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Un mouvement islamophobe allemand prend de l'ampleur à Dresde

Tous les lundis, un mouvement islamophobe lancé en octobre, PEGIDA, rassemble une foule chaque semaine plus nombreuse.
Image via Reuters

Au moins 15 000 Allemands ont manifesté à Dresde lundi. C'était la plus grande édition à ce jour de ce qui est devenu une manifestation hebdomadaire contre « l'islamisation » de l'Europe.

Brandissant des drapeaux allemands, les manifestants ont défilé dans les rues en chantant « Nous sommes le peuple », un slogan emprunté aux manifestations anticommunistes de cette ville d'Allemagne de l'Est dans les jours qui ont précédé la chute du mur de Berlin. « Pas de Charia en Europe ! » insistait une pancarte.

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Organisée par les Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident (PEGIDA), la manifestation de lundi était la neuvième organisée. Le leader du groupe a salué le fait que le mouvement était en croissance, signe d'après lui qu'un changement était en route.

La chancelière Angela Merkel est restée prudente, conseillant aux Allemands de ne pas se laisser instrumentaliser par « L'incitation à la haine et la calomnie contre des personnes qui viennent s'installer dans notre pays. »

Les manifestations ont fait débat et ont augmenté les tensions dans un pays de plus en plus inquiet face à une résurgence de courants d'extrême-droite radicaux.

Pendant la manifestation, un manifestant qui n'a pas donné son nom, a dit à VICE News qu'il avait beau savoir que seul 0,5% des habitants de Dresde étaient musulmans, « c'était trop. »

« Ceci dit, » a-t-il ajouté, « ce n'est pas (une manifestation) contre les musulmans, mais contre les musulmans radicaux. »

Un autre manifestant a déclaré à VICE News : « Ce que (les musulmans) essaient de faire ici, c'est établir leur culture comme dominante, et on ne peut pas les laisser faire. Regardez Berlin par exemple, on ne veut pas que Dresde finisse comme ça. »

S'adressant aux manifestants, le leader de PEGIDA, Lutz Bachmann - dont la  jubilation était visible lundi - a demandé à ce qu'ils ne parlent pas aux médias, affirmant qu'ils essayaient de dénigrer son mouvement.

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« Les gens sont avec nous. Partout maintenant, dans les journaux à sensation, et même dans les talk-shows sans importance, ils débattent, et surtout, les politiques ne peuvent plus nous ignorer, » a-t-il crié.

« On a montré, en prenant une nouvelle petite balade, et par nos effectifs croissants, que nous sommes sur le bon chemin, et que doucement, très doucement, les choses sont en train de changer dans ce pays. Nous sommes le peuple. »

Les manifestants ont eux-mêmes fait le parallèle entre leurs défilés et les « Montagsdemonstrationen » hebdomadaires qui ont eu lieu en Allemagne de l'Est en 1989. Le slogan du mouvement pacifique de l'époque, « Nous sommes le peuple », entendait rappeler aux leaders qu'un État devrait être dirigé par ses citoyens, plutôt que par une élite.

PEGIDA a défini ses objectifs dans un document publié sur son site internet et sur sa page Facebook. Le document établit que le groupe veut « préserver et protéger l'élément judéo-chrétien qui domine dans la culture occidentale. »

Bachmann a un passé haut en couleur, il aurait notamment fui en Afrique du Sud pour échapper à la prison après avoir été poursuivi pour vol, et a été arrêté pour des affaires de drogue.

Michael Stürzenberger, le leader du parti bavarois d'extrême droite Die Freiheit a déclaré à VICE News qu'il était temps que l'Allemagne établisse des priorités en matière d'octroi d'asile. « Ce sont les chrétiens qui vivent dans des pays islamiques qui sont véritablement en danger, et ce sont ceux qui sont les bienvenus en tant que réfugiés. Ils s'intègrent, ne demandent rien, ne dealent pas de la drogue comme les musulmans. Les musulmans ne peuvent pas s'intégrer. Au nom de l'islam, des millions de gens sont morts, 53 pays ont été assujettis — dont des pays chrétiens — et maintenant, ils veulent que nous montrions une '' culture d'accueil'' ? Sommes-nous stupides ? Nous ne sommes pas aussi stupides ! »

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'If you sleep in a democracy you wake up in a dictatorship' slogan @ — Kate Connolly (@connollyberlin)December 15, 2014

Une contre-manifestation a aussi été organisée lundi, rassemblant près de 5000 personnes, d'après la BBC. VICE News a assisté à des affrontements entre les deux groupes de manifestants à Dresde. Quand un petit groupe de contre-manifestants a avancé vers la manifestation principale, criant « les réfugiés sont les bienvenus ici », la foule du PEGIDA a répondu par : « Ceux qui n'aiment pas l'Allemagne devraient partir. »

A counter protester holds up a sign during a demonstration called by anti-immigration group — Hans Solo (@thandojo)December 16, 2014

La popularité grandissante des manifestations de PEGIDA a ravivé le débat sur l'importance du racisme dans la société allemande. La question centrale dans le débat public est de savoir qui sont les manifestants : de véritables néonazis, des xénophobes, des islamophobes, des citoyens sans étiquette politique.

Certains des manifestants présents ont insisté sur le fait qu'ils n'étaient pas racistes mais qu'ils avaient de sérieuses préoccupations sur l'impact social et économique de l'immigration. D'après la BBC, un homme âgé a crié : « Je suis un retraité. Je n'ai qu'une petite retraite, mais je dois payer pour tous ces gens [les demandeurs d'asile]. Personne ne m'a rien demandé ! »

Un sondage de Zeit Online a montré que près de la moitié des Allemands avaient de la sympathie pour les manifestations, et 30% des gens interrogés ont déclaré qu'ils comprenaient « entièrement » les préoccupations des manifestants.

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Le leader du conseil central des musulmans d'Allemagne, Aiman Mazyek, a déclaré à l'AFP qu'il craignait que PEGIDA ne divise la société allemande, et que le but de leur slogan « Nous sommes le peuple » avait pour but de diviser entre : « Vous, les mauvais musulmans, et nous, les bons Allemands. »

Mazyek a rejeté la faute sur les politiques et les médias qui ont, d'après lui, surtout parlé de l'islam et des musulmans « en termes sécuritaires, en termes de menaces et de danger » ces dernières années.

L'Allemagne est le pays industrialisé qui accueille le plus de demandeurs d'asile au monde ; le pays a dépassé les États-Unis en 2013. L'Allemagne reçoit un quart des demandes d'asile de l'Union Européenne, la plupart en provenance de Syrie et d'Irak. Des ressortissants russes et afghans font aussi partie des demandeurs.

Dresde est la capitale de la Saxe. Elle a un nombre relativement faible d'immigrants. En 2011, la ville ne comptabilisait que 22 000 étrangers sur une population totale de 523 000 personnes. Seul un faible pourcentage de la population est musulman.

'Refugees Welcome <3' halle,="" glauchaer="" platz.="" — Daniel von Rhodok (@rhodok)December 16, 2014

Suivez Sally Hayden sur Twitter: @sallyhayd