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Etats-Unis

L'enceinte intelligente d'Amazon se retrouve témoin d'un meurtre

L'Amazon Echo du suspect fonctionnait le soir où le meurtre a été commis chez lui. L'enceinte intelligente aurait pu enregistrer une partie de ce qui s'est passé et résoudre cette affaire.

Tout commence avec l'histoire d'un meurtre commis à Bentonville dans l'Arkansas. Un matin de novembre 2015, James Andrew Bates retrouve Victor Parris Collins mort dans sa baignoire après une nuit où ils ont tous deux bu et regardé un match de football américain avec un groupe d'amis. La police locale soupçonne Bates, âgé de 31 ans, d'avoir étranglé Collins, mort à l'âge de 47 ans.

Un mois après, un juge a accordé à la police de Bentonville un mandat pour avoir accès aux données de Bates stockées dans les serveurs d'Amazon ; pour avoir plus de preuves sur ce qui s'est passé. Car, selon la police, l'Amazon Echo (un haut-parleur « intelligent ») de Bates jouait de la musique ce soir-là et aurait pu enregistrer une partie de ce qui s'est passé. Des documents judiciaires indiquent que l'entreprise de Jeff Bezos a refusé à deux reprises d'aider la justice — malgré le mandat. La police de l'Arkansas a tout de même arrêté Bates en février et son procès est prévu pour 2017.

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À l'image du service Siri d'Apple, l'Amazon Echo réagit à la voix et se « réveille » lorsqu'il entend des mots-clés ou son nom, « Alexa ». Il sert à enclencher d'autres objets connectés ou jouer de la musique, voire à parler à un interlocuteur. Amazon et Google fabriquent tous deux ce genre de haut-parleurs, dotés d'intelligence artificielle. Selon eux, le Google Home et l'Amazon Echo vont aider les gens à mettre de la musique, à trouver des recettes de cuisine, ou encore à changer la température du chauffage.

Mais le meurtre de Collins pose un nouveau défi pour les entreprises de tech et leurs consommateurs. C'est la première fois où ce genre d'appareil se trouve propulsé au beau milieu d'une affaire de meurtre. Cet épisode relance le débat sur la vie privée dans une société où les personnes partagent de plus en plus d'informations sur eux. Et où les entreprises sont de plus en plus intéressées par ces données.

Ces appareils — comme Siri — écoutent de manière permanente. Ils captent des sons jusqu'à ce que les utilisateurs leur demandent des services. Et, comme l'a indiqué mardi le site spécialisé The Information, les enquêteurs de l'Arkansas s'intéressent justement aux capacités d'écoute d'Echo.

L'Amazon Echo et le Google Home numérisent et enregistrent de courts fragments d'audio pour reconnaître des mots-clés ou des mots qui « réveillent » les appareils. Comme « Alexa » ou « OK, Google ». Dans un communiqué, Google explique que « si le mot-clé n'est pas détecté sur ce bout d'enregistrement, le fragment est immédiatement jeté ». Quant à l'entreprise de Jeff Bezos, elle a expliqué dans un communiqué que l'Echo « ne redirige pas les séquences vers le cloud, à moins qu'un mot de "réveil" soit détecté et que l'anneau de lumière bleue [sur l'appareil] s'allume. »

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Les deux entreprises ont également dit que leurs appareils n'enregistrent leurs échanges avec les utilisateurs qu'après le « réveil » de l'appareil — celui-ci enregistre donc uniquement pendant la durée de l'interaction. Toute donnée enregistrée, s'il y en a, n'est donc pas enregistrée sur l'objet lui-même mais plutôt sur les serveurs d'Amazon.

Par ailleurs, utiliser des preuves sonores dans un cas de meurtre est assez délicat. Si l'arrestation de Bates a été basée sur une information quelconque issue de son Echo, pas sûr que cela tienne devant une Cour de Justice, selon Peter Scharf, professeur de criminologie de la Luisiana State University (LSU).

« Est-ce que vous pouvez faire une arrestation à partir d'un son ? Le problème est d'établir un lien avec une personne, » explique Scharf. « Alors que beaucoup de gens pensent que oui, la justice n'a pas encore tranché cette question. Vous avez besoin de quelque chose d'autre, un prédicat, un autre élément, pour que [l'enregistrement d'Echo] devienne pertinent. »

Pour Scharf, un juge pourrait même jeter ces preuves à la poubelle.

Toutefois, il s'inquiète de ce que ce mandat pourrait signifier pour la confidentialité en général. Les autorités américaines, comme l'a remarqué Scharf, ont une « formation insuffisante, surtout dans le domaine de l'éthique numérique ». De plus, les entreprises tech sont réticentes à donner aux autorités un accès aux informations des utilisateurs (comme Apple l'a fait lorsque le FBI lui a demandé de débloquer un iPhone) — et ce depuis toujours. Cela car si elles autorisent la surveillance par un organisme tiers pour un cas spécifique, cela pourrait s'appliquer pour n'importe quel autre utilisateur.

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Albert Gidari, le directeur du secteur de la vie privée au Center for Internet and Society de l'université de Stanford, partage cet avis : il pense que les applications criminelles pour un appareil comme l'Echo sont faibles, étant donné les restrictions technologiques actuelles. Mais les choses deviennent plus inquiétantes lorsqu'on parle d'un monde où les micros sont partout.

« On est tours d'accord que si quelqu'un dit "Alexa, comment je fais pour enlever le sang de ma baignoire?" Alors là, oui, la police aurait un mandat », a dit Gidari. Selon lui, le grand problème est tout autre : les utilisateurs ne savent peut-être pas comment empêcher Amazon, Google et les autres entreprises de collecter plus information qu'ils ne le voudraient.

Certes, Google et Amazon permettent aux utilisateurs de paramétrer et supprimer leurs enregistrements et les deux compagnies disent qu'ils ne cèdent des informations aux autorités que si celles-ci ont un mandat. Mais les consommateurs ont souvent du mal à comprendre et manipuler les paramètres de confidentialité.

« C'est extrêmement compliqué pour les gens de comprendre ce qui est public et ce qui n'est l'est pas. C'est tout aussi compliqué de savoir ce qu'ils doivent ou non partager, »précise Gidari. « Et ce genre d'épisodes [le meurtre de Collins] permettent de se poser ces questions. »

« Mais il ne faudrait pas non plus que cela crée un sentiment de peur à chaque fois qu'une nouvelle technologie apparaît, » prévient Gidari.


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