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Le Venezuela change de fuseau horaire pour faire face à la crise énergétique

L’annonce de changement de fuseau horaire a fermé une semaine riche en nouveautés. Quelques jours auparavant, le gouvernement avait mis en place des black-out quotidiens de 4 heures et avait exigé que les écoles n’ouvrent pas les vendredis.
Photo de Miraflores Press/Via EPA

Les horloges vénézuéliennes ont avancé de 30 minutes ce dimanche. Ce changement d'heure improvisé est la dernière mesure en date prise par le gouvernement de Nicolas Maduro pour répondre à une grave pénurie d'électricité — tout cela dans un contexte de récession économique doublée d'une crise politique.

L'annonce de changement de fuseau horaire vient conclure une semaine riche en nouveautés. Quelques jours auparavant, le gouvernement a mis en place des black-out quotidiens de 4 heures et a exigé que les écoles n'ouvrent pas les vendredis.

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La semaine précédente, le gouvernement avait déjà réduit drastiquement le temps de travail de la plupart des fonctionnaires, qui travaillent désormais deux jours par semaine.

À lire : Les fonctionnaires vénézuéliens contraints de travailler seulement deux jours par semaine

En plus de tout cela, la majorité du pays souffre d'un strict rationnement de l'eau, alors que l'on trouve de moins en moins de nourriture et de produits de première nécessité dans les supermarchés du pays. S'ajoute à cela une inflation à trois chiffres.

« Ce n'est pas une vie, » lance Luzme, qui habite à Maracaibo, la capitale de l'État de Zulia. « Vous finissez par organiser votre journée en fonction des black-out. Puis il faut penser aux coupures d'eau et essayer de trouver quelque chose à manger. »

C'est à Maracaibo que les manifestations contre les diverses pénuries ont été les plus suivies mardi soir dernier. Les manifestants ont mis le feu à des barricades et certains ont pillé des magasins avant que l'armée ne reprenne le contrôle dans la journée de mercredi. Le même jour, l'opposition a commencé à recueillir des signatures pour obliger les autorités électorales à organiser un référendum révocatoire pour démettre Maduro de ses fonctions.

Si les black-out de 4 heures ont seulement été annoncés lundi dernier, les coupures de courant sont quasi quotidiennes en dehors de la capitale depuis le mois de mars.

« Les coupures n'avaient pas été officiellement annoncées, mais on s'est rendu compte que les lumières s'éteignaient tous les jours environ à la même heure, » explique Rubén Rodríguez, qui habite à Valencia dans le nord ouest du pays.

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Un autre habitant de Valencia, Johanna Acosta, nous raconte que les gens avaient commencé à acheter des sacs de glace pour être prêts quand les frigos arrêtaient de fonctionner.

« Je me suis habitué aux bougies maintenant, » dit Frederick, qui habite dans l'État de Barinas. « Au début je trouvais ça romantique, mais cela a trop duré. »

La capitale vénézuélienne, Caracas, est pour le moment plutôt épargnée, mais les locaux commencent à craindre le pire.

Ricardo craint que les coupures de courant impromptues ne viennent à bout de son salon de coiffure de Caracas, alors qu'il a déjà du mal à gérer la pénurie d'eau. « Je ne sais vraiment pas ce qu'on va faire, » dit-il. « On pourrait installer un générateur mais les prix vont s'envoler. »

Plusieurs grandes entreprises ont investi dans des générateurs dès 2010 lors d'une précédente période de black-out. Mais certains expliquent que cette fois-ci les générateurs ne suffisent plus.

« Un générateur marche pendant quelques heures en cas d'urgence, » indique Eliecer Rivero, qui est réceptionniste dans un hôtel de Valencia. « Mais il y a certains jours, où on n'a pas de courant pendant 10 ou 12 heures. »

L'électricité est un problème récurrent au Venezuela à cause de la dépendance du pays à l'énergie hydroélectrique. Le gouvernement estime que la crise actuelle est due à une longue sécheresse qui a commencé en 2013. Cette sécheresse s'est intensifiée cette année à cause du phénomène climatique El Nino — qui accélère la hausse des températures depuis l'Océan Pacifique. D'après le gouvernement, cela aurait pour conséquence que le plus grand barrage du pays est presque à sec.

