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FRANCE

Huitième journée de mobilisation contre la loi travail

Blocage des raffineries et des ports, grève des centrales nucléaires, manifestations… : retour sur les actions menées en France lors de cette nouvelle journée de mobilisation contre la loi travail.
Le cortège parisien du 19 mai (Etienne Rouillon/VICE News)

Une huitième journée de contestation du projet dit de la « loi travail » a eu lieu ce jeudi dans toute la France. L'intersyndicale CGT-FO-Solidaires-FSU-UNEF-FIDL-UNL, qui a lancé l'appel à la mobilisation, a voulu maintenir la pression sur le gouvernement, alors que le Premier ministre a annoncé le matin même sa volonté de faire passer cette loi.

Désaccord au sein du gouvernement

Sur RMC tôt ce jeudi matin, Manuel Valls a assuré qu'il était « hors de question de changer de cap », mais que des « améliorations » étaient possibles. Il a ajouté que les négociations dans les entreprises, définies par l'article 2 et particulièrement contestées, étaient « le coeur de la philosophie » de la loi.

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Une déclaration qui a été à l'origine d'un désaccord au sein du gouvernement. « Peut-être qu'il faut toucher à l'article 2 » sur certains « points », a en effet déclaré dans la matinée le ministre des Finances Michel Sapin sur LCP. « Il faut regarder tout cela dans le détail », a-t-il ajouté. Des propos qui ont été immédiatement réfutés par le Premier ministre. « On ne touchera pas à l'article 2 », a-t-il assuré, toujours sur RMC.

Les Français se précipitent moins dans les stations essence

Selon l'AFP, le Premier ministre « recevra l'ensemble des acteurs du secteur pétrolier samedi ». Ce jeudi, cinq raffineries sur les huit que compte le pays étaient au ralenti ou à l'arrêt. La Corse a notamment rejoint le mouvement de grève. D'après le Figaro, les deux dépôts de carburants de l'île, situés à Ajaccio et près de Bastia, ont été bloqués par des salariés grévistes et des militants de la CGT.

Le Monde précise que mercredi soir, le gouvernement avait débloqué onze dépôts pétroliers et utilisé trois jours de stocks stratégiques de produits pétroliers sur les 115 jours disponibles. Des pénuries ont pu être constatées dans des stations-service en France ces derniers jours. Selon l'Union française des industries pétrolières (UFIP), citée par Le Monde, environ un cinquième des quelque 11 500 stations-service étaient encore en rupture partielle ou totale d'approvisionnement ce jeudi. Cependant, l'afflux d'automobilistes aux pompes a diminué. « Les automobilistes se sont précipités pour remplir leur réservoir – la consommation a été de trois à cinq fois supérieure à la demande normale », a précisé le président de l'UFIP.

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Selon Les Échos, la situation de pénurie a été renforcée par la crainte irrationnelle des consommateurs de manquer de carburant. « Dans nos stations, la consommation est en moyenne trois fois supérieure à la normale », a par exemple indiqué Total, qui a mis en place un dispositif exceptionnel pour répondre à la demande.

En déplacement dans le Loir-et-Cher, Nicolas Dupont-Aignan, député de l'Essonne et président de « Debout la République », a par ailleurs affirmé dans une vidéo diffusée sur Twitter que toutes les stations-service du secteur étaient fermées. Une information qui a été démentie par Libération. Il s'est avéré que toutes les stations contactées par le journal étaient ouvertes. Certaines ne manquaient temporairement que d'un type de carburant.

Les centrales nucléaires entrent dans le mouvement

Outre les raffineries et les sites pétroliers, la grève a été votée dans les dix-neuf centrales nucléaires présentes en France, selon les déclarations de la CGT reprises par l'AFP. Trois centrales thermiques sont par ailleurs déjà à l'arrêt. À la centrale nucléaire de Gravelines dans le nord, la plus puissante de France, des agents grévistes ont organisé un barrage filtrant à l'appel de la CGT-Energie. Mais aucune baisse de charge n'a eu lieu. Au sud, d'après le Dauphiné Libéré, un piquet de grève et des barrages filtrants ont aussi été mis en place sur le site du Tricastin. Les unités de production 1 et 2 subissaient des baisses de charge mais aucune coupure d'électricité n'était envisagée dans la région ou en France.

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Le Monde a précisé que la société ERDF prévoyait une journée « normale » sur le réseau électrique, assurant que le mouvement de grève « n'a pas d'impact sur la distribution d'électricité ». Cependant, à la mi-journée, la CGT a annoncé que dix centrales nucléaires étaient concernées par des baisses de production, selon l'AFP. Ces baisses ont atteint au total 5 000 mégawatts.

Mouvement prolongé dans les ports

La fédération CGT des ports et des docks a aussi décidé de prolonger son mouvement de 24 heures jusqu'à vendredi, à la suite du déblocage par les forces de l'ordre des accès au dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer.

