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VICE News

La Côte d’Azur, un foyer du djihadisme français

Dix pour cent du contingent de Français djihadistes seraient originaires et des Alpes-Maritimes.
Pierre Longeray
Paris, FR

Au lendemain de l'attaque au camion sur la Promenade des Anglais de Nice, aucune revendication n'a encore émergé à l'heure où nous publions cet article. Mais les responsables politiques nationaux et régionaux n'ont pas hésité à pointer la responsabilité du « terrorisme islamique », comme l'a fait le président François Hollande au cours d'une allocution télévisée dans la nuit.

La ville de Nice, et plus largement tout le département des Alpes-Maritimes, est depuis plusieurs années marquée par le phénomène du djihad. Avec 55 départs vers la Syrie et l'Irak recensés, le département fournirait 10 pour cent du contingent de Français djihadistes, d'après les chiffres de la préfecture. Selon le spécialiste des mouvements djihadistes et journaliste à RFI, David Thomson, ils pourraient être en réalité une centainede Niçois à être partis faire le djihad.

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Le département du sud de la France serait donc le principal fournisseur de djihadistes, avec la Seine-Saint-Denis.

En plus de ces départs avérés, le département compte aussi 427 signalements de radicalisation, ce qui place les Alpes-Maritimes dans les trois départements français les plus touchés par le phénomène. Cela a encouragé les autorités régionales à mettre en place de nombreuses initiatives de déradicalisation.

Quand on évoque le phénomène djihadiste à Nice, un nom revient sans cesse, celui d'Omar Diaby, dit « Omar Omsen ». Ce Niçois d'origine sénégalaise de 41 ans serait à l'origine de dizaines de départs vers la Syrie au cours des dernières années. Habitant un quartier populaire de Nice — Bon-Voyage — Omsen est tombé dans la délinquance à l'adolescence, avant de multiplier les passages en prison.

C'est seulement en 2012, qu'Omsen se fait connaître de la sphère djihadiste grâce à ses vidéos de propagande diffusées sur YouTube sous le nom de « 19HH » — 19 comme le nombre de terroristes impliqués dans les attentats du 11 septembre 2001 et « HH » comme une représentation imagée des tours jumelles.

Omsen serait actuellement en Syrie, où il dirige une katiba du Front Al Nosra (la filiale d'Al Qaïda en Syrie) composée de nombreux jeunes originaires de Nice. En août 2015, Omsen avait fait croire à sa propre mort pour aller se faire soigner dans un pays voisin de la Syrie, mais il est réapparu en juin dernier dans un reportage de France 2 — bien vivant et aux côtés de ses hommes stationnés en Syrie.

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Une autre ville de la Côte d'Azur a aussi été marquée par la menace djihadiste : Cannes, située à quelques dizaines de kilomètres à l'ouest de Nice, le long du littoral. Entre septembre 2012 et février 2014, les services français y ont démantelé ce que l'on a appelé la filière de « Cannes-Torcy ».

Cette cellule reposait sur une vingtaine d'individus basés donc à Torcy (en Seine-et-Marne) et sur la Côte d'Azur. Ils vont être successivement interpellés entre 2012 et 2014 et sont responsables de 4 projets d'attentat. Le dernier devait frapper le carnaval de Nice en février 2014. Mais in extremis, trois jours avant le carnaval, les services français avaient finalement interpellé un homme de retour de Syrie qui comptait se faire exploser sur le parcours du traditionnel défilé costumé niçois.

En octobre 2014, une nouvelle avait à nouveau placé la Côte d'Azur au centre du phénomène djihadiste. 11 membres d'une même famille originaire de Nice, dont des enfants en bas âge, étaient partis simultanément vers la Syrie. Ivano Sovieri, dont la fille et les deux petits-enfants font partie de ce départ, expliquait l'année dernière à Nice Matin que sa fille avait seulement laissé un mot à sa meilleure amie : « Je ne devais pas partir, mais devant Allah, je n'ai pas pu reculer ».

Après la période des départs, c'est celle des retours qui a commencé à inquiéter la ville de Nice. En janvier 2015, France Info révélait le témoignage d'un jeune Niçois de 19 ans qui a combattu en Syrie entre décembre 2013 et juin 2014 avant de revenir à Nice pour se rendre. Son avocat expliquait que le jeune homme avait retrouvé en Syrie 19 jeunes âgés entre 14 et 19 ans qui vivaient dans la même barre d'immeuble que lui à Nice.

Au vu de l'importance du phénomène, Nice est devenue une ville pionnière en matière de déradicalisation en mettant en place diverses initiatives, où des professeurs, des psychologues et des juges collaborent pour essayer d'endiguer les départs. D'après la préfecture, le département n'aurait plus connu de cas de départ en Syrie depuis un an.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray