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L'Angleterre et ses promesses faites à l’Écosse

L'Écosse a beau avoir voté contre l'indépendance, les demandes pour une plus grande décentralisation mettent Westminster dans l'embarras.
Image via Reuters

L'Ecosse a beau avoir majoritairement décidé de rester au sein Royaume-Uni, lors d'un référendum historique qui s'est tenu le 18 septembre dernier, pour les 1,6 millions de personnes qui avaient voté en faveur de l'indépendance, l'histoire n'est pas encore terminée.

Le vote a été largement salué pour avoir suscité un engagement politique rarement observé, en Ecosse comme ailleurs dans le monde, avec une participation record de 85%, qui a dépassé de loin la participation de 64% aux élections anglaises de 2010, ou celle de 58% pour les élections présidentielles américaines en 2012.

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Le Premier ministre britannique David Cameron a victorieusement déclaré que le problème de l'Ecosse au sein de l'union était « résolu », mais la situation sur place ne reflète pas une telle victoire.

La place George, à Glasgow, pépinière d'activistes pro-indépendance a été le théâtre d'une scène qui n'est pas sans rappeler les épisodes vécus en Irlande du Nord quand les résultats ont été connus. Des nationalistes anglais agitaient l'Union Jack, chantaient Rule Britannia (un chant patriotique britannique) et faisaient partir des pétards. Il y aurait eu des saluts nazis, et des menaces de faire brûler Glasgow pour avoir voté pour l'indépendance auraient été proférées. Les deux parties ont salué le sang-froid des politiques pendant la campagne du référendum - l'acte le plus grave recensé étant le jet d'oeufs de partisans de l'indépendance sur le parlementaire écossais Jim Murphy à Kirkcaldy. Que la police soit appelée pour séparer des manifestants le lendemain du vote a entaché la campagne, et les deux parties ont rapidement condamné l'escalade de violence, qu'ils ont mis sur le compte de voyous ivres utilisant la situation politique pour se défouler.

Était-ce vraiment un incident isolé, ou la promesse de ce qui vient ? Presque la moitié de la nation avait choisi de rompre les liens avec le Royaume-Uni. Beaucoup s'étaient investis des années pour réaliser l'image idéalisée qu'ils avaient d'une Ecosse indépendante, et cette ferveur s'éteindra difficilement par un simple « non ». La répartition des vote est également un sujet de préoccupation pour le gouvernement britannique. Ce sont les 65 ans et plus qui ont voté pour le non, 73% d'entre eux ayant voté contre l'indépendance. Inversement, 71% des 16-17 ans ont voté en faveur de l'indépendance, et la campagne du oui a séduit une majorité de 16-54 ans - presque 57% d'entre eux. Par conséquent, avec le temps, le sentiment d'hostilité à l'union dans la population ne risque que de grandir.

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Les gens sont mécontents du statu quo, et beaucoup le voient comme un rejet de la politique élitiste du gouvernement conservateur actuel. Tout le monde s'accorde à dire que c'est la promesse faite aux Ecossais le 16 septembre qui a fait pencher la balance en faveur du non. Les leaders des trois partis majoritaires (conservateurs, travaillistes et libéraux-démocrates) ont fait le serment qu'ils accélèreraient la décentralisation pour donner plus de pouvoirs à l'Ecosse si elle restait dans le Royaume-Uni. À présent que le destin de l'union est scellé, tout est en train de se déliter.

Le Premier ministre Alex Salmond, qui a annoncé sa démission à la suite du verdict, a accusé le gouvernement britannique d'avoir piégé les Ecossais pour qu'ils votent contre l'indépendance. Pourtant, il a dit avoir été surpris lui-même de la vitesse à laquelle le Premier ministre est revenu sur ses promesses. Moins de 24 heures après le vote, David Cameron a déclaré que les questions de renforcement de l'autonomie écossaise seraient étudiées avec d'autres questions constitutionnelles auxquelles est confronté le Royaume-Uni, ce qui promet d'être un long, surtout qu'il n'existe pas de constitution britannique.

Le Royaume-Uni tel qu'on le connaît aujourd'hui est un patchwork de nations unies par la conquête, pour le pays de Galles et la Cornouaille, et par traité pour l'Ecosse et le Nord de l'Irlande. L'Ecosse était un royaume indépendant en 1707 quand elle a signé le traité de l'union avec l'Angleterre et que le Royaume-Uni a été créé - tandis que le Pays de Galles et la Cornouailles ont été conquises par l'Angleterre siècles auparavant - et est donc la mieux placée légalement pour réclamer un vaste pouvoir décentralisé. Mais l'Ecosse n'est pas la seule région du pays qui souffre de la dominance de Londres. L'importance et la vitalité de la ville attire une attention disproportionnée de la part du gouvernement, notamment en ce qui concerne les dépenses de l'État, disproportionnée du moins aux yeux de ceux qui vivent hors du sud-est de l'Angleterre.

