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La Chine veut reconstruire la route de la soie

La Chine projette de construire une méga-autoroute pour sa route de la soie moderne et a investit la somme gigantesque de 46 milliards de dollars dans les infrastructures pakistanaises.
Photo de Anjum Naveed/AP

Bien avant que la « route de la soie », Silk Road en anglais ne devienne le nom d'un espace d'achat clandestin de drogues sur le Deep Web  la route de la soie était le nom donné au réseau de routes commerciales qui reliaient l'Asie au Moyen-Orient et à l'Europe. La Chine veut investir la somme colossale de 46 milliards d'euros pour construire une nouvelle route de la soie qui traverserait le Pakistan et irait au-delà.

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Avec la création du couloir économique entre la Chine et le Pakistan (le CPEC), un réseau d'autoroutes, de voies et d'infrastructures qui seraient construites à 3 000 kilomètres de la ville portuaire de Gwadar jusqu'à la région du Xinjiang, tout à l'est de la Chine, Pékin veut transformer les routes commerciales internationales et augmenter son influence sur le sud et l'Asie centrale.

L'investissement représente une somme d'argent extraordinaire pour le Pakistan, où les investissements directs étrangers ne s'élevaient qu'à 1,46 milliard d'euros en 2013. Cet argent dépasse de loin le montant de l'aide octroyé par les États-Unis, qui s'élève à 31 milliards de dollars depuis le 11 septembre. Le Pakistan est un allié ténu pour les États-Unis dans leur « guerre contre la terreur » depuis 2001, mais les Pakistanais continuent d'avoir une mauvaise image des États-Unis, ce qui rend un rapprochement économique avec la Chine potentiellement intéressant.

« La Chine apparaît comme un bon copain, tandis que les États-Unis apparaissent comme l'ami seulement des beaux jours, » explique à VICE News Ayesha Jalal, le directeur du centre d'études de l'Asie du Sud et de l'Océan indien à l'université Tufts. « Économiquement, le Pakistan est sur le fil depuis un bout de temps. Les Pakistanais sont heureux de cet investissement chinois. »

Le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif s'est fait l'écho de ce sentiment dans un discours ce lundi lors de la visite du président chinois Xi Jingping. Il a qualifié les relations avec le géant asiatique de « pierre angulaire de la politique étrangère du Pakistan. »

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Contrairement à l'argent américain, qui va surtout dans les poches des militaires pakistanais, l'investissement chinois est destiné à des projets qui pourraient bénéficier à des millions de citoyens pakistanais. 34 milliards de dollars de l'enveloppe chinoise seront consacrés à des projets énergétiques qui visent à doubler l'accès à l'électricité dans un pays où les coupures de courant sont fréquentes. Le reste de l'argent sera consacré à la construction de routes, de voies ferrées et de projets de transport.

Jalal estime qu'il faut prendre le projet avec précaution, puisqu'il dépend de la stabilisation de régions en Chine et au Pakistan. La ville de Gwadar est dans la province du Balouchistan au Pakistan. Cette région est le théâtre d'attaques régulières en provenance de vieilles insurrections séparatistes. Au nord du couloir envisagé pour cette nouvelle route, à la frontière des zones tribales du Pakistan, se trouve le Xinjiang, la province de l'ouest de la Chine où le mouvement séparatiste des Ouïghours est actif.

La Chine, qui investit souvent dans des pays instables ou desrégimes autoritaires semble imperturbable face aux risques sécuritaires qui pourraient miner le projet. Jalal explique que beaucoup au Pakistan espéraient que les investissements financiers pousseraient le gouvernement à s'attaquer aux tensions qui existent depuis longtemps au Balouchistan, et dans d'autres régions dans lesquelles la Chine compte investir.

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Douglas Paal, le vice président du programme Carnegie Endowment pour la paix en Asie a dit à VICE News que cet investissement faisait partie de la stratégie de la Chine de garder de l'influence en Asie. Pendant des années, la Chine, qui tentait de garder sa monnaie à un faible taux, a investi dans des réserves étrangères, généralement en achetant des obligations d'État dans des pays à l'économie stable, comme les États-Unis.

Mais les rendements sur ces obligations sont faibles. Après avoir revu ses objectifs de croissance à la baisse — qui reste élevée, à 7 pour cent — Pékin est inquiet de ses excès de capacité industrielle et de sa force de travail nationale. Investir dans des pays comme le Pakistan lui permet d'apaiser ces deux préoccupations.

« Ils ont toujours cette pression de rendements, » dit Paal. « Avoir de meilleurs rendements les force à prendre des risques plus importants. »

« Une grande partie de cet argent ira aux travailleurs chinois qui seront au Pakistan, » explique Paal, qui estime que ces projets d'infrastructures seront effectués par des ressortissants chinois, dans la tradition du pays. Mais Paal reconnaît que même si les Pakistanais n'en tiraient pas d'emploi, ils bénéficieront au moins de l'électricité.

« La plupart des gens voient ça comme l'opportunité d'améliorer leurs services publics qui sont très rudimentaires, » explique Paal. « Ils ont très peu d'énergie, et ils ont besoin de routes et de commerce. »

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La route Gwardar-Xinjiang permettra à la Chine d'avoir accès à l'océan Indien et aux échanges de pétrole du Moyen-Orient. Ce projet vient s'ajouter à la « route maritime de la soie du XXIe siècle », qui a pour but de connecter la mer du sud de la Chine, le sud du Pacifique et l'Océan Indien. Ce projet global de transformation des routes de commerce est appelé « Une ceinture, une route » par les autorités chinoises.

Orville Schell, le directeur du centre Asia Society, qui travaille sur les relations de la Chine avec les États-Unis explique que ce dernier projet préoccupe Washington. « La Chine a lentement multiplié ses points d'influences autour du monde, » explique Schell à VICE News. « Il y a beaucoup de points sur leur carte à présent. »

Le déplacement de Xi Jinping au Pakistan intervient alors que les autorités chinoises sont à la recherche du soutien de pays occidentaux pour sa Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, un fonds d'investissement de 50 milliards de dollars lancé par Pékin. Malgré les protestations des États-Unis, ses alliés traditionnels, comme le Royaume-Uni, la France, l'Italie et l'Allemagne sont devenus membres de cette banque plus ou moins inspirée de la Banque mondiale dont le siège est à Washington.

Depuis plusieurs années, la Chine demande à avoir plus de voix au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale. Le pays a beau être la tête de la deuxième économie mondiale, la Chine n'a que 5 pour cent des votes à la Banque mondiale, et 4 pour cent au FMI. Les États-Unis détiennent 17 pour cent des votes dans les deux institutions.

Suivez Samuel Oakford sur Twitter: @samueloakford