter à sa propre succession.

« Ici, la stature présidentielle prend tout son sens », nous explique Laurent Rossini. « De l'extérieur de l'Elysée, on arrive au plus près du personnage, comme si on entrait chez lui. La posture est très officielle, la bibliothèque derrière lui pour nous rappeler l'affiche officielle du Président. Les gestes sont forts et calculés, pour mieux appuyer le propos. Les mots claquent et l'intonation est forte, comme pour mieux asseoir l'autorité du chef. »

Au terme d'une courte campagne, De Gaulle remporte cette élection en décembre 1965 avec 55,20 pour cent des voix, au second tour face au socialiste François Mitterrand.


1974 : Arlette Laguiller — Faire de sa candidature un moment historique.

Une candidature oui, mais pas seulement. C'est un véritable moment historique qu'annonce la militante d'extrême gauche Arlette Laguiller le 20 avril 1974, dans un message officiel diffusé à la télévision. Alors âgée de 34 ans, cette déléguée syndicale militant au parti Lutte Ouvrière est en effet la première femme à se présenter à une élection présidentielle en France.

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« Plan serré sur son visage. Derrière elle, rien, pour mieux concentrer notre attention… sur elle-même », détaille Laurent Rossini. « Elle est LA femme-candidate et utilise ses atouts pour l'incarner. Les yeux sont maquillés, surlignés de vert… comme la couleur de son chemisier. C'est un code couleur différent de celui qu'elle utilise habituellement, parce qu'elle symbolise l'espoir pour une femme de réussir à représenter les autres femmes dans un monde politique si masculin. »

En récoltant 2,33 pour cent des suffrages exprimés, Arlette Laguiller est éliminée au premier tour de cette élection.


1980 : François Mitterrand — Répondre presque « oui », histoire de tâter le terrain.

En août 1980, les médias cherchent à savoir si le député socialiste François Mitterrand, plusieurs fois ministre sous les gouvernements précédents et dirigeant à cette époque du Parti Socialiste, a oui ou non l'intention de se présenter aux élections présidentielles qui auront lieu au printemps 1981. Mitterrand se contente d'évoquer cette possibilité, sans toutefois la confirmer.

Pour Laurent Rossini, Mitterrand est alors « dans un moment de non-annonce », mais qui préfigure ce que sera sa campagne : « La force tranquille », son slogan officiel. « Sérénité du lieu, simplicité de la tenue vestimentaire, apparente décontraction contrebalancent avec la complexité du propos et la toute-puissance de sa position : il rode une partition qu'il rejouera 14 années durant, avec plus de brio que lors de cette intervention. »

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François Mitterrand avait marqué l'histoire en étant le premier socialiste élu à la présidence française, après avoir remporté 51,76 pour cent des suffrages.


1987 : Jean-Marie Le Pen Faire attention au décor.

Après avoir vu son parti — le Front National (FN) — monter en puissance depuis les années 1970, Jean-Marie Le Pen jouit du statut d'homme fort de l'extrême droite française et annonce, en avril 1987, sa candidature aux élections présidentielles de 1988. C'est la seconde fois que Le Pen se présente à de telles élections, et il choisit une approche différente à celle de 1974, en s'exprimant cette fois depuis sa ville natale de la Trinité-sur-Mer en Bretagne.

« C'est une prise de parole "pur jus", bourrée de signifiants », analyse Laurent Rossini. « Le Pen est en province, au plus près des Français, portant haut les couleurs d'une République pas si laïque. Il est celui qui peut maintenir le pays à flot, devant la bouée de secours qui n'est pas là par hasard. Il est le capitaine du bateau France à n'en pas douter. Les codes montrés, la forme du propos, les mots utilisés me renvoient aux ingrédients similaires utilisés par De Gaulle dans son annonce officielle, y compris pour les talents d'orateur et de maniement de la langue française. »

La campagne de Jean-Marie le Pen s'était alors arrêtée au premier tour, lors duquel il avait obtenu 14,38 pour cent des voix — un score presque vingt fois supérieur à sa précédente tentative.

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2001 : Olivier Besancenot — Être présenté plutôt que se présenter

C'est en somme la manière avec laquelle Olivier Besancenot, jusque-là employé de La Poste et engagé dans diverses luttes syndicales, fait son entrée à l'âge de 27 ans dans la joute présidentielle de 2002, sous la bannière de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR). Inconnu du grand public, ce nouveau-venu en politique est alors deux fois moins âgé que la grande majorité des candidats qu'il s'apprête à affronter.

« J'avais à l'époque été surpris de voir une première vraie transmission politique », se souvient Laurent Rossini. « Elle s'effectuait dans les faits mais aussi dans la retransmission des images. Alain Krivine parle au début puis écoute le poulain… et s'en va. C'est un peu basique en matière de mise en scène, mais le message est bien là. »

Lors du premier tour de cette élection, 1 210 562 personnes avaient voté pour Olivier Besancenot, soit 4,25 pour cent des suffrages — un score insuffisant pour passer au second tour.


2003 : Nicolas Sarkozy — Tout miser sur une punchline.

Fin 2003, Nicolas Sarkozy est ministre de l'Intérieur dans le gouvernement dirigé par Jean-Pierre Raffarin. À 4 ans des élections présidentielles de 2007, alors qu'il est pressenti pour diriger l'UMP (ancien nom du parti de droite Les Républicains), Sarkozy est déjà interrogé sur d'éventuelles ambitions présidentielles. Lorsque le journaliste politique Alain Duhamel lui demande s'il lui arrive de penser à la prochaine élection présidentielle le matin en se rasant, Nicolas Sarkozy lui répond que oui, il y pense. « Et pas simplement quand je me rase », ajoute-t-il.

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« On arrive à l'avènement des formules choc, des petites phrases préparées à l'avance. La posture a changé : beaucoup de décontraction, de nonchalance, presque d'inélégance. Le propos s'est considérablement appauvri. Le ton est plus direct, presque (trop) familier », estime Laurent Rossini. « On est passé à l'instrumentalisation des médias. »

En tête au premier tour, Nicolas Sarkozy avait finalement remporté l'élection présidentielle de 2007,face à la socialiste Ségolène Royal avec 53,06 pour cent des voix.

Retrouvez tous les épisodes d' « Histoires de présidentielles » en cliquant sur cette page.


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