FYI.

This story is over 5 years old.

Crime

Les missiles hypersoniques pourraient bientôt être une réalité

D'ici 2020, les forces aériennes de l'armée des États-Unis pourraient être dotées de prototypes d'armes hypersoniques.
Un test de moteur hypersonique. Photo via Pratt-Whitney Rocketdyne

D'ici 2020, les forces aériennes de l'armée des États-Unis seront dotées de prototypes d'armes hypersoniques. Du moins, si l'on en croit le général de division Thomas Masiello, commandant du Laboratoire de Recherche des Forces Aériennes, qui a annoncé la nouvelle lors du colloque sur la sécurité aérienne de l'Air Force Association, tenu à Orlando, en Floride.

Cela pourrait vouloir dire que les armes hypersoniques viennent tout juste d'émerger de ce que les ingénieurs et les responsables de programmes appellent la "Vallée de la Mort" — sorte de limbes où de nombreuses bonnes idées vont mourir. Développer une idée depuis la table à dessin jusqu'au stade opérationnel coûte cher. La phase de développement où le projet devient particulièrement coûteux se situe justement au moment où le niveau de confiance des investisseurs potentiels est faible. Mais tout projet d'armement qui émerge de ce qu'on appelle la Vallée de la Mort a de grandes chances de finir dans l'arsenal de l'armée américaine.

Publicité

Néanmoins, 2020 reste un objectif ambitieux, car la technologie hypersonique est une technologie difficile à maîtriser. La vitesse hypersonique commence plus ou moins à partir de Mach 5 — environ 1,7 km à la seconde, soit cinq fois plus rapide que la vitesse du son. C'est ce que beaucoup de gens considèrent comme étant la vitesse minimum pour pouvoir parler de vitesse hypersonique. La vitesse hypersonique maximum, elle, se situe aux alentours de Mach 25 (du moins, selon certains). La fourchette définie par les lois de la physique est plus difficile à déterminer.

Un objet qui voyage à une vitesse hypersonique se déplace si rapidement qu'il génère suffisamment de chaleur, d'onde de choc et de pression pour modifier la composition chimique (et donc, les propriétés aérodynamiques) de l'air. Cette perturbation devient critique à partir de Mach 5. Mais il est difficile de déterminer à quel moment précis la transition a lieu. Plus la vitesse est rapide, plus les difficultés techniques deviennent complexes.

Le problème principal concerne la modélisation informatique de la vitesse hypersonique. La charge thermique est aussi un énorme problème. Ajoutez à cela le défi de garder un moteur à réaction allumé à 5 000 km/heure et… Bref, tout cela est très compliqué.

Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est que tout ce qui touche à la technologie hypersonique est vachement compliqué, même pour les cerveaux de la NASA et de l'Agence pour les Projets de Recherche Avancée de la Défense (DARPA).

Publicité

Malgré les difficultés liées au développement de la technologie hypersonique, les ingénieurs de l'aviation s'intéressent au problème depuis de nombreuses années. Dès l'introduction des premiers avions de chasse, les ingénieurs se sont demandés comment les accélérer pour en faire des armes de combat plus performantes. Dans les années 1960, les ingénieurs se sont retrouvés dans une impasse aux alentours de Mach 3 ou 4, après quoi il est difficile et particulièrement coûteux d'accroître la vitesse.

Les ingénieurs ont abandonné leur quête d'une vitesse toujours plus rapide dans les années 1970, et se sont alors concentrés sur le camouflage des avions. Au début, ils ont créé des avions capables de voler à basse altitude pour échapper aux radars ennemis. Ensuite, ils ont développé la technologie furtive, qui rend les avions encore plus invisibles.

Dans un sens, la furtivité et la technologie hypersonique représentent deux solutions diamétralement opposées au même problème: comment éviter de se faire abattre. La furtivité consiste à se transformer en véritable ninja pour paraître invisible aux yeux de l'ennemi. Les véhicules hypersoniques, eux, se déplacent tellement vite qu'ils génèrent une quantité énorme de chaleur — ce qui les rend, au contraire, extrêmement visibles. D'un autre côté, ils sont tellement rapides qu'il est très difficile de les intercepter et de les abattre.

Mais ce n'est pas tout. Les avions hypersoniques peuvent se rendre n'importe où, et ce, extrêmement vite — une fonction importante pour quiconque veut pouvoir réagir rapidement à un évènement qui a lieu dans un endroit très éloigné. Un avantage incontestable pour un pays comme les États-Unis.

