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FRANCE

Les questions posées par la mise en examen de Nicolas Sarkozy

Ce mardi soir, le président du parti Les Républicains a été mis en examen pour « financement illégal de campagne électorale », coupable d’avoir dépassé en 2012 le plafond budgétaire.
Image via World Economic Forum

Alors que la bataille pour la primaire à droite en France, en vue des présidentielles de 2017, se précise, l'ex-président de la République, Nicolas Sarkozy, se retrouve mis en examen ce mardi 16 février pour « financement illégal » de sa campagne de 2012. L'actuel président du principal parti d'opposition a toujours nié avoir été au courant d'un montage financier qui lui aurait permis de dépenser plus qu'autorisé.

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Si son avocat semble confiant au lendemain de la mise en examen, le rêve présidentiel du patron du parti Les Républicains (ex-UMP), pourrait être en train de s'évaporer, alors que son premier concurrent, Alain Juppé, le devance dans les sondages.

Pourquoi Nicolas Sarkozy est-il inquiété ?

Le procureur de la République de Paris, François Molins, a annoncé ce mardi soir, suite à une longue audition de Nicolas Sarkozy, que le président du parti Les Républicains « a été mis en examen pour le chef de financement illégal de campagne électorale pour avoir, en qualité de candidat, dépassé le plafond légal de dépenses électorales, » lors de la campagne présidentielle de 2012. Une élection finalement remportée par François Hollande.

La loi française prévoit que les candidats aux présidentielles peuvent dépenser 22,509 millions d'euros pour financer meetings, affiches, déplacements de militants et autres événements. Mais selon les dernières estimations, le candidat Sarkozy aurait dépensé près 50 millions d'euros en 2012 — explosant de fait le plafond légal des frais de campagne.

Pour l'avocat de Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog, cette mise en examen est un motif de « satisfaction ». En effet, Herzog rappelle que le Conseil constitutionnel « a déjà jugé ce dépassement de compte de campagne en infligeant une pénalité de dépassement » que Sarkozy a payé en juillet 2013. Ainsi selon son avocat, Sarkozy aurait déjà payé sa dette dans cette affaire.

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Ce que Herzog ne dit pas, c'est que le Conseil Constitutionnel avait puni Sarkozy pour un dépassement de seulement quelques centaines de milliers d'euros, et non de plusieurs millions.

Autre satisfaction selon Me Herzog, son client est uniquement placé sous statut de témoin assisté (et pas mis en examen) pour les chefs d'accusation d'usage de faux, escroquerie et abus de confiance dans la désormais célèbre affaire Bygmalion. Ce statut de témoin assisté signifie selon Herzog que « l'affaire Bygmalion a été considérée comme ne concernant pas Nicolas Sarkozy. »

Que risque Nicolas Sarkozy juridiquement et politiquement ?

"Au terme d'une mise en examen, la justice prononce habituellement soit un non-lieu, soit le renvoi devant un tribunal de l'individu, qui devient alors un prévenu", a expliqué à VICE News ce mercredi matin, Alexandre Labetoule du cabinet CLL Avocats. Cet avocat parisien est habitué à intervenir dans des affaires électorales,

D'après le code pénal, Nicolas Sarkozy risque en cas de poursuites une amende de 3 750 euros et une peine pouvant aller jusqu'à 1 an de prison, ou seulement l'une des deux. « La justice peut choisir la peine en appréciant plusieurs caractères, comme l'ampleur du dépassement ou le contexte général de l'affaire », nous a expliqué Alexandre Labetoule, qui estime qu'il est "peu probable" qu'une peine de prison soit finalement prononcée.

Pour cet avocat, les risques qui pèsent sur Nicolas Sarkozy sont essentiellement « d'ordre politique ». « Ce n'est pas un atout que d'avoir une épée de Damoclès au dessus de sa tête durant une campagne électorale », nous a-t-il dit.

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En effet, Sarkozy se retrouve devancé par son rival le plus sérieux, Alain Juppé, dans la course aux primaires de la droite, alors qu'un troisième prétendant de poids, Jean-François Copé, est rentré dans la course à la primaire depuis quelques jours. La primaire est attendue à l'automne 2016.

Qu'est-ce que l'affaire Bygmalion ?

