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FRANCE

La fessée n’a « aucune valeur éducative » pour le gouvernement français

Dans un « Livret des Parents » qui sera bientôt distribué par le ministère des Familles, il est expliqué que le recours aux châtiments corporels n’apprend rien à l’enfant.
Image via Ministère de la Famille

La ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol, a présenté ce lundi le « Livret des Parents », un document de 15 pages qui sera bientôt envoyé aux futurs parents qui attendent leur premier enfant. Parmi les cinq chapitres que compte ce livret, une attention particulière a été apportée à « l'éducation non-violente » en déconseillant par exemple la fessée — une pratique qui reste légale en France malgré des critiques de plus en plus vives.

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Disponible dès le 11 avril prochain, ce Livret des Parents viendra remplacer le Livret de paternité, un document lancé fin 2001 qui était distribué jusque-là aux futurs pères afin de les sensibiliser à leur rôle éducatif, tout en leur rappelant leurs droits et leurs devoirs. Le Livret des Parents compte cinq chapitres qui traitent de la préparation à la naissance, des responsabilités parentales, des droits et congés mais aussi des punitions corporelles.

« Frapper un enfant (fessées, gifles, tapes, gestes brutaux) n'a aucune vertu éducative », peut-on lire dans ce chapitre, qui précise que « les punitions corporelles […] génèrent un stress et peuvent avoir des conséquences sur le développement [de l'enfant] ». Plus loin, le livret mentionne le cas des enfants en bas âge, particulièrement vulnérables. « Votre bébé ne crie pas pour vous énerver. Se fâcher après un bébé qui pleure ne sert à rien et peut l'angoisser. »

Chaque année, près de 200 enfants sont victimes du syndrome dit « du bébé secoué », qui se traduit par des lésions et des oedèmes au cerveau. Comme le rappelle le ministère de la Santé, la justice française considère le secouement d'un bébé comme un acte de violence volontaire, passible d'une peine de prison allant de 3 ans à 30 ans de réclusion.

Interdit de frapper un adulte, mais pas un enfant

Ces dernières années, de nombreuses voix se sont élevées en France contre les châtiments corporels. Dans un communiqué publié le 4 février dernier, l'Observatoire de la violence éducative ordinaire (OVEO) a réitéré sa demande de législation « interdisant explicitement les châtiments corporels » et autres traitements humiliants à l'encontre des enfants. « En France, on n'a pas le droit de frapper une personne adulte, pas le droit de frapper un animal de compagnie, mais on a le droit de frapper un enfant », pouvait-on lire en préambule de ce communiqué.

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« Ce livret n'est pas la loi que nous espérions, mais c'est un premier pas », estime Olivier Maurel, président de l'OVEO, joint par VICE News ce mardi après-midi. « C'est la première fois qu'il est fait mention des punitions physiques dans un texte de ce type », salue-t-il, tout en précisant que ces pratiques sont illégales dans près d'une cinquantaine de pays à travers le monde. Selon Olivier Maurel, les mesures d'accompagnement doivent s'appuyer sur une législation ferme.

« Nous avons observé une diminution très importante du nombre de personnes considérant les punitions physiques comme normales, avec un taux qui est passé de 70 pour cent à 10 pour cent en l'espace d'une quinzaine d'années en Suède par exemple », nous explique-t-il.

En France, des condamnations relatives à ces pratiques ont déjà été prononcées. En 2013, un père de famille de la région de Limoges (centre de la France) avait par exemple été condamné à 500 euros d'amende pour avoir administré une fessée « cul nul » à son fils de 9 ans. Un geste jugé « violent » par le tribunal, et « doublé d'un acte humiliant » étant donné le caractère dénudé de l'enfant. Le père avait alors déclaré subir « la mode actuelle qui veut qu'on ne corrige pas ses enfants ».

Le Code pénal français prévoit tout un ensemble de peines concernant les mauvais traitements sur mineurs, qui concernent les violences physiques mais aussi les humiliations et les propos vexatoires, avec des sanctions pouvant atteindre 20 ans de prison. Les châtiments corporels ne sont toutefois pas mentionnés explicitement dans ce texte, ce qui constitue une zone grise dans la législation.

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L'Europe veut une position plus claire

En mars 2015, le Conseil de l'Europe avait notamment condamné la France pour ne pas avoir voté d'interdiction claire des punitions corporelles. « Nous n'avons pas besoin de loi », avait alors réagi Laurence Rossignol, qui était à cette époque Secrétaire d'État à la Famille. Plutôt que d'établir un nouveau régime pénal pour les parents administrant des fessées, Laurence Rossignol avait déclaré vouloir insister sur des campagnes d'éducation.

« Une des raisons pour lesquelles les Français ont du mal à juger des punitions corporelles c'est qu'ils disent 'j'en ai eu et j'ai survécu' » avait-elle expliqué. Un constat partagé par l'OVEO, qui ajoute que le fait d'avoir subi des châtiments corporels incite les parents à transmettre « le seul schéma éducatif qu'ils connaissent, de génération en génération ».

À moins qu'un projet de loi soit proposé par les parlementaires, le gouvernement français s'éloigne donc de la piste législative pour privilégier l'accompagnement des futurs parents. Parmi ces mesures, les autorités veilleront à promouvoir l'« entretien prénatal précoce » a annoncé Laurence Rossignol ce lundi. Cette entrevue — qui est garantie par la loi et intégralement remboursée — donne la possibilité aux futurs parents d'exprimer leur ressenti au sujet de la grossesse, et d'être sensibilisés aux bonnes pratiques d'éducation.

Afin de financer ces entretiens ainsi que les autres programmes d'écoute, la ministre a indiqué que des crédits supplémentaires allaient être débloqués pour atteindre 100 millions d'euros par an en 2017 — soit le double de ce qui était dépensé il y a encore quatre ans.


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