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Le site WikiLeaks promet 100 000 euros à quiconque lui livrera le contenu du traité TAFTA

Ce projet de traité, souvent présenté comme le plus grand accord commercial de l’histoire, fait l’objet d’un débat houleux en Europe, où ses opposants y voient une menace pour la démocratie et dénoncent le caractère top-secret des négociations.
Manifestation contre le projet de traité transatlantique en 2015. (Image ?via Flickr / greensefa )

Le site internet WikiLeaks a lancé ce mardi une collecte de fonds à l'échelle mondiale dans le but de réunir 100 000 euros, une somme qui servira à récompenser celui ou celle qui lui livrera une copie du projet de traité de libre-échange transatlantique (TAFTA) en cours de négociation entre l'Union Européenne et les États-Unis.

Mercredi en fin d'après midi (heure parisienne) la cagnotte atteignait déjà près de 43 000 euros sur les 100 000 euros demandés. Parmi les donateurs figurent l'ancien ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, la créatrice de mode britannique Vivienne Westwood ou encore Daniel Ellsberg, un ancien fonctionnaire américain qui avait publié des documents top secret relatifs à la guerre du Vietnam en 1971. L'opération est présentée par WikiLeaks dans une vidéo :

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Des négociations secrètes

Aussi connu sous le nom de Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP en anglais), le traité TAFTA est un projet visant à créer un immense marché économique recouvrant les États-Unis et l'Europe.

Depuis le début des négociations à propos de TAFTA en 2013, ce traité — qui concerne un grand nombre de domaines allant de l'environnement aux conditions de travail, en passant par la protection des brevets — a beaucoup fait réagir, notamment en Europe. On lui reproche souvent le caractère trop secret des tractations qui l'entourent.

Dans un communiqué publié ce mardi, WikiLeaks — site connu pour sa publication de câbles diplomatiques et autres documents confidentiels — décrit le contenu du projet de traité comme « le secret le plus recherché d'Europe ».

« Cela représente plus de 800 millions de consommateurs, » explique Vincent Champain, un économiste français, ancien haut fonctionnaire, spécialisé dans l'étude de la coopération internationale, interrogé au téléphone par VICE News ce mercredi après-midi. « Le traité concerne trois grands domaines, » nous indique Champain, « les droits de douane, les normes relatives aux produits et tout un ensemble de règles régissant le commerce entre les deux zones. »

Ensemble, les 27 pays de l'Union Européenne et les États-Unis « créent déjà plus de 40 pour cent de la richesse mondiale, » estime l'économiste.

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Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, la création d'un marché simplifié entre les États-Unis et l'Europe est fréquemment revenue au centre des débats. Le projet en cours est devenu concret en juillet 2013, lors du premier cycle de négociations entre les deux parties.

Suite à cela, neuf autres cycles de négociations ont eu lieu, dont la dernière édition s'est déroulée à Bruxelles entre les 13 et 17 juillet derniers. Comme depuis le début des tractations, deux équipes de négociation étaient présentes autour de la table. Côté américain, la délégation est menée par Michael Froman, le représentant américain au commerce (USTR). Face à eux, l'équipe d'Ignacio Garcia Bercero, négociateur en chef pour le compte de la Commission européenne.

À Bruxelles, un forum des acteurs — ouvert sur inscription aux ONG, associations de consommateurs, syndicats et autres parties prenantes — a été mis en place lors de la dernière édition. L'équipe de négociation de la Commission européenne — dispose également d'un compte Twitter et a publié une note explicative sur le TAFTA en juillet dernier. « Il est impossible de suivre l'évolution du texte, » nous indique Vincent Champain, « mais l'on peut observer une amélioration dans l'écoute du public. »

En octobre 2014, le mandat secret de négociation — qui détaille la mission de l'équipe européenne au sujet du TAFTA — avait par exemple fuité sur Internet.

La question de la transparence des négociations vient rejoindre celle des dispositions du TAFTA, qui divisent largement l'opinion française et européenne.

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Craintes et rumeurs

De nombreux groupes politiques ou citoyens craignent que les États-Unis profitent du TAFTA pour imposer certaines de leurs normes. L'exemple des « poulets au chlore » — en référence à une pratique répandue dans l'industrie alimentaire américaine — a souvent été évoqué lors des manifestations.

Il y a aussi eu la crainte de tribunaux privés capables de condamner un État sur demande d'une entreprise, qui avait suscité la polémique en mai 2014, forçant la commissaire européenne désignée au Commerce, Cecilia Malmström, à intervenir pour dissiper la rumeur.

« Face à ces arguments, on estime que les avantages de ce traité pourraient représenter 500 euros par an de pouvoir d'achat supplémentaire pour les foyers européens, » nous explique Vincent Champain.

Le format de négociation est spécial, en ceci qu'il faudra se mettre d'accord sur tout le texte, et pas sur des bouts de celui-ci.

D'après les responsables de WikiLeaks, le traité TAFTA ne représente qu'une partie de la stratégie américaine, surnommée « les Trois Grands T » par le site, en référence à l'accord de partenariat transpacifique (TPP, il concerne différents pays de la zone Asie-Pacifique) et à l'accord sur le commerce des services (TiSA, qui concerne des pays de l'OMC) — qui sont eux aussi négociés en secret à l'heure actuelle.

Un document qui n'existe peut être pas

D'après Vincent Champain, les conséquences d'une telle opération de Wikileaks, sont, en cas de réussite, « très incertaines ».

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« À la minute où ce texte sera publié, il deviendra caduc, » prévient l'économiste, qui précise que « Le document visé n'existe d'ailleurs pas forcément, il s'agit sûrement d'une multitude de textes dispersés. »

Selon Champain, l'élaboration du traité TAFTA est « presque identique » à la manière dont sont « fabriqués » les projets de loi plus classiques. « Au bout du compte, le traité devra de toute façon être soumis au vote du Parlement européen et des parlements nationaux, » nous précise-t-il.

En 2014, WikiLeaks avait révélé une partie du contenu de l'accord TiSA. Depuis juin, le site soutient une autre collecte de fonds pour obtenir le détail du TPP, pour l'instant sans succès.

Le planning des prochains tours de table du TAFTA n'est pas encore connu. Les observateurs estiment que les parties qui négocient visent un accord sur les termes du traité pour la fin de l'année 2016.

Suivez Pierre-Louis Caron sur Twitter : @pierrelouis_c

Manifestation contre le projet de traité transatlantique en 2015. (Image via Flickr / greensefa )