LGBTQ

Avec les activistes queer qui ont jeté du faux sang sur un centre de don à Gand

« Tant que les gens seront en colère, des actions seront menées. »
Brecht Neven
Ghent, BE
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Le centre de don de la Croix-Rouge à Gand. Toutes les photos ont été fournies par TransActie

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« Voici notre sang que vous ne voulez pas. » C’est le message que des activistes gantois ont écrit parmi les tâches de faux sang sur la façade d’un centre de collecte de la Croix-Rouge dans la nuit du 10 au 11 juin à Gand. Un mois plus tôt, l'organisation flamande avait annoncé que les personnes transgenres ne seraient plus autorisées à faire don de leur sang ou de leur plasma, information qui n'a été relevée par les médias qu'un mois plus tard. Cette décision n'a pas été suivie par la Croix-Rouge francophone, qui s'en tient à la législation en vigueur.

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Les militants expliquent dans une déclaration anonyme qu'ils s'opposent à la « politique discriminatoire et transphobe de la Croix-Rouge ». Ils dénoncent la « droitisation de nos autorités sanitaires » et soupçonnent un lien entre « les récentes déclarations homophobes et transphobes émises par les dirigeants de la N-VA et du Vlaams Belang ».

Jeudi 13 juin, une deuxième action a été menée contre le centre de don de Gand. Cette fois, une vingtaine de militants ont protesté avec des slogans contre les nouvelles directives de la Croix-Rouge. On ignore si ces deux actions sont directement liées.

La manière dont la Croix-Rouge détermine qui peut et qui ne peut pas donner du sang a déjà fait l'objet de débats. Les homosexuels ne sont d’ailleurs autorisés à donner du sang que depuis 2017 et à condition qu’ils n’aient pas eu de rapport sexuel durant une année complète. Rien de surprenant à ce que le débat pour les donneurs de sang transgenres gagne également du terrain.

De son côté, la Croix-Rouge flamande déclare que l'impact du changement du taux d'hormones chez les personnes transgenres sur la composition de leur sang n'était pas encore clair, de sorte que la sécurité du donneur et du receveur ne pouvait pas être garantie. De plus, selon eux, les personnes transgenres pourraient être plus à risque de contracter le VIH.

Le Point Info Transgenre, connecté à l'Hôpital Universitaire de Gand, contredit toutefois l'explication de la Croix-Rouge et déclare que la décision a été prise sur la base de recherches scientifiques incomplètes. Nous sommes entrés en contact avec ces activistes et leurs avons posé quelques questions de manière anonyme.

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VICE : Pourquoi avez-vous choisi comme cible une agence d'aide apolitique telle que la Croix-Rouge ?
Les activistes : Notre action ne visait pas la Croix-Rouge - qui fait d'ailleurs un très bon travail - mais bien la décision de refuser le sang de personnes transgenres. Nous souhaitons simplement que tout le monde puisse donner du sang. Tout le monde a bien sûr le droit de recevoir du sang en toute sécurité, mais tout le monde mérite aussi d'être traité avec humanité. Pour nous, cette action s’inscrit dans un cadre plus large et porte un message clair pour les organisations homophobes et transphobes. Les décisions de ce type et la communication qui les entoure jouent en la faveur du discours homophobe et transphobe des partis de droite tels que le Vlaams Belang.

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Vous réalisez que jeter du faux sang ne va pas éveiller la sympathie de beaucoup de gens…
Nous ne voulons pas de sympathie; le but de cette action était d'exprimer notre colère et d'attirer l'attention sur le sujet. Avec notre action, nous avons brisé l’omerta sur sujet, le lendemain, divers groupes d’intérêts se sont prononcés contre la mesure. [Notamment, Çavaria, l'association flamande pour les droits des personnes LGBT+, ndlr.] Tout au long de l'histoire, les groupes opprimés se sont toujours battus pour leurs droits par le biais de manifestations et d'actes illégaux. Cette stratégie était déjà efficace avec ACT UP aux Etats-Unis et en France dans les années 1980 et Outrage! au Royaume-Uni dans les années 1990.

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« Le fait que les homosexuels soient autorisés à donner du sang dans des conditions strictes depuis 2017 n'est pas une victoire, mais plutôt un triste constat. »

La Croix-Rouge affirme que si les recherches montrent que les personnes transgenres ne sont pas un groupe à risque, la mesure pourra être abandonnée. Depuis 2017, les homosexuels sont également autorisés à donner du sang dans des conditions strictes. Vous ne pensez pas que la Croix-Rouge joue simplement la sécurité ?
Le fait que les homosexuels soient autorisés à donner du sang dans des conditions strictes depuis 2017 n'est pas une victoire, mais un triste constat. L'accent doit davantage être mis sur l'activité sexuelle individuelle et non sur le genre. Un homme homosexuel qui a des relations sexuelles protégées a autant de risques de contracter le VIH qu'un homme hétérosexuel qui a des relations sexuelles protégées. Cependant, une personne homosexuelle doit attendre 8 mois de plus pour pouvoir donner son sang. Si VIH est plus répandu chez les homosexuels, c’est uniquement à cause du manque de sensibilisation, de protection et de soins fournis par les autorités.

« Un homme homosexuel qui a des relations sexuelles protégées a autant de risques de contracter le VIH qu'un homme hétérosexuel qui a des relations sexuelles protégées. »

La Croix-Rouge aurait pu formuler ses arguments d'une manière beaucoup plus correcte dans le questionnaire; poser des questions sur votre comportement sexuel ou votre prise d’hormones est beaucoup moins stigmatisant que de demander si une personne a légalement changé de genre.

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Actuellement, vous êtes rejeté immédiatement si vous avez changé de sexe sur votre carte d'identité, même si vous êtes toujours la même personne que la veille de ce changement légal. De plus, changer légalement de sexe ne signifie pas forcément que vous prenez des hormones ou que vous avez des relations sexuelles à risque.

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Vous parlez au nom de la communauté queer. Comment définissez-vous ce terme ?
Queer n'est pas synonyme de lgbtq+, il représente le côté activiste et engagé politiquement de la communauté lgbtq+. Les personnes queer luttent contre l'homophobie et l'oppression de toutes les minorités. Ils ne s'écartent pas seulement de la norme, ils s'y opposent. La communauté queer lutte contre la pensée binaire en termes de sexualité et de genre. De plus, les personnes queer dénoncent les rapports de force présents dans nos sociétés et s’opposent donc également au racisme et au sexisme.

« Tant que les gens seront en colère, des actions seront menées. »

Une personne hétéro peut donc aussi être queer ?
Bien sûr, la sexualité n’est qu’un aspect de la communauté queer. Vous trouverez donc des femmes trans hétérosexuelles et des hétérosexuels non-conformistes au sein de la communauté queer. L'idée que les hétérosexuels sont la norme, en revanche, est inconciliable avec la pensée queer.

Avez-vous prévu d’autres actions ?
Tant que les gens seront en colère, des actions seront menées.

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