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Etats-Unis

La tentation d'un « Tea Party » démocrate

Les démocrates sont partagés entre travailler avec Trump ou utiliser la stratégie du Tea Party appliquée sous Obama : s’opposer à tout projet proposé par l’administration Trump.

Alors que le nouveau Congrès américain, à majorité républicaine, entre dans sa deuxième semaine d'activité, les démocrates se demandent comment s'opposer au mieux à l'administration Trump : nier en bloc toute proposition ou faire des compromis.

De nombreux militants démocrates, choqués par les résultats des élections présidentielles, ont riposté ces dernières semaines en se rassemblant au sein d'un mouvement baptisé « The Resistance ». Selon eux, un « Tea Party » progressiste pourra non seulement ralentir les projets de Trump, mais également bâtir le chemin vers une victoire politique, à l'instar du Tea Party original qui combattait l'administration Obama. Cette frange radicale du parti républicain avait bloqué bonne partie des réformes d'Obama.

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Et il y a signes de plus en plus forts qui montrent que les membres démocrates du Congrès vont suivre le chemin de l'opposition bête et méchante, et prendre la place du « parti du non » qu'ils ont tant critiqué.

« Je pense que la stratégie de la terre brûlée est le point de vue dominant maintenant, »nous a dit David Axelrod, qui a été le principal conseiller du Président Obama. « Il y a beaucoup de démocrates qui sont très remontés contre Trump et le "Trumpisme", et qui pensent que, pour le principe, les démocrates devraient s'opposer à lui à chaque fois. »

C'est au Sénat que l'opposition législative va probablement se concentrer, car les Républicains n'y ont qu'une majorité de 52 voix, alors que de nombreux projets de loi doivent rassembler 60 voix pour mettre fin à un blocage parlementaire. Dans sa première semaine en tant que leader de la minorité au Sénat, Chuck Schumer a dit à CNN que « le seul moyen qu'on travaille avec [Trump] serait qu'il se rallie à nos idées et qu'il abandonne ses collègues républicains. »

Dans une autre interview, avec le pilier progressiste de la chaîne MSNBC Rachel Maddow, Schumer a rajouté : « Je peux vous l'assurer : Tout ce qu'on soutiendra n'obtiendra aucun vote républicain ou presque. Cela veut peut-être dire qu'on ne le soutient sur rien. »

Le président élu Donald Trump a réagi à ces remarques la semaine dernière, sur Twitter, avec ses attaques habituelles, proférées à chaque fois que quelqu'un s'oppose à lui. Selon lui, « le clown Chuck Schumer » faisait là de la politique politicienne au lieu d' « oeuvrer pour réparer » des mesures comme l'Obamacare. Il a alors à appeler les « républicains et démocrates à se rassembler pour trouver une réforme du système de santé qui fonctionne vraiment. »

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Mais les militants démocrates n'ont apparemment aucune envie de coopérer avec Trump. Depuis les élections, le hastag #NotMyPresident a été utilisé dans 3 millions de tweets, et #Resistance ou #TheResistance l'a été 1,3 million de fois, selon Twitter. Facebook a refusé de publier ses chiffres, mais avec une simple recherche sur le réseau social, on voit que des centaines de milliers d'utilisateurs utilisent ces mêmes hashtags.

Même l'ancien présentateur de MSNBC, Keith Olbermann, a refait surface pour prêcher la défiance dans « The Resistance », une série de tribunes diffusées sur le site du magazine GQ, où Olbermann appelle à une opposition organisée et sans fatigue face au « président élu qui attrape des chattes ». Selon GQ, la série d'Olbermann comptabilise déjà 22,5 millions de vues depuis les élections.

Les donateurs proches du parti démocrate semblent être aussi prêts à combattre Trump. En novembre, le milliardaire George Soros a donné 10 millions de dollars pour combattre les crimes de haine qu'il considérait être en lien avec la « rhétorique incendiaire » de Trump, selon le New York Times.

« Parmi nous, beaucoup pensent qu'on ne va pas s'opposer à tout ce que les républicains veulent faire »

D'autres démocrates membres du Congrès organisent des manifestations partout dans le pays le 15 janvier prochain, contre l'abrogation du Obamacare et la réforme du Medicare par les républicains — notamment à l'initiative du sénateur et candidat malheureux de l'investiture démocrate Bernie Sanders.

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Mais d'autres démocrates pensent différemment : selon eux, une opposition ferme ne serait pas bonne pour la politique ni pour le pays. « Parmi nous, beaucoup pensent qu'on ne va pas s'opposer à tout ce que les républicains veulent faire », nous a dit Collin Peterson, membre démocrate de la Chambre des représentants.

Peterson est un modéré de l'État rural du Minnesota, élu pour la première fois en 1990. En 2016, ses électeurs l'ont choisi pour la Chambre des représentants, alors qu'ils avaient voté pour Trump à 61 pour cent (et 31 pour cent pour Clinton). Selon Peterson, des démocrates comme lui ont perdu des élections pendant les deux mandats d'Obama et le fait d'adopter une stratégie intransigeante ne va faire qu'empirer cette tendance et « nous réduire à une minorité de 150 membres » de la Chambre (où il y a 241 républicains et 194 démocrates actuellement).

