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Crime

L’Écosse veut augmenter le prix de l’alcool pour faire baisser l’alcoolisme dans le pays

Le gouvernement écossais se mobilise depuis un moment contre les distilleries et autres, qu'il accuse d'inonder le pays avec de l'alcool pas cher.
Photo via Flickr

Le gouvernement écossais se mobilise depuis un moment contre les distilleries et autres, qu'il accuse d'inonder le pays avec de l'alcool pas cher. Les cuites sont tellement bon marché en Écosse, qu'elles seraient responsables d'une augmentation inquiétante des maladies du foie, des cirrhoses, de la criminalité et des jours de travail perdus à cause d'une vilaine gueule de bois.

Au centre de cette bataille, on trouve une loi écossaise qui vise à rendre plus cher l'alcool bon marché, afin d'éviter aux passionnés de la bouteille de trop en abuser.

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« Ce qui cause le plus de problèmes, ce sont les bouteilles de cidres et de vodkas pas chères, » explique Eric Carlin, directeur de la Scottish Health Action on Alcohol Problems, une association de professionnels de la santé qui soutiennent la loi. « Il s'agit juste d'augmenter le prix plancher. »

Mais ce mercredi, la Cour européenne de justice a estimé que les tribunaux écossais vont devoir déterminer si cette loi controversée est justifiée ou non. Adoptée en 2012, puis retardée à cause de contestations judiciaires, la loi impose un prix minimum de 0,50 livre (0,68 euro) pour chaque unité d'alcool — soit environ 10 millilitres. Avec cette loi, il en coûterait au minimum 19 euros pour une bouteille de whisky bas de gamme.

Puisque la loi peut représenter une distorsion de concurrence, la Cour européenne estime que la loi écossaise viole les règles commerciales de l'Union européenne. Mais la Cour laisse encore la possibilité aux Écossais d'imposer un prix minimum si tant est que les tribunaux écossais parviennent à déterminer que l'augmentation des taxes sur l'alcool permet de réduire la consommation d'alcool.

« La Cour de Justice estime que les effets de la loi écossaise restreignent significativement le marché. Cela pourrait être évité avec l'introduction d'une mesure fiscale prévue pour augmenter le prix de l'alcool, plutôt que d'imposer un prix minimum par unité d'alcool, » explique la Cour européenne.

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Une proposition qui a plu aux professionnels de l'industrie des spiritueux.

« Cette décision ouvre la voie à un débat et nous permet de lutter contre l'abus d'alcool avec des mesures pratiques qui marchent, » peut-on lire dans un communiqué de David Frost, le directeur de la Scotch Whisky Association, qui avait saisi la Cour européenne de justice.

Mais Carlin et d'autres partisans de la loi estiment que rendre l'alcool plus coûteux est toujours la meilleure manière de réduire la consommation d'alcool.

L'apparition de supermarchés en Écosse dans les années 1980 a permis aux commerçants de faire baisser de manière substantielle les prix de l'alcool, explique Carlin. Ce revirement a changé la manière dont les Écossais boivent.

« C'est un exemple classique de l'industrie qui voit une opportunité et s'y infiltre, » note Carlin. « Maintenant, tout ce qu'ils font, c'est nous combattre avec férocité. »

Alors que les Écossais ont bu pendant des années dans les pubs à heure fixe, les supermarchés ont changé les habitudes de consommation — les gens ont commencé à se jeter plusieurs petits coups derrière la cravate en rentrant chez eux, d'après un rapport du gouvernement écossais. En 1980, les Écossais buvaient moins d'un quart de l'alcool acheté à leur domicile. Aujourd'hui, la moitié de l'alcool acheté est consommée à la maison, d'après le rapport.

Pour le gouvernement, ces résultats signifient que leurs concitoyens boivent trop.

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« Il est de plus en plus clair qu'en tant que nation, notre relation avec l'alcool est devenue déséquilibrée, » peut-on lire sur un site Internet des services de santé du gouvernement.

La consommation d'alcool en Écosse a augmenté de 5 pour cent depuis 1994, d'après des données gouvernementales. Cela peut paraître faible, mais la consommation d'alcool a augmenté de 19 pour cent depuis 1980. Les admissions à l'hôpital pour des maladies liées à l'alcool ont quadruplé depuis les années 1980. Aujourd'hui, 45 pour cent des détenus écossais étaient ivres au moment des faits. L'abus d'alcool coûte chaque année 4,9 milliards de dollars à la collectivité pour notamment couvrir les frais de santé et de police — ce qui représente 1 222 euros par Écossais et par an.

David Frost, de la Scotch Whisky Association, indique que les morts liées à l'alcool ont baissé d'un tiers au cours de la dernière décennie en Écosse, ce qui prouve selon lui qu'il y a une exagération des problèmes sociaux et sanitaires liés à l'alcool.

Mais les partisans de la loi notent que cette baisse du taux de mortalité est avant tout due aux progrès des programmes d'aide pour les gros buveurs. Ils rappellent aussi que les morts liées à l'alcool en Écosse ont en réalité augmenté de 140 pour cent depuis 1981.

Les enfants boivent aussi de plus en plus.

« J'ai des jeunes gens de 14 ans qui me disent qu'ils ne vont pas boire d'alcopops [Ndlr, des boissons alcoolisées aromatisées], parce que les alcopops sont pour les enfants, » explique Carlin.

Tout le monde en Écosse connaît quelqu'un dont la famille a été ravagée par l'alcool, ajoute-t-il. La loi de 2012 avait largement été adoptée par le Parlement écossais, et la plus haute Cour civile du pays avait rejeté la première contestation de la loi émise par la Scotch Whisky Association — obligeant la Cour européenne à examiner la loi. Carlin pense que les cours locales vont soutenir la loi, ce qui va permettre de retrouver un niveau de consommation d'alcool raisonnable.

« On boit 50 pour cent plus que les Anglais, » dit-il. « Pourtant, cela n'a pas toujours été comme ça. »

Suivez John Dyer sur Twitter : @johnjdyerjr