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FRANCE

Les attentats de janvier ont davantage resserré le lien social qu’opposé les communautés en France

Un bilan annuel du rapport entre les Français et le racisme pointe une recrudescence des préjugés antisémites, une crispation à l’encontre des musulmans et un racisme anti-Rom, mais identifie aussi une part de Français résistants au racisme.
Image VICE News / Etienne Rouillon

Le nombre de français sensibles aux messages xénophobes et racistes pourrait avoir atteint un seuil « plancher » d'après le rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) qui fait l'état des lieux du racisme en France en 2014. Publié ce jeudi, l'indice de tolérance utilisé par les auteurs du rapport établit que la tolérance globale du pays a augmenté, mais que certaines minorités demeurent la cible de racisme. Autrement dit, malgré des conditions propices à l'intolérance, on identifie une part de français « qui résistent aux messages racistes ou xénophobes quelles que soient les circonstances » explique le rapport.

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Pour ce qui est du climat social ambiant, les auteurs de l'étude relèvent que les Français sont moins inquiétés par la précarité, mais que le terrorisme est devenu une préoccupation prégnante. L'étude a été réalisée peu de temps après la décapitation de l'otage français Hervé Gourdel en Algérie, par un groupe se réclamant de l'organisation État islamique (EI). Considérant que les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 (avec notamment les attaques de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher) ne pouvaient être éludés de cette étude, qui a été réalisée sur l'année 2014, les auteurs ont fait un sondage « flash » (c'est-à-dire effectué sur dix jours au lieu d'un mois habituel) pour mesurer l'évolution de l'opinion après ces événements.

Un instantané « post-Charlie »

D'après les chercheurs de la CNCDH, la société française dans son ensemble n'a pas fait l'amalgame entre les auteurs des attentats et leur origine : la tolérance à l'égard des Noirs, des musulmans et des Maghrébins progresse. Christine Lazerges, estime que « devant les tragiques événements, le lien social s'est resserré plutôt que distendu. »

Cependant le nombre d'actes islamophobes a explosé pendant les semaines qui ont suivi les attentats. Contactée par nos soins, la CNCDH interprète cette contradiction apparente comme un résultat de la cohésion nationale qui a suivi les attentats, qui auraient poussé les gens, plus conscients qu'il s'agissait d'actes condamnables, à porter plainte. 30 pour cent des personnes interrogées se sont rendues à une marche en hommage aux victimes, et 35 pour cent ne l'ont pas fait, mais auraient souhaité s'y rendre.

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La résurgence de vieux préjugés antisémites

Avant même les attentats, qui ont touché la communauté juive en France, les actes antisémites ont augmenté, de plus 100 pour cent par rapport à 2013. La présidente de la CNCDH explique à Libération que « Les juifs sont vus ultra majoritairement comme des Français comme les autres, mais ils sont aussi associés négativement aux lieux de pouvoir, à l'argent… » Un pic a été noté en juin, juillet et août 2014, période durant laquelle une guerre a eu lieu à Gaza.

Réalisé en novembre 2014, le rapport ne prend pas en compte le cambriolage de Créteil, où un couple avait été pris pour cible par des hommes qui pensaient qu'ils avaient forcément de l'argent, puisque juifs. Ce fait divers, qui a été qualifié d'agression antisémite illustre le phénomène de permanence des préjugés anciens pointé par la CNCDH.

Le rejet des pratiques liées à l'islam

Les pratiques de la communauté juive sont toutefois les mieux acceptées par les Français, tandis que 45 pour cent des personnes interrogées ont une opinion négative de l'Islam, et quatre Français sur dix considèrent que l'interdiction de manger du porc ou de boire de l'alcool constitue un obstacle à la vie en société. Certaines personnes interrogées voudraient voir la laïcité faire « rempart » à cette religion. « La laïcité n'est plus un outil d'apaisement mais un prétexte au rejet des différences », explique Christine Lazerges.

Le rapport note enfin une inquiétante banalisation du sentiment anti-Rom, nourri par des préjugés tenaces couplés à un sentiment anti-immigration. La CNCDH regrette que ces préjugés soient « institutionnalisés » par l'évacuation systématique des bidonvilles dans lesquels les Roms sont installés.

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Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter : @meloboucho