Selon Les Échos, des arrêts de travail étaient prévus dans « la plupart des ports ». Le port de commerce de Brest a ainsi été bloqué dans la matinée. « Ici, le port, c'est chez nous », a déclaré à un journaliste du Monde le secrétaire général de l'union locale de la CGT. « Les salariés demandent des lois qui les protègent ».

La zone aéroportuaire de Nantes-Atlantique a aussi connu un blocage dès 4h00 du matin, a rapporté l'AFP. « Plus de 200 salariés d'Airbus, rejoints par des membres de Nuit Debout, des étudiants, des salariés d'entreprises et des dockers sont présents sur trois gros barrages, menant à l'aéroport et au site d'Airbus », a expliqué à l'AFP Pascal Busson, secrétaire général CGT Airbus Nantes.

Deux manifestants blessés à des barrages filtrants

Des actions ont par ailleurs été organisées aux alentours de Lille, dans le sud d'Avignon, à Rennes, à Lorien ou à Caen. Les ponts de Normandie et celui de Tancarville ont été fermés près du Havre. Les barrages ont été levés en milieu de matinée, selon Le Monde. Le journal a indiqué que l'usine de sous-marins nucléaires DNCS à Cherbourg a aussi été bloquée, tout comme le port militaire voisin, d'après un responsable de la CGT.

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Deux incidents se sont produits dans le cadre de barrages filtrants dans les Bouches-du-Rhône. À Vitrolles, le journal La Provence a rapporté qu'un semi-remorque a tenté de forcer le barrage mis en place au rond-point de l'Anjoly. Il a bousculé une manifestante, membre du parti communiste vitrollais. Celle-ci a été blessée à la jambe et évacuée par les pompiers. À Fos-sur-Mer, selon Le Monde, un manifestant a été renversé par un automobiliste, qui a aussi essayé de forcer un barrage. Dans un état jugé grave, la victime a été héliportée. Le conducteur, qui s'était enfui, s'est finalement présenté au commissariat de Martigues et a été placé en garde à vue.

Des manifestations se sont aussi déroulées dans de nombreuses villes de France. À Rennes par exemple, les manifestants étaient entre 3 500 et 8 000 dans la rue. À Lyon, l'ambiance a été tendue d'après Le Progrès et les forces de l'ordre ont eu recours à des gaz lacrymogènes. La police a dénombré 3 300 manifestants, les organisateurs 9 000.

Le cortège de Paris a regroupé entre 18 000 et 19 000 manifestants selon la préfecture de police, 100 000 selon le syndicat FO. Lors de la dernière manifestation, le 19 mai, la police avait estimé le nombre de manifestants entre 13 000 et 14 000, la CGT à 100 000. L'AFP a rapporté que des affrontements ont éclaté quand une centaine de manifestants a quitté le trajet initial.

Ils ont renversé des containers de verre et lancé des bouteilles sur des policiers, qui ont tiré des gaz lacrymogènes et fait usage de matraques. La vitrine d'un concessionnaire automobile a notamment été prise pour cible. Une journaliste du Monde a assuré sur Twitter que des manifestants ont été touchés par des éclats de grenades de désencerclement. Aux environs de 18h00, le cortège parisien se dispersait toujours place de la Nation dans une ambiance tendue : lacrymogènes, interpellations, face-à-face entre manifestants et lignes de forces de l'ordre.

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Un journaliste de Mediapart a par ailleurs observé que deux policiers de la BAC ont été chassés du cortège parisien après que l'un d'eux a sorti son arme, à deux reprises, avant de la ranger.

Du côté des transports, le trafic de la SNCF a été moins perturbé ce jeudi, selon l'AFP. Alors que jusqu'ici la CGT-cheminots avait appelé à la grève les mercredis et jeudis uniquement, les quatre syndicats représentatifs menacent d'une grève reconductible de jour en jour à partir de mardi prochain, à 19 heures. Le syndicat SUD-RATP a par ailleurs appelé à la grève illimitée à partir du 10 juin, le jour de l'ouverture de l'Euro de football.

Selon un sondage Ifop réalisé pour RTL auprès de 1 265 personnes entre le 23 et le 25 mai, soit après le début des blocages, une majorité de Français soutient le mouvement contre la loi travail. 62 pour cent estiment qu'il est « justifié ». Les blocages n'ont eu qu'un léger impact sur l'avis des Français qui étaient 65 pour cent à trouver le mouvement justifié sur la période du 19 au 20 mai. Une neuvième journée de mobilisation a déjà été programmée pour le 14 juin par l'intersyndicale.


Solenn Sugier a participé à la rédaction de cet article.

Le cortège parisien du 19 mai (Etienne Rouillon/VICE News)