Le sénateur démocrate de la Virginie Occidentale, Joe Manchin, a également fait savoir qu'il ne suivrait pas la stratégie du « parti du non ». On peut donc se demander si les démocrates seront unis dans leur opposition. La semaine dernière, Manchin a refusé de participer à une réunion avec le président Obama au Capitole, destinée à organiser la défense de l'Obamacare. Il a préféré rencontrer le vice-président élu, Mike Pence, pour débattre d'une réforme bipartisane sur cette loi très critiquée. La Virginie Occidentale a également choisi Trump, à 68,6 pour cent, soit sa meilleure performance dans un État.

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« Plus les électeurs détestent le gouvernement et mieux c'est pour les républicains »

Selon David Axelrod, qui a été le principal conseiller du président Obama, il y a le danger que les démocrates créent au Congrèsun « cycle de destruction mutuelle » avec les républicains. « À chaque épisode de défiance totale, vous détruisez la confiance des gens sur les institutions, sur le gouvernement et sur la politique », a-t-il prévenu.

De nombreux Démocrates, Axelrod inclus, pensent que cette stratégie va directement dans le mur, surtout pour un parti qui prône un gouvernement fort. « Plus les électeurs détestent le gouvernement et mieux c'est pour les républicains », a écrit dans une colonne du quotidien USA Today, Jesse Ferguson, le secrétaire adjoint à la presse nationale pour Hillary Clinton.

Mais de l'autre côté, de nombreux démocrates, à l'intérieur et à l'extérieur du Congrès, pensent que travailler avec Trump est une façon d'assurer sa réussite. Et donc d'aller à l'encontre de leurs objectifs politiques. De plus, ils pensent que les républicains méritent une dose de leur propre poison.

Ces démocrates rappellent l'année 2009, quand les républicains ont adopté cette tactique. Cette année-là, les rôles entre les deux partis se sont inversés et les démocrates contrôlaient la Maison blanche, le Sénat et la Chambre des représentants. Le soir même de la prise de fonctions d'Obama, les républicains se sont organisés pour constituer une opposition solide contre le programme du nouveau président. Ils ont alors utilisé le blocage parlementaire dans une mesure sans précédent. Le tout en jetant de l'huile sur le feu d'une flamme populiste émergente.

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« Si Obama est pour, nous devons être contre »

Mitch McConnel, qui était alors le chef de la minorité au Sénat, avait indiqué à ses collègues la stratégie à adopter : « Si Obama est pour, nous devons être contre », se remémore l'ancien Sénateur républicain George Voinovich. L'homologue de McConnell à la Chambre des Représentants, John Boehner, avait dit au présentateur de télé Sean Hannity en 2010 que « ce n'est pas le moment de faire des compromis ». Quand il s'agit du programme de réformes d'Obama, il avait dit « On va faire tout — et je veux vraiment dire tout ce qu'on peut — pour le tuer, l'arrêter, le repousser, n'importe quoi. »

Pour le président Obama, la stratégies de McConnell a été stratégiquement « assez intelligente et bien mise à l'oeuvre », comme il l'a dit dans le podcast « The Axe Files », d'Axelrod. Lorsqu'il a réfléchi sur sa propre présidence, Obama a résumé cette tactique républicaine : « Si on ne dit que "non", alors cela va renforcer l'idée que tout ce discours sur l'espoir et le changement et qu'il n'y a pas d'État démocrate ou républicain n'est qu'un mirage, un fantasme. »

La stratégie d'obstruction a atteint son pic en 2016 lorsque McConnell a refusé d'accepter la nomination de Merrick Garland à la Cour suprême, décidée par Obama. Cette opposition a tellement énervé les démocrates que le leader de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, a confirmé que ce siège a été « volé » par les républicains. Il a alors promis de tout faire pour empêcher les républicains de mettre un de leurs candidats à la place de Garland.

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McConnel a alors répondu, cyniquement ou littéralement, qu'il croyait que « le peuple américain ne tolérera pas » ce genre de stratégies après une telle élection où ils ont rejeté la politique traditionnelle.

Selon Axelrod, si les démocrates deviennent le parti du non, cela revient à donner raison à McConnell, à savoir que le boulot d'un parti d'opposition est de bloquer toute réforme à n'importe quel prix, a-t-il dit dans une interview.

Mais l'hostilité envers Trump est déjà si forte parmi les militants progressistes que les démocrates du Congrès peuvent se sentir obligés de se rallier à leur base. Le cas échéant, ceux sur le flanc gauche sont prêts à les défier dans les primaires législatives : soit exactement ce que les conservateurs du Tea Party ont fait en 2010 — mais de l'autre côté de l'échiquier politique.

La théorie de gouvernance de McConnell pourrait donc finir par être appliquée pour les quatre prochaines années. Mais chez le camp adverse.


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