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Crime

La guerre du futur : mais bon sang, qu’est-ce que le Seabasing ?

Deux événements militaires ont eu lieu à Hawaii la semaine dernière, ils explorent une guerre du futur dont on vous donne les grandes lignes.
Photo par Shannon E. Renfroe/US Navy

La semaine dernière, Hawaï a été le théâtre de deux événements militaires majeurs. Le premier, un exercice militaire nommé Culebra Koa 15 (CK 15), organisé par la flotte américaine du Pacifique, a été l'occasion pour la marine américaine de s'entraîner dans l'art du « Seabasing », grosso modo traduisible par « campement en mer ». Au même moment, le Corps des Marines du Pacifique (US Marine Corps Forces Pacific — MARFORPAC) accueillait le colloque inaugural des chefs des opérations militaires amphibies du Commandement US du Pacifique (Pacific Command Amphibious Leaders Symposium — PALS).

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Pour certains, le fait que ces deux événements aient lieu en même temps et au même endroit soulève l'éternelle question : « Et alors ? » Eh bien, il s'avère que cette coïncidence va nous permettre de voir à quoi ressemblera la guerre du futur, et comment les hommes vont se battre au cours des prochaines décennies. CK 15 et PALS vont être l'occasion pour les dirigeants militaires de tester les avancées militaires et les nouvelles techniques de déploiement des forces armées en cas de crise.

Cela se résume à une simple question d'étalage de force; c'est-à-dire, la capacité à infliger sa puissance militaire par des actions décisives, sur n'importe qui, n'importe où dans le monde. D'habitude, quand on pense à l'étalage de force, on pense d'abord à l'artillerie lourde, les grosses machines bien sexy comme les porte-avions, les bombardiers à long rayon d'action, et les navires d'assaut amphibies.

Mais ce qui est tout aussi important que le matos tape-à-l'oeil, sinon plus, c'est la logistique. Les campagnes militaires dépendent de la capacité des armées à équiper, nourrir et armer leurs soldats. C'est la même chose depuis la nuit des temps, depuis que les homo sapiens parcouraient la Terre à la recherche de gros gourdins pour tabasser leurs ennemis et chasser leur repas lorsqu'ils n'étaient pas occupés à tabasser leurs ennemis. Une logistique efficace ne garantit en aucun cas la victoire, mais une logistique merdique et la défaite est certaine.

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Dans le jeu vidéo Portal, le joueur doit téléporter son personnage à l'aide d'un « générateur à portails », une arme capable de créer un portail spatial entre deux surfaces planes. Tout objet traversant un portail ressortira par l'autre en conservant sa vitesse, quelle que soit la distance entre les deux portails. (Si vous avez le cerveau en surchauffe, la vidéo ci-dessous peut peut-être vous aider à comprendre).

Dans la vraie vie, un "générateur à portails" serait l'une des technologies militaires les plus déstabilisantes qui soit, à cause de son impact sur la logistique. Plus déstabilisante que l'invention de la poudre à canon ou de la bombe atomique.

Il n'y aurait plus aucune raison d'avoir une base militaire à l'étranger, puisque la distance n'aurait aucune importance. Imaginez un instant que les États-Unis puissent envoyer des blindés et de l'artillerie depuis le Texas directement sur un champ de bataille en Irak. Ou bien que l'État islamique téléporte des types armés jusqu'aux dents sur les pelouses de la Maison Blanche. Ce serait un monde où la logistique et l'étalage de force seraient un jeu d'enfant.

Tenter de développer cette technologie serait bien sûr une bataille perdue d'avance contre la thermodynamique, mais ce qui est certain, c'est que les changements majeurs au niveau de la logistique peuvent avoir des conséquences militaires puissantes.

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Le Seabasing, qui est l'objectif de CK15, n'est pas aussi révolutionnaire que les flingues de Portal. Mais ce pourrait être une nouveauté apportant des changements profonds qui bouleverseraient la manière dont le monde militaire conçoit les affaires logistiques. Et voilà pourquoi on vous bassine avec le seabasing depuis le début de cet article.

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Qu'est ce que c'est que le Seabasing ? Pour expliquer les choses de manière simple…en fait le seabasing n'est pas une simple affaire. Ses origines sur le plan militaire sont un boxon tel qu'il est difficile de dégager une définition fondamentale. Comme le dit un ancien capitaine de la marine et expert en stratégie navale dans le magazine Naval War College Review, « Le terme peut être écrit seabasing, sea basing, Sea basing, Seabasing, Enhanced Networked Sea Basing, seabased, sea base, entre autres. Chaque version met l'accent sur une nuance spécifique qui la distingue des autres. »

Ces 50 Shades of Seabasing montrent que l'idée même du seabasing est changeante, et en train d'être définie. Mais en voilà l'idée générale : lorsque vous envoyez une armée et/ou le matériel qui va avec, depuis un bateau vers la terre ferme, vous avez le plus souvent besoin de gros machins, de lourdes infrastructures comme des ports ou des quais. Par exemple, prenez un LMSR, un bâtiment qui peut transporter 58 tanks, 48 autres véhicules à chenille, plus de 900 camions et autres véhicules sur roues. Décharger ou charger un LMSR, c'est quelque chose qui ne peut se passer que sur un quai. Alors, oui, on a développé des systèmes malins qui permettent de créer des quais et chaussées provisoires. Ça permet de se passer des grosses infrastructures, mais monter ce genre de choses, ça prend du temps.

