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VICE News

Le « budget drogue » moyen d’un Français est de 36 euros par an

Le marché de la drogue dégage un chiffre d’affaires annuel de 2,3 milliards d’euros en France.
Pierre Longeray
Paris, FR

En France, le marché de la drogue dégage un chiffre d'affaires annuel de 2,3 milliards d'euros (soit l'équivalent par exemple du marché funéraire dans l'Hexagone), selon l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (Inhesj). Dans son dernier rapport, publié ce mardi, l'Inhesj estime ainsi que chaque Français achète pour 36 euros de drogues illicites par an, si l'on ramène le chiffre d'affaires de la drogue au Revenu National Brut (RNB) par habitant.

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Ce rapport intermédiaire, réalisé dans le cadre d'un programme de recherche baptisé « Argent de la drogue », est singulier puisqu'il se fonde sur la demande des consommateurs et non sur les saisies de drogues. Dans le vocable des chercheurs, on parle ainsi de « demand-based approach » et non de « supply-based approach ».

Commandé par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), le rapport donne une idée précise de la structure du marché de la drogue pour l'année 2010. Le cannabis et la cocaïne représentent encore le gros du marché français (85 pour cent quand on combine les deux) suivis de loin par l'héroïne et le couple MDMA / Ecstasy.

Un cannabis plus cher et plus chargé en THC

En première place du classement, on retrouve donc le cannabis qui représente près de la moitié du chiffre d'affaires de la drogue en France (48 pour cent, soit 1,1 milliard d'euros pour 154 tonnes consommées). Ce qui est somme toute logique, puisqu'elle est aussi la drogue la plus consommée : 17 millions de Français déclarent en avoir déjà consommé au moins une fois.

Entre 2005 et 2010, le marché du cannabis a augmenté, principalement parce que les prix ont augmenté : plus 25 pour cent entre 2005 et 2010. Le prix du gramme de cannabis se négocie autour de 6 et 7,5 euros en France. En revanche, en volume, le marché est resté stable.

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Si les prix ont augmenté, la teneur en THC du cannabis a elle aussi sensiblement progressé : à la fin des années 1990, la teneur en THC était de 6 pour cent en moyenne, elle est aujourd'hui de 20 pour cent. On explique cette augmentation de la teneur en principe actif par la plus grande concurrence entre les producteurs de résine de cannabis au Maghreb, d'après un des chercheurs à l'origine de l'étude contacté par le journal Le Monde.

Le rapport révèle aussi que le don et l'autoculture représentent respectivement 77,7 tonnes et 11,4 tonnes de cannabis consommées (qui ne sont pas comptabilisées par les chercheurs dans le marché français du cannabis).

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« Démocratisation » de la consommation de cocaïne

Contrairement au marché du cannabis, celui de la cocaïne a progressé en valeur et en volume. En 2005, 8,3 tonnes étaient consommées en France par an, contre 15 tonnes en 2010. Le marché représentait il y a dix ans, 488 millions d'euros contre 900 millions en 2010.

Le marché a progressé notamment par la baisse du prix d'achat de la poudre blanche : entre 1990 et 2005, le prix a été quasi divisé par 3, passant de 150 euros à 60 euros le gramme. Ainsi, de plus en plus de personnes en consomment selon le rapport, qui estime que le produit s'est « démocratisé ». 2,2 millions de Français déclarent avoir déjà consommé de la cocaïne.

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Le rapport pointe aussi l'évolution de l'offre de cocaïne : les producteurs de poudre ciblent désormais l'Europe en priorité, et non plus l'Amérique du Nord, puisque le Vieux continent est considéré comme plus rentable.

Si le produit est moins cher, et plus facilement disponible, il est aussi moins pur : 70 pour cent des quantités vendues sont des produits de coupe selon le rapport. Le Lévamisole, la Phénacétine ou encore la caféine sont les produits principalement utilisés pour couper la cocaïne. Mécaniquement, la demande pour ces produits de coupe augmente aussi.

Le « retour » de l'héroïne

D'après les chercheurs de l'étude de l'Inhesj, l'héroïne fait un retour avec un marché estimé entre 204 et 329 millions d'euros — pour des quantités consommées entre 5,1 et 8,2 tonnes. Le marché de l'héroïne est particulièrement compliqué à estimer du « fait de l'existence des Médicaments de

Substitution aux Opiacés (MSO) », précise le rapport. « Ces derniers concurrencent l'héroïne sur le marché plus large de celui des opiacés. »

Le taux de pureté de l'héroïne vendue en gros en France est de 10,5 pour cent d'après une étude de 2014 citée dans le rapport. Ainsi, comme pour la cocaïne, les produits de coupe de l'héroïne sont aussi de plus en plus demandés — notamment la caféine et le paracétamol. D'après les estimations des chercheurs de l'Inhesj 2 tonnes de paracétamol sont utilisées à ces fins chaque année.

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Première estimation du marché des « drogues de synthèse » en France

Les chercheurs proposent une estimation du marché de l'Ecstasy / MDMA et des amphétamines uniquement (les autres drogues de synthèse ont des populations de consommateurs trop modestes). Le chiffre d'affaires en 2010 de la vente d'Ecstasy / MDMA serait compris entre 13,2 et 71,6 millions d'euros et entre 3,7 et 42 millions d'euros pour les amphétamines.

La fourchette donnée par les chercheurs est très large, notamment parce que toute une partie du trafic se fait sur Internet et échappe donc facilement aux contrôles et aux douanes aux frontières. Le rapport retient le chiffre de 55,2 millions d'euros comme moyenne retenue pour le marché des drogues de synthèse en 2010.

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Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray