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Crime

La Russie pourrait bannir le porno d’Internet

Un tribunal régional de la République russe du Tatarstan a ordonné que les agences chargées de surveiller les communications ajoutent les sites pornos à la liste noire des contenus bloqués sur le web.
Photo par Anthony Easton

Vladimir Poutine est connu pour ses photos de lui torse nu qui se promènent largement sur le net, et qui sont souvent réunies derrière le terme « Putin porn ». Toutefois, la pornographie en Russie n'est pas considérée comme quelque chose qui va de soi. Le bureau fédéral en charge des communications se prépare en ce moment à bloquer 136 sites pour adultes dans le pays, donnant ainsi suite à une décision de justice. Un tribunal a rendu un jugement qui pourrait dans les faits rendre le porno sur Internet illégal.

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Une cour régionale de la République russe du Tatarstan a ordonné que les agences chargées de surveiller les communications ajoutent les sites pornos à la liste noire des contenus bloqués sur le web. Sur cette liste on trouve des sites de partis d'opposition politique et autres groupes ou individus qui se sont brouillés avec les autorités qui disposent d'une loi controversée, passée l'année dernière, qui punit l'extrémisme en ligne. Étrangement, le tribunal a dit qu'il donnait suite à une plainte déposée par le procureur qui entendait défendre les droits d'un groupe d'anonymes, d'après les informations publiées lundi dernier par le quotidien russe Izvestia.

Le tribunal motive sa décision en expliquant que les sites pour adultes « représentent une menace de violation des lois fédérales, nuisent au développement des enfants, peuvent les encourager à se prostituer ou les pousser à commettre des actes de violence envers d'autres personnes, font la promotion de relations sexuelles non traditionnelles et propagent l'irrespect envers les parents et autres membres de la famille en réfutant les valeurs familiales. »

Le procureur explique qu'il a identifié les 136 sites de sa liste en tapant « prostituées de Kazan » et « vidéo porno » dans le moteur de recherche russe Yandex, le plus populaire de Russie. Suite à la décision de la cour, les sites seront bloqués s'ils ne dégagent pas de leurs pages le contenu pornographique sous trois jours.

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« C'est la première fois qu'une décision unique par un tribunal contient une demande de restriction d'accès pour un si nombre aussi large de sites dédiés à la pornographie, » explique à Izvestia, Vadim Ampelonsky, porte-parole du bureau en charge des communications. « Le trafic total sur ces sites se chiffre en millions de visites. »

Il y a peu de chances que beaucoup de ces sites se plient à la demande de la justice russe. La liste compte par exemple le site porno américain xHamster.com, qui est le 66e site le plus populaire au monde selon Alexa, entreprise qui fournit les statistiques du trafic mondial sur le Web. On trouve aussi des sites russes avec des noms équivoques qui vont de « Pornosaurus » jusqu'à « Sex Breakfast ».

La décision de la cour suit une logique un peu alambiquée qui considère que les accords internationaux signés par la Russie ont la préséance sur les lois nationales.

Elle vise deux traités internationaux signés il y a un siècle qui interdisent la production, la possession, et la distribution de matériel pornographique. C'est l'Accord pour la répression des publications obscènes, que l'Empire de Russie a signé à Paris en 1910, et un autre accord qui a suivi : la Convention pour la suppression de la circulation et du trafic de publications obscènes, qui a été signé par l'Union soviétique à Genève en 1923. Le tribunal a estimé que ces deux textes avaient toujours cours dans la Russie d'aujourd'hui.

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L'idée est donc que la Fédération de Russie est légalement l'héritière de l'Union soviétique, et de ce fait les accords sont maintenus même si la fédération ne les a pas signés. Dans le même temps, l'article 242 du code pénal Russe interdit « la mise à disposition illégale et/ou l'import illégal » de matériel pornographique, tout en omettant de définir ce qui est considéré comme de la distribution légale.

« D'un côté, il n'y a rien de mal à vouloir interdire les sites pornographiques, » dit à Izvestia Sergei Pryanishnikov, un réalisateur de films pornographiques de Saint-Pétersbourg. « Mais d'un autre côté, après que la vente de pornographie a été autorisée dans plusieurs pays européens, le nombre de crimes sexuels a été divisé par cinq ou plus. »

La pornographie est plutôt populaire en Russie. La pornstar Sasha Grey a fait la Une des journaux lorsqu'elle est venue en visite dans le pays à l'occasion du rallye auto de Vladivostok jusqu'à Moscou en mai 2013. Les fans ont fait la queue pour avoir un autographe et prendre des photos avec elle à Sochi.

Grey a fait à nouveau les titres cette année, après que la propagande pro russe a dit qu'elle avait été tuée en service, infirmière volontaire dans l'est de l'Ukraine.

La Russie a aussi lancé des carrières de pornstars maisons qui ont eu du succès à l'intérieur à l'international. Avec par exemple Alina Yeremenko, alias Alina Henessy, qui en janvier dernier a remporté le prix de la meilleure scène étrangère aux Adult Video News Award.

Face à 80 millions d'internautes et un enthousiasme grandissant de la population pour les objets connectés, le gouvernement russe a décidé de sévir, en commençant par une loi en 2012 qui autorise les bureaux en charge des communications de bloquer des sites sans décision de justice. Une loi passée l'année dernière a créé un registre de blogueurs populaires et leur donne le même statut que celui des médias nationaux. Ce changement a été critiqué comme un moyen de menacer les voies de l'opposition de poursuites judiciaires.

Si la décision du tribunal du Tatarstan a l'effet escompté, les amateurs de stupre en ligne pourraient sentir la chose passer.

Suivez Alec Luhn sur Twitter: @ASLuhn Photo via Flickr