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Depuis 1999, l'Ecosse a obtenu de plus en plus d'autonomie, incitant d'autres régions à suivre son exemple. L'Irlande du Nord et le Pays de Galles ont tous deux des assemblées régionales, bien que leur niveau d'autonomie soit bien plus faible que celui du parlement écossais. Mais ce ne sont pas les seules nations du Royaume-Uni qui demandent une plus grande décentralisation. La campagne « the Core Cities UK » qui rassemble les dix plus grandes villes du pays, avec Manchester comme figure de proue, demande que la décentralisation s'opère à la même vitesse que celle de l'Ecosse. L'idée est que grâce à un pouvoir accru des villes sur la fiscalité, les intérêts locaux seront enfin envisagés sur le même plan que ceux de Londres, et que la capitale arrêtera ainsi d'absorber la majeure partie des dépenses annuelles. Une telle refonte de la constitution anglaise n'a jamais été tentée, et le résultat pourrait bien être un parlement dévolu à chaque nation, ou un gouvernement de type fédéral comme celui des États-Unis, où les parlementaires s'occupent des problèmes locaux, tandis que Westminster garderait la mainmise sur des problèmes plus larges comme la défense, ou les relations internationales. Une telle proposition n'est pas nouvelle - Winston Churchill a proposé une série de parlements régionaux en 1912, à Edimbourg, Belfast, Cardiff, et sept autres à travers l'Angleterre - mais une telle réforme ne peut certainement pas être mise en place dans les délais qui ont été promis à l'Ecosse.

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L'ancien Premier ministre travailliste Gordon Brown, lui-même écossais, et qui a poussé les partis à négocier entre eux, a déclaré qu'il veillerait à ce que le calendrier soit respecté strictement. Selon ce calendrier, les débats devraient commencer ce mois-ci. Cette semaine, il a lancé un appel pour que 100.000 Ecossais signent une pétition qui demande à Downing Street de respecter ses promesses, insistant sur le fait que les engagements pris de déléguer plus de pouvoir à Edimbourg ne devraient comporter « aucune contrepartie ».

Alistair Darling, l'ancien ministre des finances du parti travailliste a mené la campagne « Better Together » a déclaré à la BBC que le transfert de plus de pouvoirs aux écossais, et les doléances du sud de la frontière (les demandes d'exclure les parlementaires écossais du vote sur des questions qui touchent uniquement l'Angleterre par exemple), devaient être traités séparément. Il a affirmé que la grande décentralisation était «non négociable» et que « ceux qui ne tiendraient pas leurs promesses paieraient un prix très élevé dans les années à venir ».

Quand Cameron déclare que le problème de l'indépendance est réglé, il ne tient non seulement pas compte des 1,6 millions d'écossais qui ont voté pour l'indépendance, mais il ignore aussi les gens qui ont voté pensant que la promesse d'une grande décentralisation serait tenue. Si le gouvernement conservateur traine des pieds, quelle option leur reste-t-il ?

Les jeunes, nouvellement séduits par la politique, se voient rappeler que l'Ecosse ne pèse pas lourd face à l'Angleterre. À l'approche de nouvelles élections, les principaux partis vont faire tout leur possible pour s'assurer le soutien d'un maximum d'électeurs - dont la grande majorité est en Angleterre - et l'Ecosse va perdre le rôle politique central dont elle bénéficiait récemment. Sans recours à une action démocratique légitime, les débats à venir sur l'autonomie de l'Ecosse pourraient se tenir bien loin de la teneur paisible qu'ils avaient lors du référendum.

Le Royaume-Uni est déjà écrasé par les nombreux appels pour une plus délégation accrue des pouvoirs, pour un fédéralisme, et pour que des réformes constitutionnelles aient lieu. En Irlande du Nord, des émeutes sporadiques sont un rappel effrayant que la violence sectaire existe toujours, bien que largement assoupie, dans les îles britanniques. La dernière chose dont l'ordre social britannique ait besoin, c'est que cette situation contamine une Ecosse beaucoup plus peuplée et beaucoup plus au centre du pays.