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RDC

La terreur s’installe dans le Nord-Kivu

36 civils ont été massacrés dans la nuit de samedi à dimanche au nord-est de la République Démocratique du Congo (RDC), portant à 250 le nombre de civils tués dans la région ces deux derniers mois.
Mission de l'ONU au Nord-Kivu/ Photo MONUSCO

Dans la nuit de dimanche à lundi, 13 personnes ont été tuées à trente kilomètres de Béni, au nord-est de la République Démocratique du Congo (RDC). La veille, dans la même région de Béni, des massacres on fait 36 morts. Les victimes du massacre de samedi toutes civiles, ont été assassinées à la machette pour certaines et brûlées vives pour d'autres. Ce récent carnage dans les villages d'Ahily, de Manzanzaba et de Moulobya porte à environ 250 le nombre de civils tués ces deux derniers mois dans cette province du Nord-Kivu.

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Les autorités et la population ont longtemps imputé ces assassinats aux ADF, un groupe de rebelles armés venus de l'Ouganda voisin qui sème la terreur dans la région depuis des années. Cependant, aucun de ces massacres n'a été revendiqué par aucun groupe.

L'ADF terrorise la République Démocratique du Congo sans que l'on sache très bien pourquoi. À lire ici.

Julien Paluku, le gouverneur du Nord-Kivu, a confié à VICE News que depuis mi-octobre, 53 personnes avaient été arrêtées, 30 ougandais et 23 congolais. La présence de ces derniers va à l'encontre de la thèse jusque là partagée par la population et les autorités, celle d'exactions commises par les ADF d'origine ougandaise, sans but clair. Pour le gouverneur, il s'agit aujourd'hui en fait d'une « nouvelle rébellion qui ne dit pas encore son nom ».

Selon lui, l'objectif des tueurs est politique. Il s'agit de décrédibiliser le gouvernement central de Kinshasa (capitale du pays), l'armée, et la mission de l'ONU dans la région (la Monusco). Différentes parties qu'une part de la population locale et des politiques considère déjà comme incapables d'arrêter les massacres.

- Martin Fayulu (@MartinFayulu)8 Décembre 2014

Tweet du député de l'opposition Martin Fayulu

« Le but, c'est de semer la désolation et la mort pour fatiguer psychologiquement la population, de façon à ce quand [les mêmes] interviendront, plus tard, ils apparaissent comme des libérateurs face au gouvernement, » avance le gouverneur du Nord-Kivu rejoignant une autre thèse, celle de bandits manipulés à des fins politiques pour affaiblir le pouvoir.

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Le gouverneur justifie ainsi les difficultés du gouvernement à lutter contre ces crimes, car il s'agit selon lui de « terrorisme ». « La RDC a du mal à lutter contre le terrorisme, mais on va mettre toutes les batteries en marche et on va y arriver, » affirme Julien Paluku.

Clovis Mwambutsa, coordonnateur provincial au Nord-Kivu pour l'ONG Oxfam, qui vient en aide aux populations pauvres, décrit à VICE News des habitants terrorisés, qui fuient la zone par peur des massacres. Il estime à près de 90 000 le nombre de déplacés dans la région.

Il y a eu plusieurs vagues de déplacés dans la région, la première début 2014, lorsque le gouvernement a mis en place une opération militaire, baptisée Sokola 1, pour mettre fin aux exactions des ADF dans la région. Les habitants de certains villages ont été déplacés de manière « préventive », explique-t-il. « La situation a pris des proportions incontrôlables, » selon lui. « Les populations se déplacent parce que les gens ont peur. Ils ne trouvent pas que l'armée et la Monusco sont capables de les protéger. Elles se dirigent alors vers les grosses agglomérations, » explique l'humanitaire.

Pour la première fois ce samedi, continue-t-il, les assaillants, qui ont toujours attaqué à l'est de la route nationale 4 de la zone d'Ahili sont passés à l'ouest, ce qui a eu pour effet de terroriser encore un peu plus la population, qui a le sentiment qu'aucune zone n'est à l'abri.

Ces nouvelles attaques ont au moins deux conséquences humanitaires graves, pour Clovis Mwambutsa : d'une part, elles ont eu lieu dans des zones agricoles, qui garantissent la subsistance des grandes villes, et d'autre part, elles rendent l'accès humanitaire difficile.

« La situation est incertaine, on ne sait pas dans quel village il risque d'y avoir un nouveau massacre, » explique-t-il. « Les humanitaires ne peuvent pas se rendre en sécurité sur le terrain pour faire des évaluations. » Oxfam relève au moins trois embuscades contre des ONG dans la région ces dernières semaines, et le 24 novembre, un agent humanitaire a été tué dans l'une d'elles.

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter @meloboucho

Photo via Flickr