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Crime

Le propriétaire d’un site gore canadien condamné pour avoir diffusé la vidéo d'un meurtre

Le juge a condamné Mark Marek à une peine de détention à domicile et une période de probation pour avoir diffusé la vidéo du meurtre d'un étudiant chinois par Luka Magnotta en 2012 à Montréal.
Photo via Mack Lamoureux

[Attention : le site dont il est question dans cet article présente un contenu choquant et violent.]


Le procès de Mark Marek et de son site Internet gore — une affaire qui mêle un acteur de films pornographiques, de la nécrophilie, et une chasse à l'homme internationale — a pris fin ce mardi, après plusieurs années de procédures judiciaires.

Marek, le propriétaire de BestGore, basé à Edmonton, au Canada a plaidé coupable de « corruption de moeurs  » suite à la publication de la vidéo du meurtre d'un étudiant par l'acteur porno Luka Magnotta sur ce site.

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« J'assume l'entière responsabilité pour tout préjudice que j'aurais pu créer, j'admets que c'est obscène, » a déclaré Marek devant la cour ce lundi. Il a admis avoir lui-même publié la vidéo — du moins c'est ce qu'il se souvient avoir fait.

« [Dans cette vidéo], il y a de la mort, de l'horreur, de la cruauté, de la violence, des démembrements et du sexe, » a déclaré le juge Sterling Sanderman en parlant de la vidéo publiée par Marek.

« Ce n'est pas du cinéma. Il ne s'agit pas de quelqu'un qui suit un script, » a rappelé Sanderman lors de l'audience pour déterminer la peine, ce lundi. « Il s'agit d'un individu qui a commis un crime odieux. »

Le juge a condamné Marek à une peine de détention à domicile et à une période de probation — mais pas de prison ferme.

À l'extérieur de la salle d'audience, Marek se tenait debout avec un bout de scotch sur les lèvres et tenant une pancarte sur laquelle on pouvait lire « Réduit au silence par la censure au Canada » d'un côté, et « Coupable d'un crime de pensée canadien » de l'autre.

Il est resté silencieux alors que les journalistes l'assaillaient de questions.

Magnotta avait été déclaré coupable de meurtre, parmi d'autres crimes, pour avoir tué Jun Lin, un étudiant chinois en échange universitaire au Canada. Magnotta avait posté une vidéo du meurtre sur Internet, qu'il avait accompagnée d'une chanson de New Order, "True Faith", en guise de bande-son. Des sites comme celui de Marek avaient continué de diffuser la vidéo, longtemps après son retrait d'autres plateformes.

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« Mark a l'intention de plaider coupable. Si d'habitude plaider coupable signifie admettre sa culpabilité, c'est seulement vrai si les poursuites sont criminelles et non politiques, » a déclaré Vasily Kirov, un rédacteur du site de Marek, dans un communiqué envoyé à VICE News la veille du verdict.

« Puisque les poursuites contre Mark sont d'ordre politique, admettre une culpabilité est surtout l'occasion de dire que son droit humain ne sera pas respecté de toute façon, et qu'il n'aura pas le droit à un procès juste, peu importe ce qu'il fait. Donc cela ne sert à rien d'essayer de se battre, » ajoutait Kirov.

Le communiqué cite aussi le traitement du cas de Marek par les médias et le fait qu'il n'a pas les moyens de se payer un avocat. Deux raisons pour lesquelles il a décidé d'agir ainsi et de plaider coupable.

« Ce n'est pas surprenant que des dissidents au Canada soient traités de la même manière que l'étaient les dissidents en Union soviétique à l'époque de Staline, » peut-on aussi lire dans le communiqué.

Une affaire qui court sur plusieurs années

Le site de Marek a été lancé en 2008 et est rapidement devenu un des sites gore les plus visités.

Son site est une sorte d'archivage de tous les contenus violents et choquants qui circulent sur le Net. On y trouve les dernières vidéos du groupe État islamique, une vidéo d'un terrible accident de la route au Brésil, et des contenus pornographiques fétichistes extrêmes.

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Le 25 mai 2012, une vidéo intitulée 1 Lunatic 1 Ice Pick a été uploadée sur le site de Marek. La scène se passe dans une chambre mal éclairée, où trône un matelas souillé. Sur le lit, un individu poignarde à plusieurs reprises un corps inanimé à l'aide d'un pic à glace et d'un couteau de cuisine. Ensuite, l'individu démembre puis pénètre le corps sans vie.

