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Drogue

Légalisation du cannabis : à peine rouvert, le débat est refermé par le gouvernement

Le porte-parole du gouvernement a répondu par la négative à l’invitation de Jean-Marie Le Guen — secrétaire d’État et proche du Premier ministre Manuel Valls — qui a plaidé lundi soir pour une « discussion » portant sur la dépénalisation du cannabis.
Photo via Flickr / West Midlands Police

« La prohibition n'amène pas la diminution de la consommation. Notre pays est l'un de ceux qui consomment le plus dans la jeunesse », a déclaré ce lundi soir Jean-Marie Le Guen — secrétaire d'État chargé des relations avec le parlement et proche du Premier ministre Manuel Valls — alors qu'il était interrogé sur la légalisation du cannabis par une journaliste de la chaîne BMFTV. « La prohibition du cannabis en France mérite d'être discutée », a-t-il répété.

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Médecin de formation, Le Guen a plaidé pour une politique d'accompagnement des consommateurs, visant à « armer les jeunes pour véritablement les convaincre ». « Je suis un homme de santé publique. Je me suis toujours battu contre la consommation d'alcool, de tabac, et je me battrai toujours contre la consommation de cannabis chez les jeunes », a-t-il précisé. Face aux caméras, le secrétaire d'État a évoqué une dépénalisation « sélective » réservée aux majeurs de plus de 21 ans et pour un usage strictement privé.

À lire : La Suisse pourrait bientôt fournir du cannabis à des mineurs pour les accompagner dans leur consommation

Jean-Marie Le Guen a par ailleurs évoqué les enjeux économiques des politiques de répression actuelles. « Il faut faire cesser les trafics. Des milliards d'euros sont aujourd'hui dans nos banlieues et viennent alimenter une culture de l'illégalité, du refus du travail », a-t-il souligné, en parlant d'un phénomène de « gangsterrorisation » nourri par le contexte actuel.

D'après l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), la France compterait 4,6 millions de consommateurs de cannabis occasionnels, dont plus de 700 000 usagers quotidiens. L'herbe est la drogue numéro 1 dans l'Hexagone et séduit particulièrement les jeunes, qui s'exposent à des peines pouvant aller jusqu'à 1 an de prison et 3 800 euros d'amende pour possession, et de 10 à 20 ans de prison pour trafic ou production.

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Même si Jean-Marie Le Guen a pris soin de préciser qu'il s'exprimait à titre personnel ce lundi soir, ses propos ont provoqué une levée de boucliers à la fois dans l'opposition et au sein du gouvernement. Le maire de Bordeaux Alain Juppé (LR) a par exemple fustigé les propos de Le Guen sur Twitter ce mardi matin.

Dépénaliser le cannabis:un 'coup' pour plaire à certains jeunes en divisant les Français.Je suis résolument contre ce signal de relâchement

— Alain Juppé (@alainjuppe)12 avril 2016

Cité par Le Parisien, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a déclaré ce mardi matin qu'il n'y avait « aucune piste de travail ni de réflexion engagée au gouvernement » concernant une éventuelle légalisation du cannabis. « Tout ça ne sert à rien, il y a une politique qui est conduite, elle est exprimée par le Premier ministre, elle est suivie par les ministres », a-t-il tranché.

Depuis l'arrivée de François Hollande au pouvoir en 2012, plusieurs cadres du gouvernement ont tenté d'ouvrir le débat sur la dépénalisation du cannabis, sans succès. En juin 2012, à peine nommée ministre du Logement, l'écologiste Cécile Duflot avait provoqué la polémique en appelant ouvertement à « considérer que le cannabis, c'est comme l'alcool et le tabac, même régime ». Une position qui n'avait jamais été celle de François Hollande durant la campagne de 2012, et qui avait alors donné lieu à une mise au point cinglante de la part du reste du gouvernement.

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En octobre 2012, c'était au tour de Vincent Peillon, à l'époque ministre de l'Éducation, de rouvrir le débat en s'étonnant « du côté un peu retardataire de la France » en matière de lutte contre la drogue. Face aux démentis du gouvernement, Vincent Peillon s'était finalement fendu d'un communiqué de deux phrases afin de préciser qu'il s'agissait là d'une « réflexion personnelle ».

La ligne dure de la France envers le cannabis contraste avec l'approche de ses voisins européens et de certains de ses partenaires internationaux, qui ont été nombreux à voter la légalisation totale ou partielle de l'herbe ces dernières années.

Hasard du calendrier ou communication contrôlée, les propos de Jean-Marie Le Guen interviennent une semaine avant l'ouverture d'une session extraordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU, qui devra décider le 21 avril prochain de quelle manière les Nations Unies lutteront contre la drogue dans les années à venir.

En février dernier, l'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, avait à ce titre publié une tribune engagée dans le journal allemand Der Spiegel, pour demander la fin de la prohibition des drogues et davantage de mesures médicales à destination des usagers. « Globalement, la guerre contre la drogue a échoué […], je pense que de nombreuses vies ont été détruites par la drogue, mais plus encore par les mauvaises politiques gouvernementales », écrivait-il alors.

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À lire : À la conférence de l'ONU sur les drogues : les drôles de stands des pays les plus sévères en matière de stupéfiants


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