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Brésil

Malgré la grève de la police, les Brésiliens de Vitória tentent de reprendre une vie normale

Depuis début février, une vague de violence inédite frappe l'État du Espirito Santo suite à une grève de la police. Avec l'armée qui patrouille les rues, les locaux ressortent peu à peu de chez eux.
À Vitoria, dans l'État du Espirito Santo, une femme rentre de la plage en passant devant des militaires, le 8 février 2017. REUTERS/Paulo Whitaker

Dans le petit État côtier brésilien d'Espírito Santo, la vie est rythmée par des scènes de chaos et de peur depuis que la police militaire de l'État s'est mise en grève, le 3 février dernier. Près de quinze jours après le début du mouvement, les habitants de la ville ont recommencé à sortir et à aller à la plage.

La situation ne s'est pourtant pas particulièrement améliorée. Selon le Syndicat des policiers civils de l'État du Espírito Santo (SIndipol), 149 personnes ont été tuées depuis le début de cette crise.

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Certains habitants indiquent néanmoins que les actes criminels sont moins fréquents à Vitória, la capitale de l'État, depuis que l'armée et les forces nationales ont été déployées pour assurer la sécurité des rues, le 6 février. « Pendant deux jours, il n'y a eu aucun incident dans mon quartier », expliquait ce lundi à VICE News, Rafael Ferreira, un habitant de Vitória. « Avant la crise, on était autour de deux incidents [criminels] par jour en moyenne. »

Selon l'édition brésilienne du quotidien espagnol El País, les habitants de cette ville de 2 millions d'habitants ont recommencé à sortir dans les rues au cours du week-end dernier. Les transports publics ont recommencé à circuler entre 7 heures et 17 heures. Les plages et bars n'étaient plus désertés et les commerces ont rouvert ce lundi, quoiqu'avec des horaires restreints.

Plus de 3 000 membres de l'armée et des forces nationales sont actifs dans l'Espírito Santo actuellement. Les autorités ont renouvelé leur présence suite à un décret publié ce mercredi, indique le journal local A Tribuna, et doivent donc rester déployées jusqu'à mi-mars.

« Je n'ai vu aucun soldat, aucun policier »

« Je ne sais vraiment pas où ils sont ! », se demande néanmoins Thaís Delfino, une habitante de Vitória, jointe par VICE News. « Je suis sortie avant-hier [lundi] et je n'ai vu aucun policier, aucun soldat, alors que s'il y a un quartier qui devrait être sécurisé, c'est celui-ci », nous raconte cette habitante du quartier de Jardim Camburi.

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Depuis plusieurs jours, les autorités brésiliennes annoncent que de nombreux policiers militaires ont regagné les rues du Espírito Santo pour reprendre en main la sécurité. Le secrétariat de la Sécurité publique et de Défense sociale (SESP) de l'État a annoncé ce mardi que plus de 700 policiers étaient dans les rues de Vitória, selon le quotidien local A Gazeta.

« Ils disent que les policiers sont dans les rues, mais je n'ai rien vu. De plus, le décret de l'armée n'aurait jamais été renouvelé si on s'approchait vraiment d'une sortie de crise », poursuit Delfino. « En plus, les autorités ne communiquent plus avec la population, comme au début du mouvement. Je crois sérieusement qu'elles veulent avoir des boucs émissaires, les poursuivre en justice pour montrer l'exemple et que le mouvement ne se propage pas aux autres États ». Pourtant, la police militaire de Rio de Janeiro a déjà annoncé vouloir lancer un mouvement semblable.

À lire : Une vague de violence inédite au Brésil suite à une grève de la police

Dans l'État du Espirito Santo, cette grève informelle continue : aucun accord n'a été trouvé avec les proches des policiers, qui sont les portes-paroles du mouvement et qui réclament une hausse de 43 pour cent des salaires. Puisque les policiers brésiliens n'ont pas le droit de grève, ils se rendent tous les matins dans leurs casernes et se préparent normalement — pour montrer qu'ils sont là pour travailler. Mais leurs familles les empêchent symboliquement de sortir des casernes afin de leur permettre de faire grève par un moyen détourné.

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Les policiers sous extrême pression

Pour essayer de contourner ces moyens de grève, le gouvernement de l'État a commencé à mettre en oeuvre divers stratagèmes. Selon El País, le commandement général de la police militaire a convoqué samedi dernier ses agents dans des lieux publics, plutôt qu'à leurs casernes, pour éviter le blocage des proches. Le soir même, certains agents ont été sortis des casernes par hélicoptère.

Pour forcer une sortie de crise, le gouvernement essaie de faire monter la pression d'un cran. Le secrétaire d'État de la Sécurité Publique et de la Défense sociale, André Garcia, a diffusé ce mardi une liste de 161 militaires qui ont fait partie du mouvement. Selon A Gazeta, ils vont être poursuivis en justice, seront écartés de leurs activités sans percevoir de salaire et pourraient être licenciés. 700 autres policiers militaires sont sous l'oeil de leur hiérarchie. La justice de l'État a également annoncé que les épouses de policiers qui bloquent les entrées des casernes seraient passibles d'une amende de 10 000 reais [environ 3 046 euros] par jour. Dix d'entre elles ont déjà été identifiées « par l'État, à partir de son service de renseignement », a annoncé la justice brésilienne sur son site.

Ceux qui ont repris le travail subissent pourtant un très grand stress. « Les commandants nous mettent tout le temps la pression pour qu'on sorte, en disant que sinon, on sera punis. Les femmes nous disent de rester pour fortifier le mouvement. Ma mère m'appelle cinq fois par jour pour savoir si je suis vivant et, pour compléter le tableau, la société m'en veut », raconte le policier B., membre d'une des principales casernes de la police militaire de l'État, dans un reportage d'El País. Le quotidien fait état de très nombreux policiers qui ont été envoyés à l'Hôpital de la police militaire pour des crises d'angoisse et de stress, certains ayant des poussées suicidaires. Le gouvernement n'a pourtant pas pu avancer de chiffre précis.

« Le mouvement est train de toucher à sa fin, mais seulement par épuisement », avance Thaís. « En plus, le Carnaval commence dans une semaine. Comment faire pour avoir cette situation pendant une telle fête ? On allait recevoir de la famille, mais je pense qu'on va être obligé de quitter la ville. »


Suivez Henrique Valadares sur Twitter : @HenriqValadares