Des personnes qui avaient vu cette vidéo — dont un procureur du Montana — avaient alors prévenu la police.

D'après le dossier juridique de Marek, le premier commentaire sous la vidéo (qui laisse à penser que beaucoup ont cru que la vidéo était fausse) est « C'est quoi cette musique de merde ? »

Dans les jours qui ont suivi, des parties de corps ont été envoyées au bureau du Premier ministre canadien et à deux écoles élémentaires. Les pieds et les mains correspondaient au corps démembré de Jun. Le reste du corps a été découvert à l'extérieur de l'appartement montréalais de Magnotta.

Après une chasse à l'homme, Magnotta a été arrêté à Berlin et extradé vers le Canada. En 2014, après un procès public, l'ancienne pornstar et mannequin a été déclaré coupable de meurtre au premier degré, d'avoir souillé un corps et d'avoir harcelé le Premier ministre canadien Stephen Harper, entre autres charges retenues contre lui.

Il a été condamné à la prison à vie.

De son côté, Marek — après ce que la police désigne comme une « enquête poussée » — a été accusé de corruption de moeurs, en se basant sur l'Obscenity Act (rarement utilisé), pour avoir permis la publication de la vidéo. Il a été arrêté et relâché sous caution et tenu de respecter certaines conditions pour éviter la prison — il devait notamment ne plus se connecter à Internet.

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« Je suis persécuté pour des raisons politiques, » expliquait Marek à CTV en 2013. « Cela ne fait aucun doute, j'ai une montagne de preuves pour le prouver, et de nouvelles preuves arrivent. »

Les représentants du site estiment qu'il a été créé pour répondre « au droit du public à être informé » ce qui ferait donc (d'après eux) de Marek un prisonnier politique. De nombreux posts publiés par des confrères soutiennent cette thèse. politicalprisoner.ca (prisonierpolitique.ca) a ainsi été créé pour contester les « injustices » infligées par le gouvernement canadien à Marek.

« Mark Marek a été réduit au silence, mais son héritage va continuer à vivre, » peut-on lire sur ce site. « Il croyait au droit du public d'être informé et n'a pas hésité à sacrifier sa vie et son bien-être pour faire respecter ce droit. »

« J'ai vu une vidéo qui mettait, potentiellement, en scène un crime horrible. J'avais alors deux potions : soit l'ignorer et risquer qu'une autre personne subisse le même sort, ou bien faire quelque chose et voir si on pouvait mettre le coupable hors d'état de nuire, » expliquait Marek à CTV.

Marek a déclaré dans une interview que l'Obscenity Act, selon lequel il a été condamné, « est trop grossièrement défini. » Les sections du Code pénal pour lesquelles Marek a plaidé coupable datent des années 1940 — une époque à laquelle deux garçons avaient été condamnés pour des « bandes dessinées criminelles ».

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Depuis son adoption, la loi a été rarement utilisée.

L'utilisation la plus récente de l'Obscenity Act remonte à 2012, quand Remy Couture, un spécialiste des effets spéciaux, a été accusé des mêmes faits que Marek pour des vidéos qu'il avait utilisées pour mettre en valeur son travail. Il a été déclaré non coupable.

Marek a souvent exprimé le fait qu'il n'était pas jugé de manière équitable. Avant l'audience de ce lundi, il avait renvoyé son avocat commis d'office et avait décidé de se défendre seul. Il a finalement changé d'avis et plaidé coupable.

Photo via Mack Lamoureux

Dans le jugement rendu par le juge Sanderman, il dit avoir été impressionné par la manière dont Marek a géré le procès. Il a déclaré que Marek s'était présenté comme une personne mature qui comprenait et acceptait ses erreurs, mais cela ne change pas le fait qu'un méfait a été commis et que le crime correspondait à la définition de la loi sur l'obscénité.

Marek a été condamné à une peine de 6 mois avec sursis, accompagné de 3 mois de détention à domicile et 30 heures de travaux d'intérêt général. Sanderman a ajouté que si Marek ne respectait pas sa sentence, la réponse sera immédiate.

« Si vous violez n'importe quelle condition fondamentale de la sentence, je vous ramènerai devant cette cour et vous irez en prison. »


Suivez Mack Lamoureux sur Twitter : @MackLamoureux