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Etats-Unis

La police de Baltimore contrainte de se réformer

Mais l'arrivée de la nouvelle administration de Trump pourrait compliquer l'application des réformes.

Le désormais célèbre Département de la police de Baltimore va peut-être bientôt être l'objet de réformes majeures. Ou presque. Après cinq mois de négociations, la plus grande agglomération de l'État du Maryland et le Département de la justice américain (DOJ) viennent de publier un décret exécutoire qui oblige la ville de Baltimore à appliquer des réformes recommandées par un rapport troublant du DOJ publié en août.

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Les enquêteurs ont identifié des traces de racisme à « tous les niveaux » des activités de la police de Baltimore, qui incluent des tactiques extrêmes comme l'utilisation d'hélicoptères pour surveiller des crimes mineurs. Cela seulement dans les quartiers habités par les minorités de la ville.

Mais le DOJ sera également la cible de changements — suite à l'élection de Donald Trump — avec l'arrivée prochaine du sénateur de l'Alabama, Jeff Sessions, au poste de procureur général des États-Unis. Des experts de la police se demandent si ce dernier continuera à poursuivre de tels efforts pour réformer des départements problématiques.

Ces décrets exécutoires sont des accords entre deux parties établies dans une cour de justice. Dans le cas de la police, ces décrets peuvent voir le jour suite à des enquêtes du DOJ sur des discriminations ou qui confirment des soupçons de mauvaises conditions d'emprisonnement, notamment.

Ce genre d'investigations (les « pattern and practice », en anglais) ont permis ces dernières années à mettre en lumière les débordements des forces de l'ordre dans plusieurs départements de police, comme à Ferguson dans l'État du Missouri ou à Cleveland dans l'Ohio. Dans le cas de Baltimore, cette enquête a été déclenchée suite à la mort de Freddie Gray, un Afro-Américain de 25 ans, alors qu'il était en garde à vue. La mort de gray a suscité de violentes émeutes de partout à Baltimore et a révélé le grand fossé qui existe entre la police et les communautés qu'elle était censée protéger.

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Ce genre de problèmes peuvent être réglés, en théorie, par des décrets exécutoires du DOJ, qui exige alors qu'un département de police applique des réformes. Des agents indépendants sont alors chargés de faire respecter ces décrets et notifier le progrès des réformes.

Parmi les nombreuses recommandations, le décret de 227 pages à destination de Baltimore inclut l'instauration d'un groupe de travail, qui s'appuie sur les communautés des la ville, pour assurer que les civils puissent surveiller les activités policières. Les réformes demandées incluent aussi le développement de programmes de sensibilisation pour rétablir la confiance avec les communautés, ainsi que l'enregistrement de données lors des contrôles routiers.

Depuis l'arrivée au pouvoir d'Obama, c'est la douzième fois qu'un département de police s'accorde sur un un décret commun avec la DOJ. À titre de comparaison, l'administration Bush n'en a imposé que trois aux agences policières.

Le futur procureur général, Jeff Sessions, a fait savoir très clairement qu'il n'est pas friand de ces décrets exécutoires, comme nous l'avons indiqué en décembre. Dans son introduction d'un rapport publié en 2008 par l'Alabama Policy Institute, un think tank conservateur, Sessions a décrit ces décrets comme des « exercices d'un pouvoir cru », « dangereux » qui « constitue une volonté de contourner le processus démocratique ».

Il y a également rappelé comment il a dû « traiter immédiatement le cas d'un décret exécutoire » décrété par son prédécesseur Jimmy Evans lorsque Sessions avait accédé au poste de procureur dans l'Alabama, en 1994. Ce décret était le résultat d'une plainte d'un Afro-Américain qui affirmait que le processus politique était établi de façon à nuire aux électeurs noirs. Pour le plaignant, la solution était de rajouter deux postes à la Cour suprême de cet État — deux sièges occupés par des magistrats noirs. Le décret avait été signé par un juge fédéral, mais Sessions n'en était pas ravi.

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« Je pensais que ce décret exécutoire était complètement inconstitutionnel, »a-t-il écrit. «Quand je suis devenu procureur général, je me suis opposé à ce décret et j'ai gagné en appel, car la la Cour d'appel du 11ème Circuit l'a rejeté. »

Lors de son audition de confirmation en tant que procureur général le 10 janvier, la sénatrice démocrate Mazie Hirono lui a demandé s'il maintiendra une telle position sur les décrets qui existent déjà.

« Ces décrets restent valables jusqu'à ce qu'ils fassent l'objet de modifications », a dit Sessions. Il a rajouté que les décrets exécutoires ne sont « pas forcément une mauvaise chose » mais qu' « il y a le danger que de bons agents de police et de bons départements » soient considérés responsables pour l'action de quelques mauvaises pommes.

Les procès contre les départements de police « nuisent au respect envers les agents de police et créent l'impression que le département entier ne fait pas son travail de manière cohérente avec la loi et la justice », a dit Sessions. « Nous devons faire attention avant de faire cela. »

William Yeomans, qui a occupé plusieurs postes à responsabilité au sein de la division des droits civiques du DOJ de 1978 à 2005, nous a dit début décembre ce qu'il pensait de Sessions. Pour lui, le nouveau procureur général de Trump va probablement faire respecter les décrets exécutoires. Mais après avoir écouté Sessions dans ses auditions cette semaine, son scepticisme s'est renforcé.

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« Il me semble plus clair que jamais que le DOJ [de Sessions] ne va probablement pas suivre les décrets d'exécutoires », nous a-t-il dit ce jeudi, en rajoutant que le sénateur de l'Alabama n'a pas vraiment changé de position depuis 2008. « Il a également laissé entendre qu'il serait prêt à prendre la défense des policiers dans des conflits sur la légalité du comportement de la police, »Yeomans a rajouté.

Stephen Rushin, professeur de droit à l'université de l'Alabama, s'attend à ce que Sessions « réduise les applications » de ce genre de décrets en tant que procureur général. Selon lui, ce serait à l'image de la dernière administration républicaine, sous George W. Bush, quand l'importance de ces décrets a été réduite. « J'imagine que le DOJ ne réussira pas à briser les décrets exécutoires qui sont en cours, »a dit Rushin. «Mais je m'attends à ce que Sessions diminue la fréquence des interventions fédérales sur les départements de police locaux. »


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