Pour pouvoir financer la fastueuse campagne, les équipes de Nicolas Sarkozy à l'UMP (l'ancien nom du parti Les Républicains) auraient eu recours à un système de fausses factures avec une agence de communication baptisée Bygmalion, qui s'occupait d'organiser divers événements de la campagne Sarkozy de 2012.

Le principe des fausses factures est relativement simple. Au lieu de faire payer les frais de campagne à l'Association pour le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy (comme le prévoit la loi électorale), Bygmalion adressait les factures à l'UMP. Ainsi, les comptes de l'association de financement restaient dans les bornes prévues par la loi, et le candidat Sarkozy pouvait financer des événements grâce à l'argent du parti.

À l'époque, l'UMP était présidé par Jean-François Copé, un proche des deux cofondateurs de Bygmalion, Bastien Millot et Guy Alvès. Copé a lui aussi été placé sous le statut de témoin assisté la semaine passée dans cette affaire Bygmalion.

Un autre protagoniste de cette affaire est Jérôme Lavrilleux, le directeur adjoint de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, qui a participé à l'organisation de 44 meetings entre janvier et mai 2012. Par exemple, le meeting de La Concorde du candidat Sarkozy aurait coûté plus de 2 millions d'euros, alors que seulement 180 000 euros ont été déclarés sur les comptes de campagnes, selon Mediapart. Dès mai 2014, Jérôme Lavrilleux avait avoué sur BFM-TV que certains meetings avaient bien été payés par le parti.

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Que veut savoir la justice ?

La question principale qui reste en suspens est de savoir si Nicolas Sarkozy était au courant de ce système de fausses factures ou non.

En septembre dernier, Sarkozy est entendu par les enquêteurs de la brigade anticorruption sur cette affaire. « J'étais préoccupé [par le fait] de gagner les élections, » expliquait-il à l'époque aux enquêteurs pour souligner le fait qu'il n'en savait rien. « Quant à la maîtrise des coûts, elle relevait de la responsabilité de mon équipe, » indiquait le patron des Républicains, qui assure n'avoir jamais entendu parler de ces dépassements budgétaires.

Pourtant, le 28 avril 2012 (quelques jours avant le second tour), Guillaume Lambert, le directeur de campagne de Sarkozy envoie un texto à Lavrilleux, « Nous n'avons plus d'argent. JFC [Ndlr,Jean-François Copé] en a parlé au PR [Ndlr, président de la République, soit Nicolas Sarkozy] ». Ce SMS attesterait que Sarkozy a été mis au parfum — ce qu'il a fermement démenti lors de l'audition de septembre dernier.

En octobre dernier, Jérôme Lavrilleux témoigne dans L'Obs et charge Nicolas Sarkozy. « Il ne faudrait plus appeler cette affaire "Bygmalion", mais celle des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy, » assure Lavrilleux. « Il n'y a que Nicolas Sarkozy pour dire dans sa déposition que cette affaire ne concerne pas sa campagne… »

Nicolas Sarkozy a-t-il déjà été mis en examen ?

En juillet 2014, Nicolas Sarkozy avait déjà été mis en examen dans « l'affaire des écoutes » pour « corruption active », « trafic d'influence » et « recel de violation du secret professionnel ». On reprochait à l'ex-président d'avoir eu recours à un réseau d'informateurs installés au sein de la justice et de la police pour être mis au courant de diverses procédures judiciaires qui le visaient.

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Un haut magistrat, Gilbert Azibert, aurait renseigné Sarkozy par le biais de son avocat, Thierry Herzog, sur l'avancée de la procédure Bettencourt (Sarkozy était accusé d'avoir profité de la milliardaire pour financer sa campagne de 2007, mais il bénéficiera finalement d'un non-lieu). En échange de ces informations, Sarkozy aurait promis à Azibert un poste de prestige à Monaco.

Toutes ces informations ont été saisies par la justice alors que Sarkozy et Herzog avaient été mis sur écoute dans une autre affaire concernant un possible financement libyen de la campagne de 2007. Sarkozy attend encore le verdict de cette affaire des écoutes, celui-ci pourrait arriver dans les mois qui viennent.

À lire : Or noir, Nicolas Sarkozy, Kadhafi et intervention en Libye — L'étrange équation retrouvée dans les mails d'Hillary Clinton


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Image via World Economic Forum