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Ukraine

Kiev ne cesse de recompter ses morts

Notre correspondant nous raconte comment la trêve a été rompue la nuit dernière. On parle d'une quarantaine de morts.
Vice

À l'origine, cet article est paru sur le site de VICE.

La nuit dernière, les manifestants et la police ont observé une trêve agitée à Kiev, mais ce matin, le cessez-le-feu a été rompu et le sang a coulé une fois de plus dans les rues de la capitale ukrainienne. Kiev ne cesse de recompter ses morts. Le Kyiv Post rapporte qu'au moins 42 personnes ont été tuées - la majorité, de balles tirées par des policiers. Hier, la région de Lviv a déclaré son indépendance vis-à-vis du gouvernement central, par la voix de ses parlementaires, après que les manifestants ont pris d'assaut le bureau du procureur et que beaucoup d'agents de police ont préféré se rendre.

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Le président Ianoukovitch rencontre aujourd'hui les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne afin de discuter de possibles sanctions à l'égard de l'Ukraine. Mais il semble que la Russie soutiendra l'économie ukrainienne en achetant à hauteur de 1,4 milliard d'euros d'obligations. Le président Obama n'a pas apprécié et a attaqué Poutine pour le rôle de la Russie dans la crise, se proclamant au passage « du côté du peuple ».

Henry Langston, news editor de VICE UK, est à Kiev. Il nous a appelés ce matin pour nous mettre au fait de la situation.

VICE : Salut Henry. On entend parler de choses terribles. Qu'est-ce que tu en dis ?
Henry : J'ai vu plusieurs cadavres, déjà, des blessures par balle à chaque fois. Un des types avait un gilet pare-balles - mais sans les plaques de protection - qui portait la trace d'un gros trou entouré de sang. Ils ont recouvert les corps du drapeau ukrainien. C'étaient des jeunes hommes, la vingtaine. Un peu plus tôt, des manifestants ont été tués par balles alors qu'ils chargeaient des vans de la police.

Tu peux m'en dire plus sur la façon dont la trêve a pris fin ? Je croyais que Ianoukovitch et les leaders de l'opposition souhaitaient stabiliser la situation.
À environ 8 heures, les manifestants ont repris les coins de la place de l'Indépendance dont la police s'était retirée, une des conditions de la trêve. En représailles, la police a ouvert le feu. Beaucoup de manifestants sont inquiets ; ces gens ne peuvent rien contre des AK-47. Ils ont des boucliers et des bâtons. On n'a pas vu de flingues du côté des manifestants. Cela dit, on rapporte que beaucoup d'armes ont été saisies en dehors de Kiev, par des opposants ayant pris d'assaut des bâtiments officiels.

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La place de l'Indépendance de Kiev

Où te trouves-tu en ce moment ?
Je suis devant l'Hôtel Ukraine, dans la rue Institutska [à côté de la place de l'Indépendance], il y a un sniper qui tire au hasard. L'hôtel est devenu un centre de tri de fortune et une morgue. L'équipe médicale ici a compté 15 morts, qui ont tous été abattus par balle.

Dans le lobby de l'hôtel, les blessés sont examinés et envoyés à l'hôpital, et t'as une rangée de cadavres alignés, couverts d'un drap. Et l'hôpital manque de moyens pour traiter les blessés graves victimes d'hémorragie.

De jeunes agents de police capturés par les manifestants

J'ai lu que les manifestants capturaient des agents de police. Tu peux témoigner de ça ?
On a vu une vingtaine de policiers se faire arrêter et conduire dans une des tentes - près de la Mairie, là où dorment les manifestants. Ils m'ont tous paru très jeunes, la petite vingtaine, certains étaient blessés. Ils étaient entourés de manifestants qui leur crachaient dessus, et d'autres manifestants tentaient de s'interposer. Et des prêtres ont essayé d'apaiser la situation.

Un prêtre bénit un manifestant

Tu penses qu'il va se passer quoi, maintenant ? On dirait qu'une limite a été franchie. Certains parlent même de guerre civile.
Je pense que c'est dangereux de parler de guerre civile, mais la situation est effrayante. Les gens se font tuer dans la rue. C'est sombre, très sombre. On pensait que la limite avait été franchie en janvier, quand 4 manifestants avaient été tués. Mais les choses se sont calmées, la loi contre les manifestations a été abrogée, le Premier ministre a démissionné et une loi d'amnistie a été promulguée, ce qui est une bonne chose. Tout ça, ça a été jeté par la fenêtre. Beaucoup réclament des élections anticipées, mais le gouvernement, pour l'instant, n'y semble pas décidé. Je pense que la police devrait se retirer, car les manifestants n'ont pas envie de partir - ça me semble être une certitude. La seule façon de faire partir ces gens, c'est par la force.

Des cadavres alignés dans une rue de Kiev

Suivez Henry sur Twitter : @Henry_Langston