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Crime

L'État de Rio de Janeiro est en proie à une grave crise de santé publique à 6 mois des Jeux Olympiques

Les hôpitaux de Rio de Janeiro sont dans un état inquiétant, ce qui tranche vivement avec les nouveaux stades rutilants construits pour les JO de cet été. Les docteurs conseillent même à ceux qui viendront assister aux Jeux de ne pas tomber malade.
Photo de Tiago Celestino/Flickr

Réduction des services dans les hôpitaux, des longues heures d'attente chez les médecins, pas assez de lits dans les centres hospitaliers et des familles confrontées à des délais considérables pour se voir remettre le corps de leurs proches défunts — les services de santé dans l'État de Rio de Janeiro, au Brésil, sont en proie à une grave crise.

« Nous sommes aujourd'hui en proie à une catastrophe publique, où le système n'est pas en mesure de satisfaire les besoins de la population, » explique Joarge Darze, le président du syndicat des médecins de Rio de Janeiro. « Les cliniques ne peuvent dispenser les soins nécessaires, et à cause de cela, les gens sont en train de mourir. »

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Cette crise s'est intensifiée au cours des derniers mois — certains disent même depuis des années. Mais l'ampleur de la crise est devenue apparente juste avant Noël, lorsque l'hôpital Estadual Getúlio Vargas — l'un des plus grands centres hospitaliers du nord de la région de Rio — a été forcé de fermer son service des urgences.

De nombreux hôpitaux ont réduit le nombre de services qu'ils proposent, d'autres ont même été contraints de fermer certains services.

Selon la presse brésilienne, certains patients doivent attendre parfois plus de neuf heures pour une consultation. Le conseil régional de la Santé publique affirme qu'il manque aujourd'hui 150 lits d'hôpitaux.

Plus tôt ce mois-ci, la soeur d'un patient de l'hôpital Geral de Nova Iguaçu, dans la région de Baixada Fluminense, a dit aux journalistes que l'hôpital « avait l'odeur d'une morgue. » Son frère venait de passer deux jours dans le couloir sans voir de médecin. « On aurait dit qu'il était sur le Titanic, » a-t-elle dit.

La pénurie de médecins dans les hôpitaux se fait également ressentir dans le bureau du médecin légiste. Les délais pour récupérer les corps sont de plus en plus longs. Il y a même des rumeurs de corps entassés devant une chambre froide qui ne fonctionne plus.

La situation des hôpitaux de la région contraste vivement avec les nouveaux équipements olympiques et le projet de régénération du quartier de Porto Maravilha, au coeur duquel trône le Musée de Demain. Le quartier sera bientôt dominé par cinq nouvelles tours construites par Donald Trump.

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En décembre, le gouverneur de l'État de Rio, Luiz Fernando Pezão, a dû décréter l'état d'urgence dans le secteur de la santé — une crise que le gouvernement impute aux malheurs économiques du pays.

« Des facteurs tels que le ralentissement de la croissance économique du pays et la chute du prix du pétrole […] ont eu un impact majeur sur la situation économique de Rio de Janeiro, » a dit un porte-parole du gouvernement dans un communiqué.

Selon des statistiques publiées par le gouvernement en novembre, l'économie du Brésil se serait effondrée de 3,1 pour cent en 2015, une baisse à laquelle s'est ajoutée une hausse rapide du taux de chômage et de l'inflation.

Le groupe pétrolier brésilien Petrobras, qui est géré par l'État et dont le siège est à Rio, souffre de la baisse des prix du pétrole et a également été frappé par un énorme scandale de corruption.

L'engagement olympique de Rio de Janeiro n'a fait qu'aggraver le problème. L'État a lancé plusieurs chantiers majeurs, y compris l'extension des lignes de métro depuis les quartiers touristiques de Copacabana, Leblon et Ipanema vers le Parc Olympique. Le secrétaire d'État aux transports Carlos Roberto Osório a admis en décembre qu'il serait nécessaire de débloquer des fonds publics pour pouvoir compléter le projet.

La situation économique a également nui à l'éducation et a provoqué des retards au niveau du versement des salaires et des retraites aux fonctionnaires.

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Un policier de Piraí, au sud de l'État, qui n'avait toujours pas touché son salaire de décembre, a affirmé à la presse brésilienne que « le gouvernement ne respecte pas ses engagements. »

« C'est la première fois que j'ai eu à tolérer ça en 16 ans de service, » a-t-il dit.

Jorge Darze rejette l'argument officiel qui impute la crise financière à des facteurs externes.

« [Le gouverneur Pezão] avait accès à des informations privilégiées sur les liquidités, et un secrétaire de la finance ainsi qu'un secrétaire du développement pour le tenir informer des revenus et des dépenses. C'est impossible qu'ils n'aient pas été au courant de la situation financière, » dit Darze. « Et s'il n'était réellement pas au courant, alors il est coupable de négligence. Il aurait dû être mieux préparé, pour empêcher qu'on en arrive là. »

Pour Cesar Augusto Paro, un professeur à l'institut de santé publique IESC, la crise va au-delà des difficultés financières de l'État.

« La raison pour laquelle la crise est plus grave au niveau du secteur de la santé […], c'est parce que le système santé a toujours manqué de moyens. Il n'a jamais bénéficié du niveau d'investissement envisagé par la constitution — ni au niveau de l'État, ni au niveau fédéral, » explique Paro. « Ce dont nous avons besoin, c'est d'un changement radical et plus de participation publique. Les politiques de santé publique ne respectent pas l'avis des gens. »

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La situation s'est un peu améliorée après Noël lorsque le ministère brésilien de la Santé a débloqué des fonds d'urgence de la municipalité et du gouvernement fédéral, pour permettre à plusieurs hôpitaux de fonctionner normalement.

La gestion de deux hôpitaux a également été remise à la ville, plutôt qu'à l'État — une restructuration qui devrait permettre à l'État d'économiser jusqu'à 125 millions de dollars par an.

La décision a été accueillie avec colère par les employés, inquiets de se retrouver au chômage. Le syndicat des médecins a affirmé ce mois-ci que les mesures d'urgence étaient insuffisantes et a annoncé vouloir poursuivre en justice le Gouverneur Pezão pour avoir manqué à ses obligations en matière de responsabilité financière.

« Nous avons besoin d'une réponse urgente des tribunaux. C'est pour cela que nous poursuivons le gouvernement, » explique Darze. « Je dirais que c'est une situation criminelle, qui va à l'encontre des droits humains fondamentaux. »

Il a également mis en garde les touristes qui prévoient de visiter Rio lors des Jeux Olympiques d'été.

« Si la ville ne peut satisfaire les besoins de ses propres habitants, comment va-t-elle pouvoir satisfaire ceux de millions de visiteurs étrangers ? » dit-il. « On ne fait pas une campagne pour dire aux gens de boycotter les Jeux Olympiques. Mais on veut dire aux gens de ne pas tomber malade, parce que si vous tombez malade, vous aurez beaucoup de mal à vous faire soigner dans ce système de santé. »

Suivez James Armour Young sur Twitter : @seeadarkness