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FRANCE

La France remboursera la Russie si la vente des Mistral ne se fait pas

Ce mercredi, François Hollande a dit que si la livraison des bateaux n’avait pas lieu, la France rembourserait la Russie. Déclaration faite l’avant-veille d’une rencontre entre le président français et Vladimir Poutine.
Image via Wikimedia Commons / Simon Ghesquiere / Marine Nationale

Lors de la rencontre à l'Élysée entre le président ukrainien Petro Prorchenko et le président français François Hollande, la presse ukrainienne a voulu savoir si la France comptait livrer deux navires de guerre Mistral à la Russie. « La livraison des Mistral n'est pas, dans le contexte que nous connaissons, possible, » a répondu François Hollande alors que le feuilleton de cette vente ne semble pas près de s'achever. Le président Hollande doit rencontrer son homologue russe Vladimir Poutine ce vendredi 24 avril à Erevan, capitale arménienne pour un tout autre sujet, celui de la commémoration du génocide arménien.

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« Sur le Mistral, nous évoquerons toutes les hypothèses, » a annoncé M. Hollande. « Si les bateaux ne sont pas livrés, je ne vois pas comment ils peuvent être payés, c'est un principe assez simple (…) Selon les différentes hypothèses, vous aurez paiement ou remboursement. »

Le contrat d'armement signé entre la Russie et la France prévoyait la livraison du premier navire de guerre de type Mistral, le Vladivostok, en novembre 2014 — elle a été repoussée « jusqu'à nouvel ordre » — et celle du Sebastopol en octobre 2015.

Ces deux bâtiments sont de grands porte-hélicoptères. Le contrat prévoyant leur vente à la Russie a été négocié en 2008 puis signé en 2011. Dans ce contrat figurent la construction et la livraison des deux navires, une formation des équipages russes et un transfert de technologies pour un montant de 1,2 milliard d'euros. La guerre en Ukraine et l'annexion de la Crimée par la Russie ont eu pour conséquence le blocage, par la France, de la livraison des deux bateaux, construits aux chantiers navals STX de Saint-Nazaire. En décembre 2014, les marins russes en formation à Saint-Nazaire était repartis sans leurs bateaux.

La France rembourserait donc la Russie à hauteur d'un milliard d'euros en cas de non-livraison des navires. La semaine dernière, Vladimir Poutine a personnellement demandé ce remboursement, sans autre compensation financière, dans cette éventualité d'un abandon de la livraison.

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 À lire : Mistral : livrera, livrera pas ?

Côté français, la livraison dépend du respect des accords de Minsk, signés en février dernier, pour mettre fin aux combats en Ukraine. Ces accords incluent un cessez-le-feu en Ukraine, qui doit être observé par toutes les parties, mais aussi un dialogue politique. Ce sont ces deux critères que François Hollande avait invoqués quand il avait repoussé, en novembre 2014, la première livraison de Mistral, alors que de nombreux alliés de la France s'opposaient à cette livraison. La Russie cherche, avec ces deux Mistral, à renforcer sa marine. Un amiral russe, Vladimir Vissotski, avait déclaré en 2009 qu'avec ces navires, la Russie « aurait pu mener sa guerre en Géorgie en quarante minutes au lieu de vingt-six heures ».

Jean-Pierre Maulny est directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste des questions de défense. Contacté par VICE News ce mercredi, il estime qu'une livraison est toujours envisageable si des progrès sont faits dans le respect des accords de Minsk. « Les sanctions européennes contre la Russie sont censées tomber en juillet 2015, » explique-t-il. « Si une livraison a lieu, ce serait probablement entre cette date et la fin de l'année, reste à savoir si la France et la Russie peuvent attendre aussi longtemps. »

Alain Coldefy, ancien amiral de la marine française et directeur de recherche à l'IRIS, se dit lui « pessimiste », sur la capacité de la France a livrer les Mistral. « Le ministère des Affaires étrangères français a été trop précis sur les conditions qui permettraient la livraison des Mistral. Il y a peu de chances qu'elles soient respectées. » Les dernières déclarations de François Hollande équivalent à un « statu-quo » dans le dossier, selon M. Coldefy.

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Qui paierait le remboursement du milliard d'euros déjà avancé par la Russie pour les Mistral ? Alain Coldefy estime que « l'État, donc nos impôts, finiraient par payer ». Le journal La Tribune, en mars 2014, expliquait que deux entreprises sont particulièrement exposées sur ce contrat : le constructeur DCNS - détenu aux deux tiers par l'État — à hauteur de 430 millions d'euros, et les chantiers navals STX à hauteur de 660 millions d'euros. Une partie de ces sommes pourrait être couverte par la Coface, une assurance qui couvre les risques à l'exportation, écrit le journal Le Monde. Pour le reste, « l'État va devoir payer », estime Jean-Pierre Maulny.

La note s'élève à un milliard d'euros, d'après les spécialistes que nous avons contactés, c'est à peu près le montant qui devrait être remboursé en cas de non-livraison des Mistral, au cas où le processus de paix en Ukraine n'est pas suivi.

Le ministère du Budget voudrait que ce soit le ministère de la Défense française qui prenne en charge la note, estime Jean-Pierre Maulny. Cela arrive à un mauvais moment. Ce jeudi, France Info expliquait que le ministère de la Défense risque une cessation de paiement « dès cet été », en raison d'une partie de son budget non financée, à hauteur de 8 milliards d'euros, si l'on compte la « contribution pour assurer la sécurité sur le territoire national » à la suite des attentats de janvier. En effet la multiplication des théâtres d'opération à l'étranger pour l'armée Française, et le dispositif post-attentat de protection et surveillance sur le territoire national, semblent avoir plombé le budget de l'armée. Pour M. Maulny, l'arbitrage qui devrait être choisi par le gouvernement et la présidence française, dans ce contexte très particulier devrait épargner le budget de la Défense, l'argent et les économies devront venir d'ailleurs.

Si les deux Mistral ne vont pas à la Russie, la France, qui multiplie les ventes et les promesses de ventes à l'international ces dernières semaines (avions Rafale, hélicoptères) pourrait quand même essayer de les vendre à d'autres pays et ainsi éviter des pertes financières sèches. Pour Alain Coldefy, « de nombreux pays de taille moyenne pourraient être intéressés. Des pays comme les Pays-Bas, le Portugal, le Brésil, par exemple. Il n'y a rien qui s'oppose à ce que les bateaux soient revendus. »

Suivez Matthieu Jublin sur Twitter : @MatthieuJublin

Image via Wikimedia Commons / Simon Ghesquiere / Marine Nationale