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Crime

Le président colombien signe un décret qui légalise le cannabis médical

Ce décret place la Colombie au coeur d'un groupe de pays qui décriminalisent la consommation et parfois la production de cannabis, à travers l'Amérique Latine.
Photo de Luis Eduardo Noriega/EPA

Le président colombien a décidé de légaliser la production et la vente de marijuana thérapeutique, rejoignant une série de pays latino-américains qui partagent cette politique plus ouverte en ce qui concerne la consommation de weed.

« Ce décret place la Colombie dans un groupe de pays moteurs dans le traitement des maladies par des remèdes naturels, » a déclaré le président Juan Manuel Santos, après avoir signé le décret qui prend effet ce mercredi.

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Le document — signé par le président et le ministre de la Santé du pays — régularise la possession de graines et de plants de cannabis, ainsi que sa production, sa distribution, sa publicité et son exportation pour « un usage strictement médical et scientifique ». La création d'une « licence d'exportateur » donne aux producteurs le droit de vendre des médicaments à base de cannabis aux pays où ils sont autorisés — ce qui ouvre la voie à une production de traitements à base de marijuana pour le marché international.

« Une demande très forte existe déjà, » expliquait le président colombien à la BBC le mois denier, faisant référence à des « business au Canada et aux États-Unis. »

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Pour Hannah Hetzer, manager des politiques américaines à la Drug Policy Alliance à New York, la décision colombienne montre que les opinions sont en train de changer en Amérique Latine. « Ces dernières années, les présidents latino-américains sont devenus les porte-parole les plus prolixes sur la scène mondiale pour appeler une approche différente en matière de politique antidrogue, » explique Hetzer à VICE News. « Le décret du président Santos sur la marijuana médicale montre qu'il veut que les réformes se fassent aussi dans son pays, et pas seulement au niveau international. »

Le décret légalisant la production et la vente de weed thérapeutique arrive trois ans après que le Congrès colombien a décriminalisé la possession d'herbe — jusqu'à 20 grammes destinés à la consommation personnelle. Une étude réalisée l'année dernière par le ministère de la Santé du pays montre que 11,5 pour cent des Colombiens interrogés ont déjà consommé du cannabis au moins une fois.

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La décision colombienne rejoint d'autres efforts de décriminalisation menés sur le continent sud-américain. L'Uruguay a totalement légalisé le cannabis en 2013, une réforme plus qu'ambitieuse qu'aucun autre pays n'a essayé. Le mois dernier, la Cour suprême du Mexique a accordé le droit à 4 individus de cultiver et de consommer de la marijuana à titre récréatif. Une loi qui prépare le terrain pour une légalisation de la consommation de weed à des fins récréatives a aussi été adoptée par la chambre basse du Congrès chilien, et est actuellement discutée au Sénat.

Certains militants pro légalisation estiment cependant que la décision colombienne va surtout profiter aux grands groupes pharmaceutiques plutôt qu'au mouvement de légalisation.

Marcela Tovar Thomas, qui défend une réforme de la politique antidrogue au Center of Thought and Action for Transition (CPAT), nous explique : « J'espère que des mesures vont être prises pour garantir un accès juste et égalitaire aux permis [de cultiver], pour éviter un contrôle monopolistique des grandes compagnies pharmaceutiques. »

« Quand l'on réforme la politique antidrogue, nous ne devons pas oublier que la majorité des victimes de la prohibition sont les plus faibles, » explique Tovar. « Nous ne pouvons pas les rendre encore plus faibles. »

Pour Julian Quintero, le directeur du groupe colombien pro-légalisation Social Technical Action (ATS), le décret est une « bonne étape » mais il ne pense pas que la marijuana médicinale sera en vente libre de sitôt. « La réalité de la mise en oeuvre du décret va créer de nombreux défis qui vont nécessiter des ajustements et de consultations constantes, » explique-t-il à VICE News. « Je ne pense pas que l'on puisse acheter du cannabis pour un usage médical avant deux ans. »

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L'inspecteur général conservateur colombien mène la lutte contre la légalisation de la marijuana médicale : « Cela affaiblit le combat contre les drogues et menace les citoyens, » avait déclaré aux médias locaux, Alejandro Ordoñez, le mois dernier quand le décret était rédigé.

La bataille contre la drogue a longtemps été associée à la cocaïne plutôt qu'au cannabis en Colombie. le pays serait d'ailleurs apparemment sur le point de reprendre — au Pérou — sa couronne de plus grand producteur au monde de coca, la plante indispensable à la production de cocaïne. La plupart de la marijuana produite dans le pays l'est pour la consommation locale, alors que la cocaïne est exportée dans le monde entier.

Différents groupes armés de Colombie — depuis les rebelles de gauche jusqu'aux paramilitaires de droite — s'enrichissent en produisant et trafiquant de la coke.

Plus tôt cette année, le pays a interdit les fumigations aériennes d'herbicides au-dessus des plantations de coca pour les détruire. Cette décision s'appuie sur un document de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui indique que l'herbicide utilisé, le glyphosate, pourrait être cancérigène.

Juan Manuel Santos a de nombreuses fois répété son envie d'éradiquer la production de cocaïne — la clé de voûte des relations bilatérales avec les États-Unis qui ont offert près de 10 milliards de dollars depuis 2000 pour aider à cette éradication, d'après un rapport du Congrès américain. Le gouvernement colombien explore les pistes d'éradication manuelle (plutôt qu'avec les herbicides) et le remplacement des cultures illicites.

Pour le moment, le président a été clair, la décriminalisation s'applique uniquement aux traitements à base de marijuana.

« Il est prouvé scientifiquement que la marijuana a un certain nombre de caractéristiques médicinales, » a déclaré Santos à la BBC. « Il n'y a aucune preuve scientifique que la cocaïne ou l'héroïne soient bonnes pour un quelconque traitement. Si de telles preuves apparaissent demain, et bien je ferai la même chose [que ce que j'ai fait avec la marijuana]. »

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Suivez Joe Parkin Daniels sur Twitter : @joeparkdan