Ce que propose le seabasing, c'est de se passer de tout ça.

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La clef de voûte du seabasing, c'est la Plateforme-Débarcadère Mobile (MLP). Un MLP peut venir se caler tranquillement à coté d'un gros bateau comme un LMSR chargé à bloc de véhicules militaires. Les tanks et les camions peuvent alors être conduits sur le MLP qui sert ainsi d'interface de connexion avec des vaisseaux encore plus petits qui débarquent les véhicules sur le rivage, sans avoir besoin d'un quai.

La mer est un terrain génial qui autorise les déplacements stratégiques les plus fous. Mais cette possibilité de se servir de la mer pour transporter de grosses armées à l'autre bout du monde ne veut pas dire qu'on pourra les débarquer sur la terre ferme avec autant de facilité. Le seabasing pourrait changer la donne, et voilà tout l'enjeu du CK 15.

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Par un hasard du calendrier, les Marines organisent au même moment, le PALS, dont l'acronyme peut se lire « pals » ou « copains » en anglais. Ça n'a rien d'une soirée entre potes. Ce symposium réuni tous les chefs des forces amphibies de 23 pays de la région Asie-Pacifique. Cela va de l'Australie jusqu'au Chili, avec des invités comme la France ou le Royaume-Uni. Tout le monde se retrouve pour relever le défi de travailler ensemble sur des opérations d'aides aux victimes de catastrophes, des réponses à apporter aux situations de crises et autres imprévus.

Pendant plus d'une décennie, les USA ont rempli leurs missions militaires en faisant appel à des militaires en poste et des réservistes. Mais même en associant toutes ces ressources humaines, l'armée la mieux financée de la planète n'a pas toutes les ressources nécessaires pour faire face à tous les défis posés par un monde qui part un peu en vrille. Après tout, les caisses d'une armée ont beau être bien remplies, elles ne sont pas sans fond. La conséquence c'est qu'il y aura toujours des domaines militaires dans lesquels l'armée américaine ne pourra pas être la meilleure. D'où l'importance de se tourner vers d'autres pays. Par exemple, si vous avez besoin d'unités rompues à la guerre dans un milieu de jungle, ça ne fait pas de mal de se tourner vers des unités venues de pays qui ont des jungles dans lesquelles plein de soldats ont grandi.

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Si un pays se rend utile dans le cadre d'une coalition, cela donne l'occasion à ce pays d'accéder à des outils bonus, sans avoir à se payer tout l'attirail, les chaînes de fabrications, et les formations. Un pays comme la Corée du Nord peut ainsi loucher avec envie sur des porte-avions, des bombardiers B2, ou des systèmes de défense aérienne haute altitude. Il se trouve que ce sont des choses que possèdent les États-Unis. Dans la même idée, si les USA et la Corée du Nord finissent un jour par se mettre dessus, les Américains seraient capables de faire appel à près d'un demi-million de soldats qui parlent parfaitement coréen, point particulièrement utile pour faire face à la Corée du Nord. Dans les deux cas, chaque pays, Corée du Sud ou USA, possède des choses qui sont précieuses aux yeux de l'autre, mais pas au point de vouloir se les payer plein pot. Il y a des chances que la Corée du Sud ne soit pas si chaude que ça à l'idée de dépenser des milliards pour s'offrir des B2, pareil pour les USA pour ce qui est de la formation d'un demi-million de soldats à la langue coréenne.

Alors bien sûr, tout ça ne relève pas de la baguette magique, incorporer des éléments internationaux dans une armée de métier ou de réserve, cela reste compliqué. Tout d'abord parce que chaque corps, répondant à différents gouvernements, observe des règles d'engagement différentes, possède un matériel pas nécessairement compatible avec le vôtre.

Les événements comme PALS sont des éléments indispensables pour démêler ces noeuds, résoudre le casse-tête de la coopération internationale et la rendre viable, en faire une option crédible le moment venu. Les gars qui étaient à PALS, ont sûrement jeté un coup d'oeil à ce qu'il se passait à CK15, tout ce qu'on appelle "seabasing" étant une option plus qu'utile quand on pense à des forces multinationales.

Suivez Ryan Faith sur Twitter: @Operation_Ryan

Photo via US Navy