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Crime

La visite ratée de Marine Le Pen au Québec

Durant son séjour, la présidente du Front National a comparé les hommes politiques canadiens à des « bisounours », jugeant que la manière dont ils considèrent les frontières est « naïve ».
Photo par Jacques Boissinot/The Canadian Press

Expulsée d'un hôtel de Montréal où elle était censée s'exprimer dans le cadre d'un voyage de six jours au Canada, la présidente du FN a dû se rabattre sur un bar sportif pour effectuer son discours ce samedi.

Cet évènement raté a été le point culminant d'une visite en territoire hostile, lors de laquelle la figure de proue du parti d'extrême droite français a été largement évitée par les politiciens locaux et critiquée par des manifestants.

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Ce mardi, suite aux attaques de Bruxelles, Marine Le Pen a annulé ses apparitions publiques, en évoquant des craintes relatives à sa sécurité. Une mise à jour de son site Internet a révélé qu'un deuxième hôtel avait annulé sa réservation d'une salle destinée à une conférence de presse.

La visite de cette politicienne française, qui coïncidait avec la journée internationale de la francophonie, a été présentée comme un geste visant à « honorer » l'héritage francophone du Canada. « En tant que responsable politique et chef du premier parti de France, j'ai pensé qu'il était de ma responsabilité de rendre hommage à cette francophonie des idéaux et des valeurs en vous traçant ma doctrine quant à la grande utilité de la francophonie pour la France et l'ensemble du monde francophone », a écrit Le Pen sur son site Internet.

Des médias français ont expliqué que Marine Le Pen visitait l'Amérique du Nord afin d'améliorer sa stature internationale et remédier à ce qu'ils considèrent être « des problèmes de réputation ». En Europe, Marine Le Pen a été fortement critiquée pour avoir mené une campagne basée sur l'intolérance et la xénophobie — elle aurait, selon certains, récupéré les attentats de Paris pour renforcer son capital politique.

Alors que Le Pen avait exprimé son désir de discuter de ses positions sur les questions de l'immigration et du libre-échange directement avec des hommes politiques canadiens, ses efforts de réseautage sont restés relativement vains. La classe politique québécoise — y compris le Premier ministre québécois Philippe Couillard ainsi que François Légaud, le chef de file du parti de centre droit Coalition Avenir Québec — a refusé de la rencontrer.

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Un porte-parole du maire de Montréal Denis Coderre a indiqué au journal local Le Devoir que son équipe n'avait pas été sollicitée par celle de Marine Le Pen, mais qu'ils n'avaient toutefois « pas l'intention de la rencontrer ».

Le leader du Parti Québécois, Pierre-Karl Péladeau, a par ailleurs condamné une partie des militants de son parti qui se sont retrouvés sur une photo avec Marine Le Pen. « Au nom du Parti Québécois, je veux formellement dissocier notre parti politique et les autorités du parti de toute activité ou rencontre, la conséquence d'initiatives individuelles, avec des représentants [du Front National], dont l'histoire, la doctrine et les propositions sont diamétralement opposées aux valeurs du Parti Québécois », a écrit Péladeau sur Facebook.

En 2014, les efforts du Parti Québécois pour faire entrer en vigueur un texte prônant la neutralité religieuse et la limitation des signes religieux (comme les croix ou le voile par exemple), avait valu à ce parti d'être comparé au Front National.

Marine Le Pen est apparue dans plusieurs médias québécois, se servant de cette tribune pour alerter le public au sujet des « dangers » des politiques d'immigration canadiennes. Elle est allée jusqu'à qualifier le Premier ministre canadien Justin Trudeau de « faux humaniste » et a traité le Canada de « pays des Bisounours » pour être si « naïf » quand il s'agit des questions liées à l'immigration.

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« Il y a un problème fondamentaliste islamiste au Canada. Ne pas le voir, refuser de le voir, c'est à mon avis extrêmement grave », a-t-elle dit au micro de Radio Canada.

Marine Le Pen a également tenté un appel du pied au mouvement souverainiste québécois, en déclarant que l'immigration et la libéralisation du commerce menaçaient la langue française. « L'immigration de masse, l'ouverture complète, et la soumission à tous ces accords de libre-échange, entrent en contradiction directe avec la défense de la souveraineté », a-t-elle déclaré.

Énorme succès de — sebastien chenu (@sebchenu)March 22, 2016

D'après Le Pen, c'est parce qu'elle représente une réalité dérangeante que les hommes politiques québécois étaient à ce point réticents. « Je suis en quelque sorte le symbole de tout ce à quoi ils se sont soumis, de tout ce qu'ils ont renié dans le combat pour l'identité, pour la souveraineté, alors ils n'aiment pas beaucoup être mis face à ce miroir, à cette réalité. C'est peut-être pour ça qu'ils cherchent à me fuir », a-t-elle ajouté. « C'est peut-être pour ça qu'ils tentent de me fuir. »

Ce mardi matin, Marine Le Pen est apparue à l'antenne de la TVA, la principale chaîne de télévision québécoise, pour commenter les attaques de Bruxelles, reprenant son discours anti-immigration pour alerter les téléspectateurs. « Nous sommes tous en danger », a-t-elle déclaré. Sur son site Internet, la présidente du FN a appelé à la fermeture de la frontière franco-belge.

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« Il faut dès aujourd'hui lancer une vaste opération de police pour investir l'ensemble de ces quartiers en marge de la République et y récupérer enfin toutes les armes, armes de guerre et explosifs qui s'y trouvent. Il faut vider les caves, le laxisme n'a que trop duré », pouvait-on lire dans ce communiqué.

Marine Le Pen était attendue ce mercredi à Saint-Pierre et Miquelon, un ensemble d'îles situées au nord-est du Canada.


Cet article a d'abord été publié sur la version en anglais de VICE News.

Suivez Brigitte Noël sur Twitter : @Brige_Noel