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La flotte anti-passeurs de l’Europe part à l’abordage des trafiquants de Méditerranée

Après une première phase d’observation, l’opération Sophia entre dans une seconde étape qui autorise l’abordage et l’arrestation des passeurs qui mènent les migrants vers l’Europe.
Image d’illustration. Les forces de l’EuNavFor en opération dans le cadre de la mission Atalante au large de la Somalie. Image via EuNavFor.

VICE News regroupe ses articles sur la crise migratoire mondiale sur son blog «Migrants »

Après une première phase d'observation, l'opération de lutte contre les passeurs, rebaptisée « Sophia » et menée conjointement par 22 pays de l'Union européenne, entre dans une phase active ce mercredi en mer Méditerranée. Les forces européennes importantes déployées depuis la fin juin ont dorénavant la possibilité d'aborder, de contrôler, fouiller et saisir les bateaux suspectés d'organiser le passage des migrants au large des côtes libyennes. Les forces en présence ont désormais pour mission d'arrêter les passeurs présumés.

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« Après avoir atteint tous les objectifs de la première phase concernant le rassemblement d'informations, l'entrainement et le déploiement [des forces], le commandant de l'opération, l'amiral Enrico Credendino, a déclaré les forces prêtes pour l'étape suivante, » informe le communiqué publié ce mercredi par cette mission dont le nom complet est EuNavFor Med — Opération Sophia. EuNavFor Med signifie Force navale de l'Union européenne en Méditerranée.

Fin septembre, la mission des forces navale européennes a été rebaptisée « opération Sophia », d'après le nom d'un bébé né le 22 août dernier sur l'un des bateaux mobilisés pendant la phase de reconnaissance, après que sa mère a été sauvée au large des côtes libyennes. Lors de la phase d'observation, les bateaux ont également contribué à sauver 3 000 migrants, indique le communiqué d'EuNavFor Med.

L'annonce du lancement de cette deuxième phase avait été faite le 24 septembre dernier par la chef de la diplomatie européenne Frederica Mogherini, à l'issue d'une visite du quartier général de l'opération, situé à Rome.

Oct 7 starts phase2 of EU operation against traffickers. Visit to HQ in Rome, already 15 stopped, 2.146 lives saved — Federica Mogherini (@FedericaMog)24 Septembre 2015

Six bateaux sont d'ores et déjà mobilisés : le navire amiral italien Cavour, deux bâtiments de guerre allemands, ainsi qu'un britannique, un espagnol et un français. Trois autres navires sont attendus. Ils devraient être mis à disposition par les marines slovène, britannique et belge, selon un média français. La mission dispose également de sept engins aériens, parmi lesquels des avions et des hélicoptères. En tout, environ 1 300 hommes sont engagés dans cette mission, nous a indiqué un porte-parole de la mission ce mercredi matin.

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« La participation française se fera à hauteur d'une frégate (type La Fayette), » nous a confirmé ce mercredi matin l'État-major des Armées français. La France avait également participé aux vols de renseignements de la première phase, en juillet et en août.

Here to patrol international waters off the coast of — EUNAVFOR MED OHQ (@EUNAVFORMED_OHQ)25 Septembre 2015

Un P3 espagnol s'apprête à décoller pour sa première mission de reconnaissance, le 25 septembre dernier.

Traque des bateaux "d'escorte"

À partir d'aujourd'hui, les bateaux suspectés d'être utilisés par des passeurs pourront être arraisonnés (contrôlés et fouillés) et saisis par les forces de la mission européenne, s'ils se trouvent dans les eaux internationales, au large de la Libye, point de départ de nombreux candidats à cette traversée dangereuse et désespérée de la Méditerranée en direction de l'Europe.

L'objectif de cette opération lancée le 22 juin dernier est de « déstabiliser le modèle économique des passeurs et des réseaux de trafic en mer Méditerranée ».

« En moyenne, le [prix du] passage pour partir en Méditerranée est d'environ 1 500 euros par migrant, » a déclaré l'amiral français Hervé Bléjean, le commandant en chef adjoint de l'opération, à la radio RFI.

Les passeurs, bien souvent, tractent les embarcations de fortune dans lesquelles sont entassés les migrants jusqu'en pleine mer avec des bateaux à moteur plus puissants, avant d'appeler les secours ou d'abandonner leurs passagers.

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Plus de 560 000 migrants sont arrivés en Europe par la mer Méditerranée depuis janvier 2015, et près de 3 000 migrants ayant tenté la traversée sont morts ou portés disparus, a communiqué ce mardi l'Organisation internationale pour la migration (OIM).

À lire : l'Europe lance sa flotte anti-passeurs

Selon plusieurs médias, la force navale européenne aurait réussi à identifier vingt bateaux "d'escorte" utilisés par les passeurs ces dernières semaines — dont 17 au départ des côtes libyennes, et trois au départ de l'Égypte.

Les passeurs présumés, une fois interpellés, pourront être poursuivis par la justice du pays correspondant à la nationalité du bateau les ayant arrêtés, ou bien par l'Italie, qui s'est engagée à poursuivre toute personne remise par un navire de cette mission, comme l'a déclaré le commandant en chef adjoint de l'opération Hervé Bléjean.

Selon le communiqué d'EuNavFor Med de ce mercredi, 16 passeurs présumés ont d'ores et déjà été arrêtés et remis aux autorités italiennes dans le cadre de cette mission — le communiqué ne précise pas dans quelles circonstances.

Une phase 3 à venir

Les navires patrouilleront dans une dizaine de zones au large de la Libye, indique l'AFP. Quatre de ces zones se trouvent au plus près de l'entrée des eaux libyennes — soit à 12 miles de la côte (environ 20 kilomètres).

Les contrôles ne pouvant être effectués que dans les eaux internationales, les passeurs continueront-ils à s'y aventurer après l'annonce d'aujourd'hui ? Si l'objectif d'une phase trois du dispositif européen pourrait prendre la forme d'une intervention sur un territoire national, avant le départ des bateaux, comme en Libye, cette phase nécessiterait auparavant l'aval des autorités libyennes et du Conseil de sécurité de l'ONU pour pouvoir être mise en place. Or, la Libye est toujours, à l'heure actuelle, sans gouvernement d'unité nationale ce qui complique les avancées diplomatiques.

Les coûts de cette opération sont partagés entre les États, qui financent la mise à disposition de leur matériel et des équipages. L'opération dispose également d'un budget commun de 11,8 millions d'euros sur une période de douze mois.

D'autres forces de l'EuroNavFor luttent depuis 2008 contre la piraterie au large des côtes somaliennes dans le cadre de l'opération Atalante.

Suivez Lucie Aubourg sur Twitter : @LucieAbrg

Image d'illustration. Les forces de l'EuNavFor en opération dans le cadre de la mission Atalante au large de la Somalie. Image via EuNavFor.