Publicité

Les États-Unis contrôlent déjà un réseau mondial de satellites et de drones de reconnaissance. Le pays ne manque donc pas d'opportunités de trouver des cibles critiques et urgentes. Le problème est que ces cibles sont souvent très éloignées et que l'armée ne peut donc pas faire grand-chose. Même si vos bombardiers sont disponibles, ça ne sert à rien de donner l'ordre de décoller s'il va leur falloir 12 heures pour rejoindre la cible.

À une ou deux reprises avant le 11 septembre, les États-Unis ont repéré Osama Ben Laden et ses acolytes dans des camps d'entraînement en Afghanistan. Malheureusement, les missiles de croisière qu'ils ont envoyés pour les neutraliser ont atteint leur cible bien trop tard. Dommage d'envoyer des armes sophistiquées qui valent des millions de dollars sur une cible, lorsque vos ennemis ont quitté les lieux huit heures auparavant…

La technologie hypersonique permettrait de construire des systèmes capables de frapper n'importe quel endroit de la planète en moins d'une heure. Voilà ce qui a motivé le projet Prompt Global Strike (PGS) — projet sur lequel les ingénieurs se penchent depuis plus de dix ans.

Les arguments pour et contre ce type d'armement sont nombreux. Les détracteurs ont souligné le risque de déclencher une guerre nucléaire accidentelle, puisqu'il est difficile de faire la différence entre une bombe nucléaire et une frappe hypersonique. Mais ça, ce sera pour un autre article.

Publicité

La portée de tir de ces armes est un facteur de plus en plus important. Alors que les États-Unis sont embourbés dans des conflits difficiles, dits 'à faible technologie,' au Moyen-Orient et aux alentours, la Russie et la Chine développent des avions et des missiles aussi performants que ceux de l'armée américaine. Ils essayent notamment de développer des missiles antiaériens et antinavires de longue portée, capables de repousser les forces américaines afin de les mettre hors d'état de nuire. Mais même s'ils réussissent à les développer, ce genre d'armes demeure inefficace face aux armes hypersoniques.

Même s'il est quasiment certain que les armes hypersoniques coûteront plus cher que les armes classiques, la fusion des deux pourrait avoir des résultats très intéressants. Admettons que vous vouliez lancer une attaque majeure pour saturer les défenses ennemies. Il vous suffirait d'ajouter quelques missiles hypersoniques à votre arsenal pour faire tomber quelques défenses et préparer le terrain pour les autres missiles.

Les armes hypersoniques peuvent également être équipées de petites ogives pour garantir les mêmes dommages qu'une arme classique. (Envoyer quoi que ce soit sur une cible à une vitesse dix fois plus rapide que la vitesse du son va forcément causer des dégâts énormes…). À Mach 12.5, une ogive de 450kg a une énergie cinétique équivalente à 450kg de TNT. Ce niveau d'énergie est particulièrement utile pour atteindre des cibles reculées, comme le QG du Grand Méchant Loup. Ou bien une installation nucléaire ou un bunker de commandement.

Publicité

Les missiles hypersoniques pourraient donc bientôt quitter la Vallée de la Mort. Toute nouvelle technologie passe par plusieurs phases de développement: ça part d'un concept et d'une poignée de calculs, ça passe par des démonstrations de la technologie de base, et ça va jusqu'au produit opérationnel. C'est généralement dans la phase au milieu que les programmes et les idées se meurent.

Tous ces calculs, ces simulations et ces maquettes sont plutôt abordables au départ. Mais il vient un moment où les maquettes informatisées ne suffisent plus, et où l'on est contraint de construire le matériel pour pouvoir le tester en vrai. C'est alors que les frais s'accumulent.

D'un autre côté, difficile de convaincre les investisseurs de donner de l'argent à une technologie qui est mal comprise et n'est pas encore fiable. Rares sont les programmes qui veulent assumer les frais et les risques associés à l'utilisation d'une technologie non aboutie.

Cela fait un demi-siècle que la technologie hypersonique fait partie des technologies dites « du futur ». Mais beaucoup de ces technologies futures sont aujourd'hui reléguées au rang d'objets historiques. D'autres, comme la fusion, paraissent insurmontables. Les dirigeables, qui ne sont pourtant pas tellement un défi au niveau technique, n'ont jamais réussi à trouver leur place sur le marché. De nombreuses technologies qui n'ont pas encore vu le jour sont réalisables ou peuvent être facilement améliorées mais languissent, faute d'investisseurs.

Publicité

La technologie hypersonique n'est pas une mais multiple : aérodynamique, propulsion, refroidissement, etc. Il ne s'agira donc pas de faire sortir une seule technologie de la Vallée de la Mort, mais de ressusciter toute une famille de technologies.


Suivre Ryan Faith sur Twitter: @Operation_Ryan

Cet article a d'abord été publié sur la version anglophone de VICE News

Suivez VICE News sur Twitter : @vicenewsFR