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Diplomatie

La crise des portiques à Jérusalem risque d'être lourde de conséquences

Malgré l'annonce surprise du retrait des portiques récemment installés devant la mosquée Al-Aqsa, les manifestations risquent de continuer.

Malgré l'annonce surprise du retrait immédiat des portiques récemment installés devant la mosquée Al-Aqsa, les manifestations ont continué ce lundi soir. La décision de Benyamin Nétanyahou a consterné les partisans du Premier ministre et rassuré ceux qui craignaient que les portiques ne déclenchent un conflit régional.

Ce soudain renversement intervient après un week-end marquée par des homicides et des violences. Quatre Palestiniens et trois Israéliens sont morts. Cette crise commençait à s'étendre au-delà des frontières d'Israël et à toucher la Jordanie, un des alliés arabes d'Israël.

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Mais les analystes de la sécurité et experts des politiques régionales doutent que les dernières propositions du Premier ministre en matière de sécurité suffisent à réduire les violences et manifestations générées par le rôle joué par Israël sur le site le plus sacré de Jérusalem. Ces propositions incluent notamment le déploiement musclé de forces israéliennes dans la vieille ville de Jérusalem et des caméras de surveillance ultra-sophistiquées.

Une lutte de pouvoir

« Il y a un problème sécuritaire, car les Palestiniens ne sont pas prêts à accepter qu'Israël contrôle davantage l'accès à la zone, » dit Yaakov Amidror, un ancien conseiller à la sécurité nationale de Nétanyahou et l'ancien chef du Conseil national de sécurité israélien.

La décision de Nétanyahou n'a pas convaincu Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne. En effet, celui-ci a annoncé qu'il continuerait à bloquer tout contact avec Israël, bien qu'il y ait peu de chances que cette gel des relations concerne la coordination sécuritaire entre l'armée israélienne et les forces de sécurité palestinienne.

Amidror dit que malgré l'instabilité générée par la modification des mesures de sécurité à la mosquée d'Al-Aqsa, Israël devait agir après que des militants palestiniens aient fait rentrer des armes dans la mosquée et tué deux policiers israéliens le 14 juillet.

L'attaque a provoqué l'installation des détecteurs de métaux, qui ont généré une vague importante de manifestations du côté palestinien à Jérusalem. Israël a répondu à ces manifestations à coups de tirs meurtriers.

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Les violences de la semaine dernière rappellent la crise de l'été 2014, quand les troubles en Cisjordanie et à Jérusalem ont rapidement dégénéré en une guerre sanglante qui a tué plus de 2 100 Palestiniens et 73 Israéliens.

« Le statu quo a été renversé par l'autre camp, pas par nous. Un membre de l'autre camp a tué des gens sur le site le plus sacré pour les Juifs. Nous devons empêcher que ce genre de chose se reproduise dans le futur, » dit Amidror.

Les Palestiniens voient les choses très différemment. Pour eux, les détecteurs de métaux signalent l'augmentation du contrôle déjà exercé par Israël sur un site toujours géré par les musulmans. Ce site est aussi un symbole des aspirations palestiniennes : l'établissement d'un État palestinien avec Jérusalem pour capitale.

Les leaders musulmans ont maintenu le boycott de la mosquée Al-Aqsa, déclenché par l'installation des détecteurs de métaux. Les Palestiniens continuent donc à prier dans les rues de Jérusalem. Et le Waqf, un groupe islamique jordanien qui gère le site sacré, a annoncé ce mardi son rejet des mesures proposées.

« Ils ne vont pas rentrer chez eux »

« Les leaders religieux disent qu'ils ne veulent pas de ce genre de systèmes à Al-Aqsa. Ce n'est pas un territoire israélien. S'ils veulent installer des caméras de sécurité, ils peuvent les mettre sur leurs propres terres, » explique Diana Buttu, une analyste politique basée à Ramallah, et ancienne conseillère de Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne. « Ils ne vont pas rentrer chez eux. »

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Les Palestiniens de Jérusalem Est et leurs leaders religieux mènent une action de terrain – ce qui complique les efforts visant à ramener le calme à Jérusalem, dit Ofer Zalzberg, un analyste à l'International Crisis Group, spécialiste de Jérusalem. À la différence des villes de Cisjordanie, où l'Autorité palestinienne règne en se coordonnant avec l'armée israélienne sur l'action sécuritaire, il n'y a aucun pouvoir palestinien travaillant avec Israël sur le sujet.

« La nouveauté est que les leaders locaux de Jérusalem sont au pouvoir, et la situation est volatile, » dit Zalzberg. « Ils pensent avoir une victoire en main – une victoire dans un océan de défaites. Ils cherchent à exploiter leurs victoires politiques, et cela promet une intensification des tensions autour d'Al-Aqsa et du mont du Temple. »

Ce nouveau style de gouvernance risque aussi de causer des problèmes à la Jordanie. Depuis 1967, l'année pendant laquelle Israël a conquis et occupé tout Jérusalem, le Waqf gère le site sacré, et Israël se charge de la sécurité autour du site.

Lundi soir, Israël et la Jordanie semblaient avoir trouvé un accord pour résoudre les problèmes des deux pays : le garde israélien qui a tué deux personnes, après avoir été poignardé par un Jordanien à l'ambassade israélienne à Amman, rentrerait en Israël – après avoir été interrogé par la police jordanienne. Et la Jordanie y gagnerait le retrait des détecteurs de métaux placés devant la mosquée Al-Aqsa.

Mais le refus des leaders palestiniens locaux de suspendre leurs manifestations pose un problème à la monarchie jordanienne.

« Le roi de Jordanie est incapable d'imposer sa volonté aux [Palestiniens], » dit Zalzberg. « Si la décision est acceptable selon eux, ils vont coopérer ; si elle ne l'est pas, [le roi] ne peut pas les forcer à l'accepter. »


Alex Kane est un journaliste spécialiste des relations entre Israël et la Palestine et des libertés civiles.