Mécontent que l'on critique ses méthodes contre le trafic de drogue, le président philippin menace de quitter l'ONU

Le président des Philippines a menacé de quitter les Nations Unies en réponse aux critiques émanant de l'ONU concernant les centaines d'assassinats extrajudiciaires de suspects liés au trafic de drogue qui ont cours dans le pays depuis son entrée en fonction.

Le président Rodrigo Duterte — surnommé « Le Punisseur » à cause de son sanglant mandat à la tête de la ville de Davao — a déclaré durant une conférence de presse, tenue tard dans la nuit samedi dans sa ville d'origine, que les Philippines pourraient quitter les Nations Unies et former une organisation rivale avec la Chine et d'autres pays.

« Peut-être que nous devrions simplement décider de nous séparer des Nations Unies », aurait déclaré Duterte. « Si vous êtes si grossiers, fils de pute, nous vous quitterons tout simplement. »

Cette diatribe a été provoquée par une déclaration publiée jeudi par le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, qui poussait Duterte à mettre un terme à la vague de violence qui a commencé après son élection en mai. Duterte a déclaré qu'il décernerait des médailles aux tueurs de dealers de drogue. Il a aussi offert de décerner des primes aux citoyens qui dénoncent des suspects liés au trafic de drogue — « morts ou vivants ».

La consommation de méthamphétamine a bondi aux Philippines ces dernières années et des groupes appartenant au crime organisé sont impliqués dans le trafic. Mais les défenseurs des droits de l'homme craignent que des groupes d'autodéfense tuent des personnes innocentes et de petits toxicomanes, parallèlement aux dealers.

Agnes Callamard, rapporteur spécial de l'ONU sur les exécutions sommaires, et Dainius Puras, rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à la santé, ont assuré dans une déclaration conjointe que les accusations liées à la drogue devraient être « jugées devant une Cour de Justice, non par des tireurs dans la rue. »

Duterte semblait s'adresser directement à Callamard et Puras pendant sa diatribe.

« Je prouverai au monde que vous être un expert vraiment très stupide », a-t-il lancé, soutenant que le nombre de dealers et de consommateurs de drogue tués était moins important que le nombre de vies perdues à cause des crimes liés à la drogue.

Il a déclaré que les rapporteurs de l'ONU auraient dû se rapprocher de lui directement plutôt que de publier un communiqué de presse. « On ne peut pas simplement sortir et faire une putain de déclaration contre un pays », a-t-il ajouté.

Les estimations concernant le nombre d'assassinats extrajudiciaires liés à la drogue sous Duterte varient, mais il ne fait aucun doute que le nombre de victimes est haut. L'ONU a déclaré que 850 « criminels présumés » ont été tués depuis que Duterte a été élu le 10 mai, dont 650 seulement au cours du dernier mois et demi.

Une « kill list » (une liste des personnes tuées) entretenue par The Inquirer, un journal local, place le nombre attesté de victimes à 731 depuis le 10 mai. Certains rapports établissent le décompte à plus de 900 personnes tuées.

Duterte reproche à l'ONU de s'occuper de son pays alors que les guerres font rage en Syrie et en Irak.

« Vous aujourd'hui, les Nations Unies, si vous pouvez dire une mauvaise chose à mon propos, je peux en dire 10 [à propos de vous] », a-t-il déclaré, selon une traduction fournie par Reuters. « Je vous le dis, vous êtes des bons à rien. Si vous étiez vraiment fidèles à votre mandat, vous auriez arrêté toutes ces guerres et ces tueries. »

Interrogé sur les possibles retombées de ses commentaires, Duterte aurait répondu : « Qu'est-ce que… des répercussions ? Je n'en ai rien à foutre. »

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