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FRANCE

L’armée française se fait voler un important stock d’explosifs

Le cambriolage a eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi dans un centre de stockage qui sert notamment de réserve pour les opérations extérieures de l’armée française. Une enquête est en cours.
Pierre Longeray
Paris, FR
Site militaire de Miramas. Image via Google Street View

Un stock de munitions de l'armée française a été cambriolé dans la nuit de ce dimanche à lundi. Sur le site militaire de Miramas (près de Marseille, dans le sud de la France), près de 180 détonateurs, une dizaine de pains de plastic et une quarantaine de grenades auraient été dérobées, d'après le butin établi par la radio Europe 1 selon ses propres sources. L'inventaire définitif des munitions dérobées est encore inconnu.

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Ce mardi midi, le parquet de Marseille a ouvert une enquête pour « vol avec effraction, commis en bande organisée. »

« Le repérage du site est tout de même très simple — le site militaire n'est même pas brouillé sur Google Maps, » explique à VICE News, ce mardi après-midi, Thierry Colombié, écrivain et spécialiste du grand banditisme.

Selon plusieurs sources proches du dossier, les voleurs auraient simplement découpé les deux grillages qui entourent le site. Ils seraient partis avec leur butin par le même chemin, en soulevant le grillage. Les explosifs étaient apparemment stockés dans de petits baraquements à moitié enterrés. Neuf d'entre eux auraient été forcés selon les informations d'Europe 1. Aucune caméra de surveillance ne surveille cette partie du site militaire de 250 hectares.

L'établissement principal des munitions de — David Coquille (@DavidLaMars)July 7, 2015

Colombié note que pour s'échapper avec les munitions, « La cavale est facile, il y a beaucoup de chemins pour se volatiliser. » Le spécialiste de la criminalité organisée explique qu'il est évidemment primordial dans ce genre de vol de ne pas laisser d'indices, mais aussi d'avoir une « planque » pour stocker le matériel.

La journée, ce sont près de 200 militaires qui sont sur place sur le site de Miramas, mais la nuit venue, seuls les gardiens et les quelques militaires qui dorment sur place sont présents. Pour le maire de Miramas, Frédéric Vigouroux (PS), « C'est très bizarre. Les militaires sont des professionnels, très sérieux, qui ne plaisantent pas avec la sécurité, » explique-t-il à l'hebdomadaire L'Express. Le maire estime que ce vol est « très inquiétant, » ajoutant que « Tous les services de l'État sont focalisés sur le dossier. »

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En revanche, ce mardi matin, le Premier ministre français, Manuel Valls a préféré ne pas commenter cette information, alors qu'il était l'invité de la matinale de la radio RTL.

Le site de Miramas est utilisé par le 4e régiment de matériel — qui est lui basé à Nîmes — et sert notamment de réserve pour les opérations extérieures de l'armée française. Le site d'information 20 Minutes note que ce site militaire a servi de base arrière pour nombre de théâtres extérieurs : notamment au Tchad, en Guyane, en Nouvelle-Calédonie, au Kosovo, en Bosnie, au Sénégal, à Djibouti, en Tanzanie ou encore en Albanie.

Le maire de Miramas, Frédéric Vigouroux (PS), expliquait ce mardi matin, au journal Le Monde les trois fonctions du site de Miramas : « le dépôt de munitions, la préparation et le ravitaillement des opérations extérieures et un lieu de formation aux munitions. »

Dernièrement le site remplissait le rôle de « sas logistique avant projection » au Mali — où la France est intervenue dans le cadre de l'opération Serval lancée en janvier 2013 pour déloger des groupes terroristes qui réclamaient le nord du pays. Au lancement de l'opération Serval, la « zone de regroupement et d'attente (ZRA) de Miramas » avait accueilli près de 1 100 militaires qui partaient ou revenaient de mission. Dernière hypothèse proposée par Colombié, celle de « jeunes gens de 15 ou 20 ans qui connaissent le site depuis toujours et qui ont fait un pari, juste pour rire. »

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Dans la matinée de ce mardi, la radio RTL donne un inventaire plus précis de ce qui aurait pu avoir été volé : « 176 détonateurs (électroniques et pyrotechniques), dix pains de plastic de 250 grammes chacun, 66 bouchons allumeurs de grenades et 40 "corps de grenades", qui correspondent à la partie explosive de la grenade. »

Le plastic est un type d'explosif très puissant, fréquemment utilisé par les militaires. Les entreprises de démolition préfèrent utiliser de la dynamite. Le C-4 est l'explosif le plus connu de la famille des plastics. Il est blanc, et a la texture de l'argile. Le C-4 a aussi l'avantage d'être mou, donc malléable. Pour faire exploser la charge de C-4, un détonateur est nécessaire.

Les médias français faisaient ce matin état de deux pistes potentielles pour expliquer ce vol. Il pourrait s'agir de membres du grand banditisme qui utilisent fréquemment des explosifs pour mener des braquages — notamment pour faire exploser les portes de camions blindés qui transportent d'importantes sommes d'argent, comme à Marseille en 2010. Le documentaire de Jérôme Pierrat, intitulé Caïds des cités, le nouveau grand banditisme, diffusé début 2011 sur Canal +, suivait un vendeur d'armes clandestin surnommé « PSG ». Le revendeur faisait une démonstration de la puissance de l'explosion de 50 grammes de C-4 dans une forêt.

Pour VICE News, Colombié énumère diverses hypothèses qui pourraient expliquer ce vol. « On peut commencer par se demander si c'est une commande ou un vol délibéré. Ce type de matériel pourrait notamment servir pour des opérations de vols à main armée. Les explosifs servent dans ce cas là à faire sauter un fourgon. »

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« Ces munitions pourraient aussi être revendues en France ou en Europe. On peut évoquer les pistes d'organisations type Front de libération nationale corse, ETA ou autres organisations, » explique Colombié.

Colombié évoque aussi une piste plus inattendue, celle d'une « opération Service Action [du nom de l'unité militaire secrète française] qui a besoin de matériel, ou qui n'a pas eu d'autorisation officielle pour une mission. »

Le contexte actuel français — où le plan Vigipirate est activé au niveau « très élevé » depuis le mois de janvier et les attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo et l'épicerie Hyper Cacher — invite certains médias à s'interroger sur une piste terroriste. Les enquêteurs ont fait savoir qu'ils n'écartaient ou ne privilégiaient pour le moment aucune piste.

Le ministre de la Défense français, Jean-Yves Le Drian a fait savoir ce mardi, dans un communiqué, qu'une enquête de commandement avait été lancée « pour analyser les faits, l'organisation et les éventuelles responsabilités. » Le ministre en a aussi profité pour annoncer qu'une évaluation des sites militaires de stockage de munitions serait menée dans les deux semaines et que des « mesures correctrices « seraient mises en place si besoin.

Un informateur cité par le journal local, La Provence, estime que les cambrioleurs « étaient très bien renseignés. Ce qui laisse planer des doutes en interne. »

Il existe en France 20 dépôts de munitions pour les trois armées (dix pour l'Armée de terre, six pour l'Armée de l'Air et quatre pour la Marine). Le site de Miramas est l'Établissement principal des munitions pour la zone « Provence ». Le service interarmées des munitions (SIMu) est l'organisme responsable de la gestion de ces dépôts de munitions.

L'enquête est menée par les gendarmes de la Section de Recherches et ceux de l'Institut de recherche criminelle (IRCGN).

Suivez Pierre Longeray sur Twitter @PLongeray 

Site militaire de Miramas. Image via Google Street View.