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La Russie et le Canada se disputent l'Arctique

Le Cercle arctique devient peu à peu le théâtre d'une lutte sans merci pour l'exploitation de ressources naturelles.
Photo via Paul Nicklen/National Geographic stock/WWF Canada

Cet article a été d'abord publié sur le site de VICE.

Le Cercle Arctique a beau être une terre immaculée neuf mois sur douze, avec ses glaciers millénaires et son climat particulièrement hostile, il devient peu à peu le théâtre d'une lutte sans merci pour l'obtention de ressources naturelles. La région contient les plus larges réserves de fer et de nickel de notre planète. Des mines d'or et de diamant sont déjà exploitées, et le pétrole et le gaz ne vont pas tarder à l'être. La façon dont l'écosystème arctique sera modifié par l'exploitation de ces ressources aura une répercussion sur le monde entier.

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L'Arctique est une région immense, qui fait plus de la moitié de l'ensemble de l'Amérique du Nord. De par sa taille, cinq pays se disputent actuellement ce territoire : le Canada, la Russie, les États-Unis, la Norvège et le Danemark. Vu que le Canada et la Russie contrôlent la majorité de la côte arctique (40% du Canada est d'ailleurs situé en Arctique), la lutte pour la domination du grand Nord opposera donc ces deux poids-lourds. Le Canada réclame d'ailleurs la souveraineté sur le pôle Nord. En raison du réchauffement climatique, la calotte glaciaire fond inéluctablement et rend l'Arctique explorable, au grand bonheur de ces pays.

Depuis des décennies, la Russie exploite les ressources de l'Arctique à un rythme plus élevé que ne le fait le Canada. Avec 25 forages actuellement en fonction, le pays est l'un des plus grands pollueurs de l'Arctique. Le Canada a, de son côté, une des législations les plus strictes en matière de pollution, ce qui a ralenti le développement de sa présence en Arctique - mais les politiques de défense de l'environnement ont toujours une faille.

Le président de l'Arctic Fishery Alliance, Lootie Toomasie, déclare d'ailleurs que « l'environnement arctique est très fragile ».

De nombreux risques existent quant aux forages continentaux mais également offshores(particulièrement les forages en eaux profondes), et, parmi eux, la pollution de l'air et de l'eau sont les principaux dangers. Shauna Morgan, scientifique pour l'ONG Pembina, s'inquiète des failles législatives laissant le champ libre à l'exploitation de l'Arctique. Selon elle, « il n'existe aucune norme standard qui concerne les industries du gaz et du pétrole, par rapport aux émissions qu'elles produisent ». Mais les menaces contre l'environnement ont débuté avant même les premiers forages.

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La mer de Beaufort depuis l'île d'Herschel dans le Yukon, Canada. Photo via Monte Hummel/WWF Canada.

Les études sismiques, qui déterminent où se trouve le pétrole, sont extrêmement bruyantes. Le PDG de WWF David Miller déclare à ce sujet : « Le bruit est un réel problème au niveau océanique ». Ces études sismiques sont réalisées au moyen de navires qui tractent des fusils à air compressé, à l'origine d'énormes déflagrations qui traversent l'océan jusqu'au plancher océanique. Quelle est la puissance de ces fusils ? 250 décibels (pour vous donner une idée, le décollage d'une navette spatiale correspond à 180 décibels), qui parcourent l'océan toutes les dix secondes, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, pendant des jours voire des semaines entières. Ce bruit peut être source de surdité pour les animaux marins.

« Ce n'est pas uniquement néfaste pour les pêcheurs locaux, mais aussi pour les chasseurs », déclare Lootie. « L'Arctic Fishery Alliancea transmis ses préoccupations à l'Office national de l'énergie au sujet de ces études sismiques ». Ils n'ont toujours pas eu de réponse.

Selon Toomasi, l'absence d'infrastructure en cas de marée noire est une autre source d'inquiétude. WWF a proposé que les entreprises sur place soient obligées de construire un puits de secours, afin de recueillir les fuites de pétrole et de minimiser les dangers environnementaux.

WWF travaille main dans la main avec les acteurs locaux afin d'étudier les conséquences de ces forages sur l'écosystème arctique. « Si vous ne protégez pas la nature, vous ne pourrez pas avoir une économie stable», a déclaré Miller.

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La nécessité de protéger l'environnement tout en assurant le développement économique est une notion qui diffère suivant les pays. Le gouvernement russe a exploité les ressources de l'Arctique sans vraiment considérer l'impact environnemental et les habitants de la région. Il a surtout continué son expansion avec ses nouveaux projets de forages, et il est déterminé à prendre le contrôle de la région. Le pays possède 16 ports en eaux profondes et 20% de son PIB provient de l'Arctique. Les Russes ont exploité leurs ressources plus rapidement que la plupart des autres pays. « La Russie, grâce au Gulf Stream, n'est pas confrontée au problème des mers de glace que connait le Canada », précise Michael Byers, auteur de Who Owns the Arctic?. Selon lui, « pour le Canada, forer ne serait pas encore viable économiquement, mais d'ici 10 ou 20 ans cela pourrait changer ».

C'est sur ces 10 ou 20 ans que misent les compagnies pétrolières. Byers poursuit : « Il arrive aux compagnie pétrolières d'explorer l'Arctique en quête de nouvelles ressources qui ne sont pas économiquement viables, uniquement pour faire monter le cours de leurs actions, et non pour extraire un quelconque pétrole ». Jusqu'à aujourd'hui, l'isolement de l'Arctique, sa courte saison de dégel, et sa mer de glace constituent des facteurs qui empêchent de nouvelles extractions - mais tout est en train de changer.

Avec le réchauffement climatique, les entreprises de l'énergie s'aventurent dans le grand Nord canadien, et savent déjà où forer ; elles sont en quête d'or noir. Et les recherches vont continuer.

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Imperial Oil est actuellement en attente d'un permis pour forer dans la mer de Beaufort. « Les ressources en pétrole de la mer de Beaufort se situent dans les eaux les plus profondes que l'on ait jamais exploité en Arctique » déclare Miller. Le projet de forage se situe dans une zone très sensible, riche en nourriture pour les poissons, les bélugas et les ours polaires. C'est face à ce projet que WWF a proposé la mise en place obligatoire de puits de secours pour prévenir toute marée noire.

L'Arctique connaît actuellement un profond changement. Michael Byers déclare que la région « se transforme fondamentalement sous l'effet de l'acidification des océans, des perturbations massives de l'écosystème qui affectent la vie des habitants de la région ». L'exploitation des ressources de l'Arctique canadien est dangereux, chaque décision prise s'avère problématique. Les locaux veulent une économie prospère, mais pas aux dépens de leur environnement et de leur mode de vie.

Les Canadiens et les Russes revendiquent leur souveraineté sur le pôle Nord, en arguant du fait que leur plateau continental s'étend jusqu'à ce point névralgique. Il en va du rôle de l'ONU de déterminer à qui appartient le pôle Nord, ou s'il demeure dans les eaux internationales.

Mais les inquiétudes à propos des forages pétroliers et des extractions de minéraux sont réelles. Lootie Toomasi explique que « l'océan est comme notre ferme. Elle nous nourrit, nous fait vivre ». Mais ces fermes du Cercle Arctique contiennent 30% des ressources mondiales de gaz et de pétrole, ainsi qu'une grande partie des métaux et minéraux terrestres. Une fois que la glace aura fondu, ce territoire immaculé deviendra un véritable eldorado, à la merci des grands groupes pétroliers internationaux.

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