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Crime

L’ADF terrorise la République Démocratique du Congo sans que l'on sache très bien pourquoi

Mercredi dernier, une attaque à la machette sur un village du nord-est du pays a fait au moins 29 morts et une dizaine de blessés. Le mystérieux groupe armé ADF est montré du doigt.
Photo de Dearbhla Glynn

Aux environs de 20 heures mercredi 15 octobre, des hommes armés de machettes et de haches ont agressé des habitants des quartiers de Ngadi et Kadowu, à la périphérie de la ville de Beni, dans le Nord-Kivu, une régionde la République Démocratique du Congo (RDC). Cette attaque attribuée aux rebelles ougandais de l'Alliance des forces démocratiques (ADF) a fait près d'une trentaine de morts et une dizaines de blessés graves, a indiqué à VICE News Thomas d'Aquin Muiti Landa, président de la société civile du Nord-Kivu.

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Cette violente attaque survient quelques jours à peine après le meurtre de plusieurs civils à Oicha, dans la région. Pour la société civile du Nord-Kivu, comme pour le gouverneur de la région, ces massacres sont le fait des hommes de l'alliance des forces démocratiques (ADF),

Julien Paluku, gouverneur du Nord-Kivu a parlé à VICE News alors qu'il se rendait à l'enterrement des victimes de ces assassinats : « Ça ressemble à ce que les ADF ont pu faire par le passé, mais on n'avait encore jamais vu ce genre d'atrocités. »

En photos: L'Alliance des forces démocratiques tue et kidnappe au Congo. À lire ici (article en anglais) 

Julien Paluku a confirmé que les principales bases militaires des rebelles ougandais avaient été détruites par les Forces armées de la RDC (FARDC), mais d'après lui, l'ADF continue d'opérer dans la région par petits groupes.

Ce groupe groupe armé composé d'islamistes vient de l'Ouganda voisin. Il a été fondé en 1995 et rassemble différents mouvements d'opposition au président Yoweri Museveni. L'ADF se cache dans le nord de la RDC depuis des années. Le groupe serait dirigé depuis 2007 par Jamil Mukulu, un chrétien de 68 ans converti à l'islam.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a inscrit ADF sur sa "liste noire", lui repprochant, en plus des pillages et des meurtres, des enlèvements, notamment pour grossir les rangs de ses troupes d'enfants soldats. Les ADF seraient ainsi responsables de l'enlèvement de plus de 900 civils. Dans la région, beaucoup pensent que le groupe est soutenu financièrement par les Al-Shebabs de Somalie.

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La question de ce soutien financier est à considérer avec précaution pour Christoph Vogel, Chercheur à l'université de Zurich et spécialiste des groupes armés du Nord-Kivu, il s'est entretenu avec VICE News.

« Les Nations Unies n'ont jamais trouvé la preuve d'un tel lien. Il est probable qu'il y ait certaines relations, certains échanges, mais il est improbable que les Shebab aient envoyé des recrues ou du matériel important aux ADF. »

Pour le chercheur, l'ADF est le groupe armé le plus mystérieux de la région, notamment parce que ses revendications sont difficiles à cerner.

« Leur but ce n'est pas de renverser le gouvernement, ni d'établir un gouvernement territorial sur leur fief congolais. Ils cherchent éventuellement à consolider leur réseau de milices, leur réseau économique fait d'impôts et d'extorsions. Ils ont très rarement mené de véritables attaques ou des campagnes militaires. Les ADF sont surtout actifs au moment où on les traque. »

En janvier, une opération contre les différents groupes armés qui déstabilisent le Nord-Kivu a été menée par la FARDC, avec le soutien de la mission de l'ONU dans la région (la Monusco). L'opération a eu un certain succès, mais pour Thomas d'Aquin Muiti Landa, ce n'est pas suffisant.

« Lorsqu'ils ont récupéré tous les quartiers des ADF ils [les militaires de la FARDC] ont dit que l'opération 'était terminée'. Il restait alors une cinquantaine de membres d'ADF. Mais maintenant ils sont en train de se reconstruire, de piller des vivres pour survivre. Il ne faut pas considérer que les ADF sont éliminés. Même s'il n'en reste que deux ou cinq, ils peuvent se refaire. Il faut les pousser dans leurs derniers retranchements, et, de préférence, les ramener chez eux en Ouganda, » a-t-il déclaré à VICE News.

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Christoph Vogel tient toutefois à préciser que s'il est très probable que les ADF sont à l'origine des meurtres de mercredi, il n'est pas exclu que ce soit le fait d'un autre groupe armé de la région.

Le chef de la Monsuco, Martin Kobler, a déclaré le lendemain de l'attaque dans un communiqué que « La Monusco continuera à soutenir avec détermination l'opération Sukola 1 en cours, c'est-à-dire la neutralisation de l'ADF et de ses leaders, la libération des otages encore détenus et le plein retour de l'autorité de l'état dans les régions affectées. » Il s'est montré inquiet de la recrudescence des violences dans la région.

Pour Thomas d'Aquin Muiti Landa, toutefois, il ne fait aucun doute que ces meurtres suivent le mode opératoire des ADF.

« Ils opèrent par petits groupes, dans le but de terroriser et d'intimider les gens pour montrer qu'ils sont forts. A Beni, tout le monde est traumatisé par ces attaques qui se suivent. C'est une boucherie humaine qui est en train de se jouer dans cette partie du territoire. »

Suivez Mélodie sur Twitter: @meloboucho