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Si les niveaux pluviométriques ont diminué de 40 pour cent dans le pays au cours des dernières années, les critiques du gouvernement estiment néanmoins que le manque de planification et le mauvais entretien des infrastructures sont aussi à mettre en cause — des manquements observés depuis le début de la révolution bolivarienne avec l'élection du Président Hugo Chavez, il y a 17 ans.

Et c'est un peu la même histoire pour la question de la pénurie d'eau.

L'ingénieur civil Eduardo Páez-Pumar explique que lorsque Chavez était au pouvoir personne ne faisait vraiment attention aux infrastructures, soit de 1999 à sa mort en 2013. Maduro semble avoir lui aussi reproduit les erreurs de son prédécesseur.

« Ils n'ont construit qu'un seul réservoir pour l'eau potable et ont agrandi un autre dans l'État de Zulia, » explique l'ingénieur. « La population du pays a pourtant augmenté de près de 9 millions de personnes entre-temps. »

Si, comme pour les coupures de courant, ce sont surtout les zones périphériques qui souffrent le plus, certains quartiers de la capitale font face depuis un moment à d'importantes pénuries d'eau.

« Je n'ai pas d'eau chez moi depuis 5 jours, » lâche Eliezer, qui habite dans le quartier de La Pastora dans l'ouest de Caracas. Il explique qu'il va se fournir en eau chez des amis qui ne subissent pas les coupures. « C'est très compliqué pour mes enfants et pour la cuisine. Nous avons atteint la limite là. »

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Alejandra Gomez, qui vit à Chacao, un quartier peuplé par la classe moyenne de Caracas, explique qu'elle a un réservoir d'eau chez elle. Problème, il n'est jamais assez plein pour laver ses vêtements, donc elle paye un fermier pas loin pour le faire. « Je lui envoie tout, sauf les sous-vêtements que je lave à la main tant bien que mal, » dit-elle. « Cela serait vraiment trop embrassant. »

Dans certaines parties du pays, les docteurs commencent aussi à observer une augmentation des maladies de la peau comme la gale. Miguel Viscuña, un épidemiologiste de l'État de Miranda, explique que le nombre de cas dans la région a augmenté de 40 pour cent cette année. Il a ajouté que la situation s'aggravait à cause du manque de produits hygiéniques.

Pendant ce temps, le président Maduro demande aux Vénézuéliens de se serrer les coudes dans ces temps difficiles.

« J'appelle à l'union et à la loyauté totale et absolue envers l'héritage de Chavez, » a déclaré Maduro mardi dernier. « Et aussi envers moi, le président de la république qui suis en charge de mettre en oeuvre l'héritage du Comandante Chavez. »

Le président dénonce les manifestants de mardi soir, qui seraient des « infiltrés » envoyés par ses opposants politiques. « La folle droite ne comprend pas qu'une famille doit se rassembler lors des moments compliqués, » a déclaré Maduro. « Ils cherchent à créer un climat violent. »

L'opposition a ainsi saisi l'occasion pour commencer à recueillir des signatures visant à forcer un référendum pour décider de l'avenir politique de Maduro.

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« Voilà une file d'attente dans laquelle je suis content d'attendre, » nous a dit Hector, alors qu'il patientait pour signer la pétition à Caracas. Il faisait référence aux queues interminables devant les supermarchés.

La première partie du processus requiert que l'opposition obtienne 196 000 signatures — ce qui correspond à un pour cent des électeurs vénézuéliens. Ces signatures doivent ensuite être authentifiées. Puis, la deuxième étape consiste à obtenir près de 4 millions de signatures (20 pour cent des électeurs). Celles-ci doivent aussi être authentifiées avant que les autorités électorales organisent le référendum.

Samedi dernier, le candidat à deux présidentielles et actuel gouverneur, Henrique Capriles Radonski, a assuré que l'opposition s'approchait déjà des deux millions de signatures. « Nous n'avons pas besoin de plus, » a tweeté le gouverneur. « Vous signerez quand il faudra atteindre les 20 pour cent. »

Cependant, l'avenir n'est pas si noir pour Maduro et son gouvernement — et la délivrance pourrait bien venir du ciel. Le phénomène climatique La Niña (le contraire d'El Niño) pourrait bien arriver. Ce phénomène pourrait amener suffisamment de pluie pour au moins relancer le courant et l'eau courante pour un moment.


Suivez Alicia Hernandez sur Twitter : @por_puesto

Cet article a d'abord été publié sur la version anglophone de VICE News.